Poème
S’éteindre deux en une
Elle se lève
trop tôt
trop crevée
trop tout
Frigo vide
compte vide
tête pleine
Le gosse crie
le mari râle
la caf explose pas assez
Elle compte
les pâtes
les centimes
les heures
avant que ça pète
Lui
il fume en silence
il l’ignore
il la juge
il s’en veut
mais pas assez pour changer
Il la regarde
comme un échec
comme un rappel
qu’il s’est planté
à vie
Elle,
elle porte
tout le monde
tout le temps
Mais dedans
elles sont deux
L’une crie
qu’elle veut fuir
prendre les gosses
ou pas
tout brûler
partir sans sac
L’autre
chiale en silence
ramasse les miettes
ferme les portes
prépare les clémentines
L’une rêve
de solitude
de silence
de sexe libre
de rien à nourrir
L’autre
rêve juste
que personne ne tombe malade
ce mois-ci
Elle déteste
tout
les cris
les devoirs
la fatigue collée au dos
l’amour devenu menace
Et elle aime
encore
comme une conne
comme une mère
comme une bête
L’une veut tuer
l’autre veut tenir
L’une dit
qu’elle est morte
depuis la maternité
L’autre dit
qu’ils sont tout
qu’elle tient pour eux
qu’elle crèvera pour eux
Les deux mentent
les deux ont raison
Elle est
l’aiguille
et la plaie
Une femme
en trop
dans une vie
qui rétrécit
Qui lentement s’éteint
Deux en une
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