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lundi 31 mars 2025 à 04:02

La Claudine aime les week-ends, mais parfois le lundi est le bienvenu.



 

 

Franchement, ce weekend, la Claudine en a eu ras-le-bol des répétitions en boucle sur les chaines d’info continue, les radios et la presse écrite de la pénurie de médicaments qui dure en France. 400 médicaments absents des rayons des pharmacies, dont certains essentiels dans le traitement de maladies comme le cancer. Et ça fait des mois, plusieurs années que cette situation perdure. Alors, la Claudine, elle a tout compilé, tout écouté, tout lu ce qu’elle pouvait trouver sur le sujet pour se faire une idée et ne pas se contenter de ce qu’on lui « serine » aux oreilles, comme disent les anciens. « À soixante ans, avec mes petits problèmes de santé, j’ai besoin de mes médicaments au quotidien. Rien d’exceptionnel, juste des traitements basiques, ceux que des milliers de Français prennent comme moi. Et pourtant, à chaque passage en pharmacie, c’est la même rengaine : « désolé, c’est en rupture, on ne sait pas quand ça reviendra ». À croire qu’il faut être devin ou chanceux pour espérer se soigner correctement dans ce pays ! »

La Claudine se demande avec un mélange d’angoisse et de colère : « Comment en est-on arrivé là ? » On parle de la France, cinquième puissance mondiale, mais on n’est même plus capables d’avoir du Doliprane sur les étagères ! « Et pourquoi ? »

Ce 29 mars 2025, la Claudine, en lisant le Monde, Le Point, les rubriques sur les sites du ministère de l’économie, de l’ANSM ou en regardant BFM et LCI, se rend bien compte que la France continue de faire face à des pénuries de médicaments, notamment en ce qui concerne les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM). L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) maintient une liste à jour des médicaments actuellement en difficulté d’approvisionnement. Le Point souligne qu’en 2024, les signalements de ruptures de stock et de risques de rupture ont atteint 4 925, soit une augmentation de 30,9 % par rapport à l’année précédente.

Donc rien n’a été réglé ? Pourtant, il y a eu des interventions de politiques, de ministres pour assurer que, pour lutter contre ces pénuries, le gouvernement avait mis en place une nouvelle stratégie visant à améliorer la disponibilité des médicaments. Certes, mais en fait pas tant que ça, puisqu’une des mesures porte sur la possibilité pour les pharmaciens de substituer un médicament en rupture par un autre disponible, sans avoir à consulter le prescripteur, en se basant sur une liste de correspondance établie par l’ANSM et la Haute Autorité de santé. On ne lutte pas contre la pénurie, on essaie de contourner ses effets.

Bien sûr, il y a le bâton après la carotte : en septembre 2024, l’ANSM a infligé 8 millions d’euros d’amendes à une dizaine de laboratoires pharmaceutiques pour ne pas avoir constitué de stocks suffisants de médicaments essentiels. ​8 millions à des boîtes qui brassent des dizaines de milliards ? De toute manière, la situation demeure très préoccupante, car plus de 50 % des médicaments dits « essentiels » font l’objet de signalements de rupture ou de risque de rupture.

Mais pourquoi cette pénurie existe-t-elle et perdure-t-elle ?

Tout le monde s’entend pour affirmer que la pénurie de médicaments en France est causée par un ensemble de facteurs portant sur la production, la distribution et la demande.

En ce qui concerne la fabrication et la distribution, on peut pointer plusieurs éléments :

– Le premier, celui qui pèse le plus lourd dans l’affaire : la délocalisation industrielle de la fabrication des principes actifs maintenant essentiellement réalisée en Inde et en Chine. D’où perte de notre souveraineté à ce niveau-là et ce qui rend la France et l’Europe dépendantes de ces pays. Toute perturbation dans ces chaînes d’approvisionnement impacte directement la disponibilité des médicaments.

– le second tient à la situation géopolitique et à des phénomènes naturels comme de grosses catastrophes qui occasionnent ou accroissent la rupture ou l’étranglement d’approvisionnement en matières premières.

– Le troisième a trait à des difficultés logistiques telles que des retards dans la production et le transport. Il y a toujours de bonnes raisons comme des problèmes dans les ports, le manque de conteneurs, la hausse du prix du fret due à la situation internationale, le prix des carburants, les tarifs d’assurance, etc., etc.

Pour un certain nombre d’« experts », cela provient aussi, forcément, d’une augmentation de la demande difficilement maîtrisable. En cause ? Des épidémies saisonnières plus sévères, la pandémie de Covid-19, le vieillissement de la population, le sempiternel joker de la guerre en Ukraine ont renforcé la demande mondiale de certains médicaments. La Claudine s’étonne : « Mais ces fameux experts, ils ne sont jamais capables d’anticiper, de prévoir, juste de commenter les constatations. » Bizarre, non ? De toute manière, les coupables sont tout trouvés : le citoyen qui s’automédicalise trop (Mme Bachelot l’avait exhorté de le faire pour coûter moins cher à la Sécu), le praticien qui prescrit beaucoup trop et, semble-t-il, sans discernement. La Claudine, ça la met hors d’elle, « c’est qu’on nous culpabilise en plus ! » « Évitez de stocker, ne prenez que si c’est nécessaire… », mais qu’ils commencent par faire leur boulot !   Quand on est malade, on veut juste être soigné, pas se battre pour une boîte de cachets. »

Un point est souvent mis en exergue par certaines critiques qui s’appuient sur des dispositions de la règlementation nationale et leur exploitation par les laboratoires. Ces derniers trouvent que les prix des médicaments sont trop bas en France et donc ils privilégient d’autres marchés plus rentables. La loi ne leur imposant pas de contrainte au niveau des stocks de sécurité, les stocks sont très souvent insuffisants et donc aggravent les ruptures. Pourtant, le gouvernement impose aux laboratoires de constituer des stocks stratégiques, mais leur mise en place prend du temps.

 D’ailleurs, ils n’en font pas mystère, ces grands groupes internationaux : ils préfèrent vendre leurs produits à l’étranger plutôt qu’en France pour des raisons de rentabilité. Et on l’a vu avec le principal groupe pharmaceutique français, un des leaders mondiaux : les médicaments anciens ou génériques jugés peu profitables ne sont plus fabriqués par eux et plus sur notre territoire. Mais souvent, il ne s’agissait que de la transformation, car les principes actifs venaient et viennent toujours d’Inde ou de Chine. Les gouvernants, le Président de la République, ont promis que des projets allaient voir le jour pour ramener la production de certains médicaments en Europe, mais cela demande plusieurs années. Et il ne semble pas que cela démarre très fort.

Pour la Claudine, arrivée à ce stade de sa réflexion, c’est plus que de la frustration, c’est de la colère. « Parce que nos usines ont été délocalisées à l’autre bout du monde pour faire des économies de bouts de chandelle. Parce que les laboratoires préfèrent vendre ailleurs, là où c’est plus rentable. Parce que notre gouvernement laisse faire, incapable d’imposer des règles strictes pour garantir un accès à des médicaments ESSENTIELS. »

Elle écoute, lit, et se désespère en préparant son pilulier : « moi, pendant ce temps-là, je vais quémander une boîte d’antibiotiques dans trois pharmacies différentes ? Je dois supplier mon médecin pour qu’il me trouve une alternative qui ne me convient pas vraiment ? C’est ça, la grande avancée de la médecine moderne ? »

Ah oui, vivement le lundi que l’on se repose du stress du weekend sans devoir prendre des tranquillisants.

 

 

Gilles Desnoix

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