La Claudine aime bien les week-end, mais parfois le lundi est le bienvenu.
Ah, le week-end… Les brocantes de village, le vélo sous les tilleuls, les baignades quand il reste un peu d’eau. Mais ce lundi le cœur n’y est pas pour la Claudine. D’abord, la semaine, il a fait une chaleur de gueux, puis tout gris avec des différences de températures importantes, puis des orages (ô désespoir) et partout des incendies et d’autres orages… médiatiques ceux-là : les annonces du gouvernement qui atermoie, fait volteface, réautorise ce qui était interdit et vice versa.
Bref, la canicule se situe sous la calotte crânienne de la Claudine. Ce lundi c’est le mistral qui tape à sa place sur les touches du clavier, elle a envie de parler d’un drôle de tour qu’on nous joue depuis des années. Un tour bien maquillé en vert, mais qui ressemble de plus en plus à un camouflage d’impuissance politique.
Elle veut parler du climat, évidemment. Pas celui du bord de mer où on n’arrive plus à planter un parasol à cause du vent sec, mais celui qu’on prétend combattre à coups de mesurettes, de bonus éphémères, de promesses contradictoires, et de lois qui s’évaporent comme la Garonne en juillet.
Par exemple, et en premier : la voiture électrique : l’arbre qui cache l’autoroute.
Prenez la voiture électrique, par exemple. Présentée comme la solution miracle pour sauver la planète, elle est devenue le nouveau totem de la « transition écologique ».
Mais entre une batterie produite en Chine avec du charbon, des métaux rares extraits dans des conditions indignes à l’autre bout du monde, et un prix moyen qui frôle les 35 000 €, on se demande pour qui roule vraiment cette solution.
Et comme si ça ne suffisait pas, on assiste à un spectacle de reculades en série : bonus écologique raboté, zones à faibles émissions repoussées ou suspendues, calendrier flouté pour la fin du thermique. Les villes de province, elles, continuent de suffoquer entre embouteillages, air irrespirable et dépendance à la voiture, sans transports alternatifs crédibles.
Il y aura de quoi mettre le feu aux poudres. D’ailleurs, en parlant de ce dernier, la Claudine prend chaud : incendies, sécheresses… et grands silences.
Pendant ce temps, la forêt brûle. Dans les Landes, dans le Var, dans le Massif central. Les pompiers sonnent l’alarme : pas assez d’effectifs, pas assez de matériel, et toujours ces zones interdites d’accès mais pas interdites à l’urbanisation.
Les maires se battent avec des règlements inapplicables, pendant que l’État ferme les yeux. Et dans certains endroits, on ne parle même plus de vigilance, on parle de résignation.
Et l’eau ? Pas de quoi faire couler beaucoup d’encre ministérielle.
Dans le département de la Claudine, comme dans tant d’autres, les restrictions d’usage, voire les coupures d’eau, se multiplient. Les préfets signent des arrêtés de restriction pendant que des golfs continuent d’être arrosés « intelligemment ». Les nappes baissent, les barrages se vident, et le gouvernement regarde ailleurs.
Et quand il regarde, c’est pour créer un nouveau « plan eau », déjà oublié deux décrets plus tard. On fait des conférences de presse quand il pleut trop ou plus du tout, mais on n’attaque jamais le fond : la bétonisation, les monocultures, l’inaction des grands groupes.
Un temps d’arrêt, la Claudine a besoin de reprendre son souffle, d’ailleurs on manquerait d’air pour moins que ça. Là, elle est remontée comme un coucou qui préfèrerait rester dans sa pendule plutôt que de sortir. Pourtant il fait chaud dans sa cabane en bois au piaf. C’est surement une passoire thermique elle aussi. Justement, en parlant de ça.
Les passoires thermiques : un mur d’injustice sociale
La Claudine pense aussi à celles et ceux qui vivent dans des logements mal isolés, qui grelottent en hiver et suffoquent l’été.
La loi leur interdit bientôt de louer leurs logements, mais l’État a suspendu les aides MaPrimeRénov’, sans prévenir, puis les a relancées, puis re-modifiées. Les artisans, eux, n’arrivent plus à suivre les règles, les ménages modestes n’osent même plus déposer un dossier.
On promet des rénovations massives, mais on refuse d’y mettre l’argent, ou de rendre les choses simples.
Pendant ce temps, des logements publics restent vides faute de travaux, et les propriétaires bailleurs sont pris entre injonctions contradictoires et menace de ruine.
Tout ça mis bout à bout compose une vision préapocalyptique ou presque. La Claudine grossit peut-être un peu le trait, mais personne ne peut nier l’analyse globale, alors ?
Alors ? À qui la faute ? Tout le monde… et personne.
L’État ? Trop frileux. Les collectivités ? Sans moyens. Les grandes entreprises ? Trop influentes. Et les citoyens ? Fatigués, inquiets, parfois résignés, souvent lucides.
Et surtout, les lobbys gagnent toujours une longueur d’avance : pétrole, béton, agro-industrie, SUV électrique de 2 tonnes. Pendant qu’on s’épuise à trier nos déchets et à couper l’eau pour se brosser les dents, les vrais leviers restent hors d’atteinte.
Alors quoi ? On arrête tout ?
Non. Mais on arrête de faire semblant. On arrête de dire qu’on va “faire mieux” alors qu’on recule à chaque élection.
La Claudine préconise d’arrêter de se cacher derrière des « solutions techniques » qui ne s’attaquent pas aux causes profondes : dépendance à la voiture, aménagement du territoire déraisonnable, fuite en avant du modèle productiviste.
Et elle propose à son humble niveau, avec sa voix qui ne porte sûrement pas très loin, de se mettre réellement à l’ouvrage, de rénover sérieusement les logements les plus énergivores, d’offrir des vraies alternatives à la voiture dans les petites villes, de former, équiper et financer correctement les secours, admirables partout dans l’hexagone, pour les catastrophes qui sont déjà là, de faire une loi anti-lobby, pour de bon et surtout, SURTOUT, d’écouter les habitants, pas seulement les industriels.
Pour la Claudine, il est grand temps de se lever collectivement, pas seulement pour aller bosser, mais pour refaire le contrat entre l’État, les territoires et la planète. Bon, ça ne mange pas de pain de le dire, mais ça soulage parce que sinon le prochain lundi, on le passera à éteindre les feux et à chercher de l’eau.
Gilles Desnoix