La Claudine aime les week-ends, mais parfois le lundi est le bienvenu.
Plus de 2 000 enfants dorment dehors en France, le phénomène s’installe.
La Claudine en est malade. Elle vient de lire, d’entendre et de voir des informations tragiques qui deviennent des marronniers que l’on répète d’année en année juste avant chaque rentrée des classes.
À quelques jours de la rentrée 2025, au moins 2 159 enfants sont restés sans solution d’hébergement malgré un appel au 115. Parmi eux, 503 ont moins de trois ans, dont 171 bébés d’un an ou moins.
C’est le constat publié ce 28 août par UNICEF France et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) dans leur baromètre annuel « Enfants à la rue ». Le chiffre grimpe encore : + ≈ 6 % par rapport à 2024 et + ≈ 30 % par rapport à 2022.
Et il s’agit d’un minimum, car les mineurs non accompagnés et les familles en squats ou bidonvilles ne sont pas comptés.
Cela paraît aussi hallucinant que l’absence de solution effective au fil des années, la Claudine ne peut comprendre que chaque fin août le sujet revienne avec une telle acuité, sans que des solutions, voire des pistes de solution ne soient trouvées.
Des familles partout en France, davantage de mères seules
Selon le baromètre, les familles représentent désormais près de 60 % des demandes non pourvues (DNP) au 115. Les hausses les plus marquées se concentrent en Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie et Hauts-de-France, mais les communes moyennes et petites sont aussi concernées. Les mères seules avec enfants sont de plus en plus nombreuses parmi les ménages sans solution.
Pourquoi ça coince ? Hébergement saturé, logements introuvables
Les associations pointent une saturation chronique des dispositifs d’hébergement et une chaîne du logement paralysée : faible production et attributions en berne dans le parc social, accès au privé de plus en plus serré. En Île-de-France, plus de 50 000 personnes dorment chaque nuit dans des hôtels sociaux, dont une majorité de familles monoparentales.
À l’échelle locale, la Claudine n’a pas trouvé de chiffre officiel public donnant, nuit par nuit, le nombre d’enfants dormant dehors dans la commune, il paraît qu’il y en a. Elle entend dire cela, elle ne les a pas vus. En Saône-et-Loire, les statistiques du 115 (SIAO départemental) font état de demandes non pourvues régulières, y compris de familles avec enfants. La DREETS Bourgogne–Franche-Comté a confirmé qu’en 2022, plusieurs centaines de personnes avaient contacté le 115 sans obtenir de solution, dont une part non négligeable de familles. Ces chiffres sont publics mais consolidés au niveau départemental ou régional.
Montceau-les-Mines n’est certainement pas épargnée par la crise du sans-abrisme des familles. Les structures locales (CCAS, des associations comme Le Pont, RESF, Emmaus, le secours catholique, le secours populaire) doivent composer avec la saturation des hébergements d’urgence départementaux et la difficulté d’obtenir des logements sociaux sur un parc déjà sous tension. Le travail se fait avec un monde associatif solide et efficace.
La Claudine se rend bien compte qu’en 25 ans cette crise est devenue structurelle.
Si la série “enfants restés sans solution après 115” n’existe que depuis quelques années, la tendance de fond est claire :
- 2001 : ≈ 86 000 personnes « sans-domicile » (Insee).
- 2012 : ≈ 143 000, dont plus de 30 000 enfants.
- 2024-2025 : estimations autour de ≈ 330 000 personnes sans domicile (toutes formes). L’Insee anticipe désormais plus de 300 000 sans-domiciles dans sa nouvelle enquête.
En un quart de siècle, la population sans-domicile a au moins doublé, avec une montée en première ligne des enfants et des mères seules.
On peut constater, on peut déplorer, on peut se lamenter ou exprimer sa colère, mais on doit se poser la question :
Quelles réponses sont possibles ?
UNICEF France et la FAS demandent 10 000 à 13 000 places supplémentaires d’hébergement au niveau national. À l’échelle locale, les leviers sont connus :
- Réserver des contingents de logements sociaux aux familles sans abri,
- Financer des nuitées de délestage pour éviter les mises à la rue en fin de journée,
- Renforcer la coordination entre Éducation nationale, CCAS, associations et bailleurs,
- Soutenir l’intermédiation locative pour mobiliser le parc privé.
Déclarations politiques : intentions, limites et réalités
La Claudine n’est pas dupe, il y a les discours, les intentions affichées et les réalités de terrain.
Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)
- « Il est inacceptable que des enfants dorment à la rue en France en 2025. Le manque de volonté politique et l’insuffisance des moyens alloués à l’hébergement d’urgence sont des facteurs déterminants de cette situation. »
Adeline Hazan, présidente d’UNICEF France
- « Chaque nuit, des milliers d’enfants sont privés de leur droit fondamental à un toit. Cette situation est le reflet d’une défaillance systémique qui nécessite une mobilisation immédiate et massive des pouvoirs publics. »
L’UNICEF dénonce l’inaction des pouvoirs publics face à l’aggravation de la situation des enfants sans-abri en France, elle appelle à une action urgente pour garantir un toit à chaque enfant et à une politique publique ambitieuse pour éradiquer le sans-abrisme des mineurs.
La LDH considère que la vie des enfants sans-abri ne doit pas être reléguée au second plan. L’organisation appelle à faire de chaque enfant sans abri une priorité nationale, soulignant l’urgence d’une action concrète pour mettre fin à cette situation inacceptable.
Emmanuel Macron, à Orléans en juillet 2017, a déclaré « La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des hommes et des femmes dans les rues, dans les bois ou perdus. »
La ministre Catherine Vautrin a affirmé vouloir renforcer la protection de l’enfance, améliorer la coordination entre services et généraliser les évaluations et l’accompagnement.
Ce qui est vrai :
- Des mesures de prévention, de coordination interinstitutionnelle et de soutien aux jeunes majeurs sont bien annoncées et pilotées.
Ce qui est faux ou partiellement mit en œuvre :
- Certaines réformes prévues (décrets de la loi Taquet, nomination du Haut-commissaire à l’enfance) sont retardées, ce qui limite l’efficacité des mesures.
- Les taux d’encadrement dans les structures ASE restent insuffisants, faute de professionnels disponibles.
Ce qui est flou :
- Les échéances et les financements des plans à moyen et long terme ne sont pas précisés, laissant l’impression d’un programme ambitieux mais encore théorique.
Réalité de terrain :
- Saturation des structures d’hébergement, disparités territoriales et manque de personnel qualifié persistent, illustrant l’écart entre annonces politiques et conditions concrètes.
La Claudine se dit qu’à ce train-là on n’est pas sortis d’affaire et surtout les gosses.
« Derrière les chiffres, ce sont des enfants qui s’endorment sans toit : urgence sociale et enjeu local. »
Gilles Desnoix
Sources : UNICEF France, FAS, Baromètre “Enfants à la rue” 2025 (communiqué et tribune) ; synthèses de presse (AFP/TF1 Info). Insee (2001, 2012 ; billet 2025 sur la nouvelle enquête « Sans-domicile »). Fondation Abbé Pierre (Rapport mal-logement). Samusocial de Paris (chiffres hôtellerie sociale, Fédération des acteurs de la solidarité, L’Express, blog de l’Insee, Wikipédia, Fondation Logement Défavorisés, L’Est républicain, la LDH.
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