L’IA et le mythe de Prométhée
Alors que j’écoutais attentivement les explications palpitantes de Stéphane Brun concernant le Machine Learning lors de la Fête de la science organisée par L’Alternative, j’ai été pénétré par l’idée que cet apprentissage de l’Intelligence artificielle et les craintes du dépassement de l’homme par les machines avaient quelque chose de prométhéen.
Alors bien sûr on me rétorquera que Prométhée est sensé avoir seulement volé le feu divin pour en faire cadeau aux hommes, qu’il n’y a là rien de négatif ou d’angoissant là dedans. On me dira que cela à peu à voir avec le Machine learning et le dépassement de l’homme par la machine.
Me référant à la mythologie au travers de sa vision moderne et de son impact sur l’analyse du comportement humain, je m’en rapporte à Gaston Bachelard. Il a inventé le concept de « complexe de Prométhée ». Son explication est simple et décrit réellement l’histoire des progrès de l’humanité. Il explique ceci par « toutes les tendances qui nous poussent à savoir autant que nos pères, plus que nos pères, autant que nos maîtres, plus que nos maîtres », Il parle même d’un complexe d’œdipe de la vie intellectuelle. Je compléterais son explication par autant que « les dieux, plus que les dieux » ce qui ajoute un élément platonicien : Démiurge, le dieu créateur de l’univers, et animateur d’un monde. L’homme veut être l’égal de Démiurge et même plus que lui. L’on voit ça dans les sciences, la génétique et donc dans ce nouveau concept protéiforme l’IA.
On retrouve cette vision mais avec des craintes plus affirmées chez le philosophe Hans Jonas. Il a élaboré la théorie du « Principe de responsabilité » à partir du mythe de Prométhée. En quoi cela consiste-t-il ? A analyser et mettre en avant les conséquences de comportements humains ou de choix techniques, en regard du nécessaire équilibre écologique, social, et économique de la planète. Nos actes nous rendent dans ce domaine responsable de ce qui adviendra en bien comme en mal.
Et écho des deux autres un philosophe de la technique Günther Anders, a développé le concept de « honte prométhéenne » . Nous sommes là dans la peur d’un avenir où l’homme ne dominerait plus son destin après avoir forgé les outils de son déclin. Il parle de la honte qu’éprouve l’homme vis-à-vis de sa finitude au regard de la perfection des machines.
Pour Hobbes, le supplice de Prométhée, avoir le foie mangé chaque jour par un aigle, symbolise la peur de l’avenir de l’humanité inspirée par ses craintes et autres douleurs de sa vie et son corps.
Certains ou certaines assimile le mythe du progrès technique au mythe de Prométhée. c’est un rien réducteur.
Le progrès technique est dû au développement de l’intelligence humaine qui a su créer des outils pour accroître les connaissances et augmenter et renforcer les capacités de la création humaine. Et ceci c’est fait grâce à l’éducation et la transmission de savoir ce que l’on pourrait appeler l’Human learning. A ce propos lire un excellent article dans le Marianne du 21 septembre dernier Michel Desmurget « La lecture est une machine à fabriquer de l’intelligence ».
J’ai sûrement une vision simpliste de la chose mais dans cette course à l’imitation de l’homme, telle que le Machine Learning le fait, il y a une vision inversée du Complexe de Prométhée : « autant que l’homme, plus que l’homme » . Stéphane Brun m’a rassuré « Terminator n’est pas encore prêt d’exister », Mais déjà Karel Čapek , l’auteur ayant introduit le mot robot dans le langage courant, dans sa pièce de théâtre R. U. R.(Rossumovi univerzální robotia) parlait en 1920 de révolte des Robots. Romain Roland également en 1921 pensait de même avec « la révolte des machines ou la pensée déchaînée » Il y a du souci à se faire réalistement, mais l’homme finit toujours par triompher… enfin souhaitons le…
Gilles Desnoix
Voir l'article : Montceau News