Pouvoir d’achat, la galère ordinaire : factures en hausse, promos trompeuses, aides insuffisantes.
Inflation, prix flous, promos trompeuses : au supermarché, les habitants trinquent
L’inflation semble baisser dans les chiffres officiels, mais dans les caddies, c’est une autre histoire. Partout en France, familles et retraités subissent une hausse constante des prix de l’alimentation, de l’énergie et du logement. Et côté politique, les réponses peinent à convaincre.
Produits de base : des prix qui flambent
Riz, pâtes, huile, lait… Ces produits du quotidien sont devenus des articles de luxe pour certains foyers. Selon l’UFC-Que Choisir, leurs prix ont grimpé de 10 à 20 % en un an. En moyenne, un panier alimentaire coûte aujourd’hui 12 % de plus qu’en 2022. Cette hausse touche tous les circuits : supermarchés, épiceries de proximité, même les marques distributeur. Pour tenir le budget, beaucoup sacrificient la qualité : produits premier prix, jus sans fruits, fromages industriels, carrément abandon de certains plaisirs, comme le chocolat ou les yaourts dessert.
Même les cantines scolaires ont revu leurs menus dans certaines communes, en limitant les portions de viande ou en allongeant les plats avec des féculents.
Ce sont les petites habitudes qui changent, mais elles révèlent un basculement profond. Manger à sa faim n’est plus si évident, même avec un revenu.
Factures qui explosent, salaires qui stagnent
Depuis la fin progressive du bouclier tarifaire, les prix du gaz et de l’électricité repartent à la hausse. En un an, certaines familles ont vu leur facture d’énergie augmenter de 30 à 50 € par mois, malgré des efforts pour consommer moins. Et du côté des loyers, la tendance est la même : dans les villes moyennes comme Beauvais ou Compiègne, des hausses de 3 à 5 % sont constatées sur les nouveaux baux.
Ceux qui rêvent d’acheter leur logement se heurtent à des taux de crédit élevés, autour de 4 % sur 20 ans. Beaucoup ont un projet d’achat, mais entre le prix du bien et le coût du crédit, c’est devenu impossible. Et pourtant, beaucoup de ces ménages ont un emploi stable, parfois même deux revenus.
Mais avec des salaires qui ne suivent pas l’inflation, le constat revient partout :
« On travaille, on ne dépense pas plus qu’avant, mais à la fin du mois, il ne reste rien… » Cf. https://montceau-news.com/montceau_et_sa_region/817242-ce-qui-est-dur-cest-la-fin-du-mois-surtout-les-15-derniers-jours.html
Courses, essence, cantine scolaire, fournitures, frais bancaires…
Tout a augmenté, sauf les fiches de paie. Résultat : même les classes moyennes se sentent désormais en précarité masquée.
Promotions piégeuses et “réduflation” : la grande distribution pointée du doigt
Les promotions affichées en magasin sont souvent des leurres : portions réduites sans baisse de prix, mise en avant de produits ultra-transformés… Ces pratiques, dénoncées par les consommateurs, alimentent un sentiment d’arnaque. Le manque de transparence sur les marges entre producteurs, distributeurs et industriels aggrave la méfiance.
Des mesures politiques peu claires et contestées
Face à la flambée des prix, le gouvernement a déployé plusieurs dispositifs :
- des chèques énergie pour aider à payer les factures d’électricité ou de gaz,
- des aides ponctuelles comme le « coup de pouce inflation » versé en fin d’année,
- des campagnes de “prix bloqués” sur certains produits alimentaires en grande surface.
Mais ces mesures peinent à convaincre. Selon un récent sondage, seuls 3 Français sur 10 estiment que ces actions ont permis une vraie baisse des prix dans leur quotidien. La majorité présidentielle défend l’idée d’une “inflation ciblée” : aider en priorité les ménages les plus modestes, tout en évitant de trop intervenir sur le marché pour ne pas “dérégler l’économie”. « Nous protégeons ceux qui en ont le plus besoin, sans freiner la reprise », a déclaré récemment un ministre de Bercy.
Mais la critique est unanime sur les bancs de l’opposition, à droite comme à gauche : « Trop flou dans l’application », « Pas assez durable », « Des effets à court terme mais aucune vision à long terme ». Ce sont les remarques les plus fréquentes.
