Société : Avis de consommateur
Quand j’ai découvert Too Good To Go, lors d’un repas familial où frangins et frangines rivalisaient de « bons plans », j’ai cru avoir trouvé le Graal : sauver la planète tout en dégustant des repas délicieux à prix réduit. Quelle noble mission !
J’imaginais déjà un festin de gourmandises oubliées, un trésor caché derrière chaque « panier surprise ». Mais au moment d’ouvrir mon sac, j’ai compris que le concept reposait sans doute sur un autre principe : la loterie gastronomique.
Too Good To Go : le principe
Too Good To Go est une application qui lutte contre le gaspillage alimentaire, en permettant aux utilisateurs d’acheter à prix réduit des invendus de restaurants, boulangeries et supermarchés.
Lancée en 2015 au Danemark, elle met en relation les commerçants avec des consommateurs souhaitant récupérer des repas encore consommables, mais qui seraient autrement jetés.
Comment ça fonctionne
Après avoir téléchargé l’application, c’est la découverte des offres.
Les commerces partenaires proposent des « Paniers Surprise » contenant des produits invendus, mais encore consommables.
Les utilisateurs réservent leur panier via l’application et le paient directement en ligne. À l’heure indiquée, ils se rendent sur place pour récupérer leur panier et découvrir son contenu.
La théorie
En théorie, cela permet de réduire le gaspillage alimentaire tout en faisant des économies.
La pratique
Sans plus attendre, je réserve immédiatement mon panier-surprise dans un magasin de fruits et légumes proche de ma commune.
Je règle la somme de 3,99€ pour un panier qui en vaut (dixit le commerçant) 12.
A l’heure dite, avec une certaine jubilation, je m’en vais récupérer mon panier-surprise.
Première désillusion : la vendeuse m’ignore superbement, le nez dans sa cagette de fruits. Elle ne répond pas à mon salut, voit que je suis hésitante quant à la conduite à tenir avec ce nouveau genre d’achat. Mais elle continue de secouer sa cagette avec un certain énervement.
Je me décide enfin à lui montrer l’écran de mon téléphone portable, où il est écrit le numéro de mon panier. « Faut valider votre panier » aboie-t-elle. Devant mon air surpris, elle croit bon d’ajouter : « J’y connais rien en Internet, donc… ». Donc, il faut que je me débrouille toute seule… Ok !
Tant bien que mal, je valide mon panier et elle daigne enfin aller chercher mon colis.
« Vous savez comment ça marche hein le Too Good To Go ! Parce que certains clients croient que ce sont des fruits et légumes frais qui se trouvent dans le panier.
Mais c’est pas ça. Vous voyez, (elle prend une des pommes pourries qui se trouve dans mon colis) vous coupez le morceau pourri et vous pouvez utiliser ce qui reste… ».
Sans blague ? Je n’y aurais pas pensé !
Sur ces bonnes paroles, la vendeuse se fend d’un « Au revoir, bonne journée » et me laisse découvrir mon petit trésor.
Un inventaire à la Prévert
Dans mon joli panier-surprise : 3 minuscules tomates, dont une moisie, à côté d’une petite courgette.
Une botte de radis dont les feuilles pourries dégagent une odeur pas très agréable. Un artichaut abimé jusqu’à la moelle, une floppée de pommes très abimées, des bananes pas en meilleure forme, deux pieds de céleri jaunis, desséchés et sans la moindre odeur donnant envie de les cuisiner et un demi-chou blanc moisi en surface…
Bref ! Que faire de tout cela ? Je me dis que je vais faire une petite soupe avec mes céleris, le chou, les tomates et la courgette et au pire, soyons fous, les radis.
Ecraser les bananes à la fourchette en les inondant de sucre pour un petit dessert qui rappelle l’enfance, cuire l’artichaut rapidement pour en tirer quelques feuilles, ainsi que les pommes pour une mini-compote.
Malgré une bonne volonté à toute épreuve
Je renonce à la soupe, car le céleri n’a vraiment pas l’air en bonne santé, les deux tomates et demie ne font pas le poids et le chou, même amputé de moitié ne me dit rien qui vaille !
Je me régale donc d’une lichette de purée de bananes et d’une assiette de compote de pommes.
Bilan des courses : j’en ai eu pour mes 3,99€ !
A préciser que cette expérience m’est propre et que je n’ai testé que ce magasin.
Au final
En fait, Too Good To Go, c’est un peu comme une pochette surprise… Sauf que parfois, la surprise, c’est qu’on aurait préféré ne jamais ouvrir la pochette. Entre le céleri en quête d’une seconde vie et l’artichaut fossile, j’ai appris une grande leçon : l’aventure anti-gaspillage, c’est aussi un entraînement mental pour cultiver l’optimisme.
Alors oui, peut-être que mon dîner ressemblait plus à une chasse au trésor sans trésor, mais au moins, j’ai vécu une expérience dont mes papilles – et mon sens de l’humour – se souviendront longtemps.
Nelly Desplanches