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dimanche 29 septembre 2024 à 06:02

Du réarmement démographique à la réalité de terrain



 

 

Les femmes moins fécondes ? Pas forcément, mais le modèle de société n’est pas aux familles nombreuses. Etre mère oui, mais plus tard et pas forcément dans l’esprit d’autrefois…Comme un choix et pas forcément une fatalité… enfin pas pour toutes les femmes.

En 2023, l’Insse commente ses statistiques : la fécondité chute, l’espérance de vie se redresse. 678 000 bébés sont nés en France, soit  6,6 % de moins qu’en 2022 et près de 20 % de moins qu’en 2010. 1,676 enfant par femme en 2023, 1,794 en 2022, l’indicateur conjoncturel de fécondité n’a jamais été aussi bas depuis la Seconde Guerre mondiale, sauf période 1993/1994.

De fait nous somme retombés en dessous de 1994 dont l’indicateur s’établissait à 1,683. En 1901 il était de 2,9, puis 2,85 en 1965, 1,93 en 1975, 2,02 en 2010. Ce taux est fluctuant et tient en partie à l’évolution économique du Pays, à la conjoncture mondiale, aux évolutions du marché de l’emploi avec au fil du temps une part de plus en plus importante prise par le travail des femmes, aux changements sociétaux et à l’allongement de la durée de vie.

Cette dernière à progressé et progresse encore, les niveaux actuels d’espérance de vie sont de 85,7 ans pour les femmes et 80,0 ans pour les hommes, cela dépasse en fait les niveaux de 2019, donc d’avant la Covid 19.

Cela tient aussi au fait que les femmes deviennent mères pour la première fois de plus en plus tard puisqu’en 1974 l’âge moyen était de 24,5ans, en 2015 de 28,5 ans et en 2023 de 31,4 ans.

S’agit-il d’un phénomène nocif à la descendance finale des générations ?

Pour 2023, si l’on retranche les 631 000 décès constatés nous trouvons un solde de 47 000, ce qui est inférieur aux années précédentes, 81 000 en 2021.

Se calcule là le nombre moyen d’enfants pour une même génération (de 15 à 50 ans pour les femmes et de 18 à 60 ans pour les hommes). On ne tient pas compte de leur mortalité et l’on fait la somme des taux de fécondité par âge d’une génération. Le taux de la descendance finale minimal est estimé à 2,0 enfants par femme, ce qui permet juste de stabiliser la population.

Il y a donc là des signes de fragilité pour l’avenir.

Mais pour avoir des enfants, encore faut-il être en couple. Or en 1997 il se réalisait 283 984 unions, en 2004, il y a donc 20 ans, le nombre de mariage était descendu à         278 439, il passe en dessous des 250 000 en 2011 avec 236 826, et en 2019 221 000 couples se sont formés. Il y eu cette même année 6000 mariages entre personnes du même sexe.      

L’âge moyen des hommes pour leur premier mariage était de 28,7 ans pour les hommes et 27 ans pour les femmes. En 2003, les statistiques de l’Insee nous l’apprennent, il était de 30,6 pour les hommes et de 29 pour les femmes. En 2022 on trouve l’âge moyen à 23,3 pour les femmes et 33,8.

 

De tous temps les gouvernants se sont intéressés à la démographie de leur pays, en ayant une attention acérée sur le nombre de naissances de mâles. En effet il s’agissait là d’un critère de puissance d’une nation, donc d’importance et de vigueur de ses armées. Faire des enfants était un devoir surtout pour doter le pays de futurs soldats.

A la révolution industrielle un prolétariat nombreux et volatile prenait une importance croissante. Les exodes ruraux ayant suivi la saignée de 1914/1918 ont dépeuplé les campagnes, entassé les familles dans les zones périurbaines et offert à l’industrie une classe sociale soumise aux aléas économiques dont l’indicateur conjoncturel de fécondité a baissé lentement mais surement, moins vite que dans les classes aisées, mais tout de même.

Par rapport à une société où le modèle religieux l’emportait et où il était bon de croître et de se multiplier, le discours républicain restait malthusien, fondé sur le contrôle de soi, sur la qualité des enfants par rapport à  leur quantité afin d’assurer une meilleur éducation, cette dernière intervenant aussi sur le plan social, sociétal et économique comme facteur d’autonomie et d’émancipation.

Au cours des temps des politiques natalistes furent mises en place, une approche hygiéniste se développant le nombre de morts infantiles baissa et cela amorça aussi la baisse du besoin de « remplacer », d’assurer par le nombre sa descendance. L’amélioration de l’hygiène, de la qualité de vie, la prise de conscience de l’importance de l’individu sont des facteurs de restriction aussi de la procréation en la rendant volontaire, voulue et planifiée.