Même des maires de petites communes rurales s’alarment : « Ce sont encore nos CCAS qui doivent boucher les trous pendant que les mesures nationales restent floues ou mal ciblées », déplore nombre d’élus locaux.
En clair, l’incompréhension grandit, sur fond de fatigue sociale et de pouvoir d’achat en berne. La fracture entre la parole politique et le vécu du terrain ne cesse de se creuser.
Les propositions politiques pour redonner du pouvoir d’achat
Face à la colère grandissante, chaque parti avance ses solutions : le Rassemblement National : TVA à 0 % sur les produits alimentaires de base, baisse des taxes sur les carburants ; la France Insoumise : blocage des prix sur les produits essentiels, hausse du SMIC à 1 600 € net ; le Parti Socialiste : chèque alimentaire pour les foyers modestes, régulation des prix de l’énergie ; les Républicains : baisse des charges pour les entreprises, pour relancer salaires et consommation ; les Écologistes : TVA réduite sur produits bio et locaux, aides à la rénovation énergétique, soutien aux circuits courts.
Tous s’accordent sur un point : l’inflation touche désormais les classes moyennes, au-delà des plus fragiles.
Un regard sur l’Espagne : transparence et efficacité
Depuis 2022, l’Espagne a mis en place des mesures simples : TVA à 0 % sur l’alimentaire de base, hausse du SMIC, blocage partiel des prix du gaz. Le résultat ? Une inflation alimentaire mieux maîtrisée et une communication claire qui a renforcé la confiance des citoyens.
Dans notre département : le quotidien des associations et des habitants
Les associations locales, comme le Secours Populaire ou les Restos du Cœur, lancent un véritable appel à l’aide. Les files d’attente s’allongent, y compris pour des familles où les deux parents travaillent.
« On voit arriver des profils qu’on ne voyait pas avant : des employés à temps plein, des retraités qui n’y arrivent plus », témoigne une bénévole du Secours populaire.
Les CCAS (Centres Communaux d’action sociale) sont également débordés. Les demandes de microcrédits solidaires, d’aides exceptionnelles explosent, notamment pour payer une facture de gaz, réparer une voiture indispensable pour aller travailler, ou simplement remplir un caddie.
Des initiatives locales se multiplient pour faire face :
- Des marchés de producteurs avec des prix solidaires voient le jour à Montigny et Saint-Félix.
- Des coopératives alimentaires, comme celle de la rue du Château à Brévillers, permettent aux habitants d’acheter en gros pour faire baisser les prix.
- Des groupements d’achats s’organisent entre voisins, via des applis locales, pour mutualiser les commandes et accéder à des tarifs plus justes.
Mais malgré ces efforts, les prix restent trop élevés pour beaucoup.
« Même avec les paniers solidaires, on doit encore faire des choix entre manger, se chauffer ou acheter les fournitures pour les enfants », voilà une des réflexions les plus lues sur le net.
Ces témoignages reflètent une fracture sociale qui se creuse, et une solidarité de proximité qui tente, tant bien que mal, de colmater les brèches.
Portrait de Jeanne, 75 ans : une retraitée en lutte quotidienne
Jeanne, retraitée modeste, en première ligne de l’« année blanche » et des réformes fiscales
Jeanne bénéficie de 1100€ net par mois, soit le minimum vieillesse réévalué conformément au budget 2026. Elle dispose d’un petit appartement en ville moyenne. Chaque mois, près de 660€ sont absorbés par les dépenses fixes : charges, énergie, alimentation, santé. Sans vacances depuis cinq ans, sa qualité de vie reste réduite. Et il semble, au vu des annonces du Premier ministre, François Bayrou, qu’elle le sera encore plus en 2026.
En effet, les pistes annoncées portent sur une « année blanche », ce qui veut dire qu’il n’y aura pas de revalorisation des pensions en 2026. François Bayrou prône un gel de toutes les prestations sociales en 2026 – pensions, allocations chômage, AAH, RSA, APL — ainsi que des barèmes fiscaux (IR, CSG). Cela représente un gain de 7 milliards d’euros pour le budget, mais en pratique : les pensions de Jeanne ne seront pas indexées sur l’inflation, ce qui correspond à une perte de pouvoir d’achat proche de la hausse des prix (même si elle reste modérée), l’APL est gelée : aucun ajustement malgré la possible augmentation des loyers ou charges. Cela va plus loin avec la proposition de remplacement de l’abattement de 10 % par un forfait de 2 000 €. Actuellement, les retraités bénéficient d’un abattement de 10 % sur leur pension, plafonné à 4 123 €. À partir de 2026 : cet abattement sera remplacé par un forfait de 2 000 € – avantage pour les petites pensions, neutre pour les retraites moyennes, mais désavantageux pour les pensions élevées (impact : retraités > 20 000 €/an). Pour Jeanne, cette réforme est neutre ou légèrement positive à court terme, car ses revenus sont faibles.
