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jeudi 12 novembre 2020 à 06:31

Le Secours catholique observe un accroissement de la pauvreté en France

Et présente son rapport statistique 2020



 

 



En France 1 440 000 personnes sont accueillies et accompagnées chaque année par 68 200 bénévoles et 935 salariés de l’association le Secours catholique. Créée en 1946 par Jean Rodhain, ancien aumônier des prisonniers de guerre, le Secours Catholique c’est plus de 70 ans d’actions et d’innovations pour réduire la pauvreté.

Ce sont aussi 2400 lieux d’accueil et 74 délégations. La délégation Bourgogne a été créée le 1er janvier 2012. Elle est issue du regroupement de quatre ex-délégations qui sont la Côte d’Or, la Nièvre, la Saône-et-Loire et l’Yonne.

 

La mission que s’est donnée la délégation est de créer une grande synergie entre les moyens humains dont elle dispose afin d’optimiser les ressources sur le territoire bourguignon. Cela passe par un réseau de bénévoles – ils sont 1168 – qui sont présents sur le terrain afin de développer des actions de proximité pour les personnes en difficultés. Ce sont aussi 9670 ménages soutenus et plus de 8000 donateurs.

 

Le Secours catholique Bourgogne propose différents types d’actions pour soutenir les bénéficiaires : des actions de lieux de vie collective afin de permettre de rompre la solitude ; des actions d’aides individuelles financières (qu’il s’agisse d’aides d’urgence ou pour des projets, les besoins de chacun sont étudiés), des actions auprès des personnes isolées ou en situation d’exclusion, d’autres auprès des migrants, des actions auprès des détenus en prison. A cela s’ajoutent des actions d’aides à la scolarité et d’accompagnement pour la formation, des actions auprès des familles et familles monoparentales et des actions auprès des personnes en recherche d’emploi.

 

La situation sanitaire de cette année joue un rôle d’accélérateur sur la pauvreté

 

En 2019 les profils des personnes accueillies ont très peu évolué par rapport à 2018. Le Secours catholique accueille en grande majorité des familles avec enfants, qu’il s’agisse de couples ou de familles monoparentales. 87% d’entre elles se situent sous le seuil de pauvreté (1041€) et 23% n’ont aucune ressource.

 

Et cette année, l’association a choisi de réaliser un focus sur les ménages dans le cadre de la présentation de son rapport statistique. A travers ce rapport, l’association souhaite envoyer un premier message : ne pas oublier les plus démunis, les nouveaux pauvres.

 

Pour l’étude statistique dont les résultats sont rendus public ce 12 novembre, l’association a analysé 1608 situations en Bourgogne. Et 55400 ménages ont été interrogés en France. Et le rapport s’intéresse au budget des ménages. « Nous avons des raisons fortes d’être inquiets de la situation. Aujourd’hui des personnes ont faim et ont besoin d’aide alimentaire. En 40 ans, le nombre de personnes ayant besoin d’aide alimentaire a été multiplié par 8 » a indiqué l’une des responsables de la structure au niveau de la Bourgogne. Avant de poursuivre sur l’apparition de nouveaux profils parmi les demandeurs. 93 % des aides attribuées concernent l’alimentation.

 

Pour de nombreux ménages, le reste à vivre pour se nourrir, s’habiller etc. est compris entre 2 et 9 € par jour et par personne.

Les familles rencontrées font face à des choix impossibles. L’association parle d’une pauvreté monétaire en croissance et d’une crise humaine profonde.

 

La pauvreté en France, en quelques chiffres

 

D’après les résultats de l’étude menée par le Secours catholique, 50 % des ménages interrogés ont entre 2 et 9 € pour se nourrir par jour et par personne. 40 % des ménages interrogés sont dans l’impossibilité d’assurer le budget alimentaire et 25 % des ménages ont des dépenses incompressibles à hauteur des trois quart de leurs revenus.

 

537 € est le revenu médian mensuel des ménages accueillis en 2019. 15 % des personnes accueillies ont plus de 60 ans et 32 % des personnes rencontrées vivent dans les logements indécents.

 

En Côte d’Or, ce sont 6673 foyers qui sont accompagnés soit 20 019 personnes. 23 % des personnes sont sans aucune ressource. Ce nombre de personne a connu une forte croissance entre 2014 et 2019 : + 10 %. Parmi ces bénéficiaires, on retrouve des étudiants et des étrangers présents sur notre sol et rendus « invisibles » car ils sont touchés par l’interdiction de travailler.

 

Pour le Secours catholique, « l’État n’est pas en phase avec les principes qui ont fondé la nation : la liberté, l’égalité et la fraternité. Nous souhaitons faire une place à chacun. Le niveau d’inégalité en France n’est pas utile à l’économie. On empêche toute une partie de la population de participer à la vie économique, sociale et politique » estime Gérard Morice (Côte d’Or).