Depuis 1945 la France, l’Europe, ont vécu en paix et cela a amené la mise en place de nouveaux réflexes, de nouvelles orientations dans la vie des gens.

 

Le président Emmanuel Macron, dans une déclaration du 16 janvier dernier, a pris une attitude martiale en affirmant la nécessité d’un “réarmement démographique” pour la France. Nous retrouvons là l’idée qu’une nation grande et puissante doit obligatoirement être très peuplée. Les propositions énoncées,   Congé de naissance mieux rémunéré que le congé familial, plan de lutte contre l’infertilité (annoncé depuis 2021 et toujours pas mais en place).  ne paraissent pas à la hauteur des enjeux fixés.

Bien entendu il s’agit d’une position idéologique ne tenant aucun compte des réalités éconmiques quotidiennes de la population, étrangères  aux données tangibles en matière d’emploi, de retraite, d’environnement, d’attentes sociales et sociétales. Les français redeviennent des sujets et non plus des individus, ils doivent répondre à une fonction utile à la nation : procréer pour assurer la puissance de cette dernière. Peut être pas le discours en phase avec notre époque.

 

 Notre président reprend en fait une vision qui a eu cours régulièrement au cours de notre histoire politique.

 

Les dirigeants politiques ont eu face à eux des groupements, associations, ligues aux fondements idéologiques et aux buts variés ayant pour enjeu la relance de la natalité. On trouve,  en 1896, l’Alliance nationale pour l’accroissement de la population française de Jacques Bertillon, en 1908, la Ligue populaire des pères et mères de familles nombreuses du capitaine Simon Maire, recrute chez les employés et les petits-bourgeois par des conférences partout en France. En 1911, se crée un groupe parlementaire « pour la protection de la natalité et des familles nombreuses ».

Dès les années 30 l’état entend mettre en place une politique familiale qui aurait  dans ses buts le maintien de la démographie par un soutien aux familles et donc à la natalité. Chaque fois et surtout actuellement on parle de déclin démographique. Même s’il est moins prononcé dans notre pays il se dessine de plus en plus ailleurs en Europe.

En dehors des politiques publiques, pour redresser la barre, des suggestions tiennent souvent plus fantaisistes que réalistes comme par exemple de faire financer par la CAF un abonnement aux sites de rencontre ou de créer un service public de la rencontre.

 

Plus réalistement, les spécialistes pensent que le système des allocations familiales devrait être revu avec l’instauration d’une aide dès le premier enfant. Ils préconisent aussi un investissement plus important dans le service public de la petite enfance pour qu’il soit réellement doté de vrais moyens (on voit bien les difficultés avec les systèmes privés actuellement)  afin de soulager les parents en leur permettant de concilier vie professionnelle et vie familiale.

De plus ces spécialistes soulignent le rôle du logement comme facteur clé pour favoriser la natalité et surtout du logement adapté pour les familles. Conditions de travail, mobilités difficiles et de plus en plus onéreuses, hausse du nombre de familles mono-parentales, pressions éconmiques et précarités sont aussi des freins à la natalité. Une enquête de l’Ifop en 2022 énumère les raisons amenant les femmes  à désirer moins d’enfants : épanouissement personnel, craintes face à l’état écologique ou économique du monde. Ces motications représentent l’expression de choix individuels dépassant le cadre strict d’une politique familiale centrée sur la natalité.

 

Les conditions de garde sont à mettre aussi en parallèle des conditions de travail et des perspectives de carrière pour les femmes. Une  autre enquête Ifop de 2023, commandée par les Associations familiales catholiques (AFC),  démontre que le tiers des femmes interrogées a renoncé à avoir un premier enfant ou un enfant de plus pour les raisons évoquées ci-dessus. Et la moitié d’entre elles avouent qu’elles n’auraient pas renoncé si elles avaient pu ou eu les moyens de s’arrêter

 Cela dépasse le seul perimètre d’un congé naissance tel que proposé

 

Soyons réalistes, de tous temps, dans tous les pays les gouvernants ont eu à faire face à ce genre de situations et de solutions à trouver. Dans nos sociétés modernes s’il suffisait d’un décret pour relancer la natalité, voire même d’une loi, nous n’aborderions plus le sujet aussi épisodiquement, tout serait règlé. Mais cela ne doit pas empêcher de réfléchir, d’agir et d’être attentif.

 

Gilles Desnoix

 

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