Mais il existe d’autres possibilités de mesures impactant Jeanne : franchises médicales doublées, de 50 à 100 € par an, réduction du reste à charge pour l’État mais augmentation des dépenses de santé pour Jeanne si elle engage des soins fréquents. Indirectement, le gel des dépenses des collectivités et la suppression de 3 000 postes publics pourraient affecter l’accès aux services locaux dont dépend Jeanne (aides à domicile, administration locale…).
Pour résumer, bien que certaines mesures (comme le forfait de 2 000 €) puissent bénéficier aux plus petits revenus, Jeanne se retrouve globalement plus exposée : sa pension et aides gelées, des dépenses de santé à la hausse, sans revalorisation pour contrer l’inflation.
Si l’abattement fiscal venait à disparaître, Jeanne verrait son revenu fiscal de référence augmenter, ce qui pourrait réduire le montant de son APL, voire la faire basculer dans une tranche où elle n’y aurait plus droit. Concrètement, cela signifierait devoir payer un loyer plus élevé sans compensation, ce qui aggraverait sa situation financière déjà précaire.
Face à cette double pression – hausse de l’impôt et baisse possible de l’aide au logement – Jeanne risquerait de voir son isolement social s’accentuer. En effet, avec un budget encore plus contraint, les sorties, les soins médicaux non remboursés et les besoins essentiels seraient les premières victimes des arbitrages financiers difficiles.
Cette perspective inquiète non seulement Jeanne, mais aussi de nombreux retraités locataires qui dépendent de ces dispositifs pour maintenir une vie décente et digne.
Suppression de l’abattement fiscal sur les retraites : un coup dur annoncé
L’abattement fiscal de 10 % sur les pensions de retraite est un dispositif clé qui permet aux retraités modestes de payer moins d’impôts. Concrètement, cet abattement réduit la part de la pension soumise à l’impôt, allégeant ainsi la facture fiscale pour des milliers de personnes. Aujourd’hui, ce mécanisme pourrait être supprimé, ce qui inquiète fortement les bénéficiaires.
Pour des retraités comme Jeanne, qui touche environ 1 100 euros nets par mois, cette suppression se traduirait par plusieurs centaines d’euros d’impôts supplémentaires à régler chaque année. Ce surcoût serait lourd à supporter, surtout quand les revenus sont déjà serrés face à la hausse des prix de l’énergie, de l’alimentation et des soins.
Mais ce n’est pas tout : la perte de cet abattement fiscal risque aussi de faire basculer certains retraités dans la catégorie des personnes imposables alors qu’ils en étaient exemptés jusqu’à présent. Cette nouvelle imposition pourrait entraîner la suppression d’aides sociales précieuses, comme les exonérations de taxe foncière ou la réduction de la Contribution Sociale Généralisée (CSG). Autrement dit, la suppression de cet avantage ne concerne pas seulement l’impôt direct, mais menace un ensemble d’aides indispensables pour maintenir un niveau de vie décent.
Au final, pour beaucoup de retraités modestes, cette mesure signifie une baisse encore plus sévère de leur pouvoir d’achat. Dans un contexte où l’inflation cible les dépenses essentielles, cette annonce résonne comme un coup dur supplémentaire, accentuant la précarité économique et sociale de nombreux seniors.
Conclusion
L’inflation “ciblée” frappe durement le quotidien : au supermarché, à la pompe, dans les factures, elle est une réalité tangible pour toutes les générations. À un an de l’élection présidentielle, les citoyens attendent des réponses politiques claires, justes et durables. Entre promesses et frustrations, le pouvoir d’achat reste le grand enjeu social de notre temps et les annonces du 15 juillet par le 1ᵉʳ ministre ne vont pas dans le sens d’un apaisement de l’opinion publique et des soucis quotidiens d’une grande partie des Français.
Gilles Desnoix