 

La Nièvre est le département le plus pauvre de Bourgogne, une pauvreté s’exprimant notamment à travers une grande fragilité psychologique et une fragilité sociale.

 

En Saône-et-Loire, 1802 foyers ont été rencontrés soit 5406 personnes. Cela correspond à 43 % de familles, 57 % de personnes seules et 23 % de personnes sans ressource. Les bénéficiaires viennent souvent pour obtenir des aides financières pour régler des factures, des soins de santé.

 

Les demandeurs ont aussi besoin d’écoute, d’être considérés.

 

Dans l’Yonne, ce sont 2400 personnes qui sont accueillies pour 800 foyers. La pauvreté de ce département est proche de celle de la Nièvre. « Le reste à vivre est un reste à survivre » commente l’un des bénévoles du département.

 

Et de souligner : « Les personnes demandant de l’aide ont besoin de repartir autrement. L’important c’est la personne qui a le droit à sa dignité. »

Les personnes ont besoin de se rencontrer, participer à l’élaboration de nouvelles actions, être moteur. Des besoins se font jour, comme celui de l’accès à des machines à laver et qui a poussé à la création – en cours – d’un service itinérant de laverie.

 

Et de poursuivre : « Les fractures économiques, sociales, numériques s’affirment de plus en plus. »

 

Le Secours catholique déplore l’accroissement de la pauvreté : « On est dans le curatif. Il faudrait être dans la prévention. » Par ailleurs, les jeunes de moins de 25 ans sont de plus en plus exposés à la pauvreté. L’association estime que la société n’accorde pas assez de confiance aux jeunes. Les étudiants sont d’ailleurs touchés par la pauvreté. L’association a observé une croissance du nombre de demandeurs dans cette population, parce que certains d’entre eux n’ont plus accès ou difficilement aux emplois saisonniers ou emplois étudiants à l’année. D’autres ne peuvent plus compter sur le soutien de leurs parents eux-mêmes en difficulté.

 

Ainsi dans la Nièvre comprenant deux pôles universitaires, il serait nécessaire de réfléchir à la mise en place de paniers solidaires étudiants, nous dit-on. En Côte d’Or, le constat est assez similaire ainsi que dans d’autres villes accueillant des étudiants comme Auxerre, Chalon-sur-Saône ou encore Nevers.

 

Les bénévoles mobilisés pendant le confinement

 

Au cours du premier confinement du printemps, l’association a perdu des bénévoles qui n’ont pas souhaité continuer les actions. Ce mouvement est moindre cette fois-ci pour le deuxième confinement. Les bénévoles semblent partants du maintien de leurs activités. Des protocoles sanitaires ont été mis en place afin de les protéger.

 

Et les responsables régionaux assurent que l’association a pour l’instant les moyens de soutenir les demandeurs. Les dons se sont maintenus. En France, ils ont même été supérieurs aux autres années.

Certaines équipes accompagnent des personnes en EHPAD. Et cela reste un soucis important de maintenir le lien.

 

La pauvreté témoignée par deux mères de familles

 

Pour respecter leur anonymat, nous ne communiquerons pas leurs noms. Elles ont eu le courage de témoigner leur quotidien. La première est mère d’un garçon de 9 ans et réside en Côte d’Or. Chaque mois il lui reste entre 8 à 9 par jour et par personne pour le reste à vivre. Elle explique faire des choix en fonction de son fils, penser à son bien-être, à son confort. « Je ne pars pas en vacances. J’essaie de lui offrir des loisirs, des centres de loisirs. » explique-t-elle. Elle est aussi bénévole au Secours catholique, s’investit au jardin partagé et dans le soutien scolaire. Elle travaille dans une école avec un contrat de 20h 30.

 

Le deuxième témoignage est celui d’une femme qui indique vivre dans une situation de précarité importante. Elle a perdu beaucoup de travail et vit avec mois de 9 € par jour avec son fils qui a du mal à trouver un emploi.

Elle indique aussi avoir des problèmes de santé avec un traitement à prendre à vie. Elle attend une aide de la sécurité sociale. Elle raconte qu’elle s’alimente parfois peu pour pouvoir bien prendre ses médicaments. « A l’époque où on vit, on ne devrait pas vivre des situations pareilles. J’aimerais vraiment sortir de cette situation-là » déclare-t-elle.

 

Cette femme travaille pour une société de nettoyage depuis 2013, société qui a perdu beaucoup de travail. Elle vit avec 450 € par mois dans l’Yonne. Elle n’a plus de mutuelle.

Une situation difficile qui ne lui permet pas toujours au final d’assurer une prise en charge de sa santé complète.

 

Le Secours catholique à travers ces témoignages souhaite montrer que même si la pauvreté avance masquée, il est nécessaire de la démasquer. Il faut en parler, il faut rendre sa dignité à chacun.

 

EM

 

 

 

 

 

 



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