Accès aux soins en Saône-et-Loire
Médecins généralistes et spécialistes : difficile de se soigner sans faire beaucoup de kilomètres, ni mettre la main à la poche !
Fracture sanitaire :
l’UFC-Que choisir71 tire la sonnette d’alarme
L’association de consommateurs vient de rendre public plusieurs cartes sur l’offre médicale en Saône-et-Loire. Médecins généralistes et spécialistes (gynécologues, pédiatres et ophtalmologistes) sont au cœur de cette enquête basée sur le coût et l’accès aux soins de ces professionnels. Et les conclusions sont alarmantes.
Les dépassements d’honoraires se généralisent et aucune zone n’est épargnée par cette désertification des soins… mais mieux vaut quand même, en résumé, ne pas être une maman qui porte des lunettes à Bourbon-Lancy et le far-west charolais !

Marie-Jeanne Giraud, responsable de l'antenne de Louhans et référente santé de l'association sur le département, et Denise Lespinasse, présidente de l'UFC-Que Choisir71
Pourquoi l’UFC-Que choisir a t-elle fait cette enquête ? « L’association a une double légitimité pour défendre l’accès aux soins, considère Denise Lespinasse, la présidente départementale. Nous sommes la première association de consommateurs en Europe et nous disposons de l’agrément santé depuis 2007, ce qui est une reconnaissance de notre implication dans le domaine de la santé. » Cet agrément permet notamment à l’association d’aller en justice.
Des représentants de l’UFC siègent par ailleurs dans certains hôpitaux de la région, dans des commissions leur permettant d’être en relation avec les usagers : à Charolles, Chagny, Le Creusot par exemple.
Pourquoi maintenant ? « Nous sommes à la veille des discussions d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, répond la présidente. On est aussi en plein bouclage des négociations sur les dépassements d’honoraires. Des discussions entre médecins, mutuelles et sécurité sociale mais sans aucun représentant des usagers. L’UFC a donc décidé de faire entendre sa voix. » Et pour ce faire, l’association s’appuie sur une grande consultation lancé l’hiver dernier auprès de 51 000 Français, 1 726 Bourguignons.
Qu’avait fait ressortir cette première consultation ? L’accès aux soins est, sans surprise, une préoccupation majeure des habitants de Saône-et-Loire.
73 % des 1726 répondants régionaux pointent le coût des soins comme un sujet d’inquiétude important, notamment à cause des dépassements d’honoraires (tarifs supérieurs au tarif de la sécurité sociale, et non pris en charge par celle-ci). Des dépassements d’honoraires qui ont véritablement doublé depuis vingt ans.
Alors que la répartition des médecins sur le territoire ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune régulation, 53 % des répondants s’inquiétaient des déserts médicaux.
Suite à cette consultation, l’UFC a choisi de lancer une étude prenant en compte ces deux sujets d’inquiétude.
Sur quels critères s’est faite la nouvelle étude ? « Nous avons choisi d’innover en combinant les dimensions géographiques et financières, explique Denis Lespinasse. Trop souvent quand il s’agit d’étudier les déserts médicaux, ces deux critères sont souvent abordés séparément alors qu’ils sont étroitement liés. »
Pour prendre en compte les deux dimensions de l’accès aux soins, l’UFC a étudié conjointement la localisation et les prix pratiqués par les médecins de quatre spécialités : généralistes, ophtalmologistes, pédiatres et gynécologues.
Pour ces quatre spécialités, et pour toutes les communes de France (puisqu’il s’agit d’une étude nationale), l’association a calculé l’offre de soins disponible (à partir des données su troisième trimestre 2012 récupérées sur le site Améli), en retenant un temps de trajet maximal entre le domicile et le cabinet du médecin de 30 minutes pour les généralistes, et de 45 minutes pour les spécialistes. « C’est le temps maximum que les gens sont prêts à faire pour aller voir un médecin. »
L’association a également tenu compte du temps de présence du médecin sur le cabinet étudié. Un médecin pouvant exercer dans différents lieux, son temps de présence a alors réparti entre ses différentes localisations.
Déserts médicaux, oui ! Mais à quel moment ? Pour le ministère de la Santé, un territoire est un désert médical quand, au-delà d’une activité soutenue des médecins, leur densité par rapport à la population est de 30 % inférieure à la moyenne nationale. L’UFC – Que Choisir est plus restrictive, en doublant ce critère (- 60 % par rapport à la moyenne nationale). Ainsi, quand les pouvoirs publics considère qu’il y a désert médical quand il y a 60 médecins pour 100 000 habitants, l’UFC, elle, passe à 35 médecins.
Une cartographie présentant l’accès aux médecins pour trois niveaux de tarif. Pour connaître l’impact des dépassements d’honoraires sur l’accès aux médecins, l’association a calculé la densité de médecins pour trois situations :
– La tolérance aux dépassements pris en charge : en prenant en compte les médecins dont le tarif est au maximum de 40 % au-dessus du tarif de la sécurité sociale (soit la prise en charge médiane par les complémentaires santé aujourd’hui) ;
– La capacité financière limitée des ménages : en prenant en compte uniquement les médecins qui ne pratiquent pas de dépassements d’honoraires.
Pour les généralistes, Saint-Vallier, Gueugnon et Sain Marcel moins bien lotis. 8 % de la population du département en désert médical. Les dépassements d’honoraires n’ont qu’un impact limité sur l’accès aux généralistes. Si l’on veut se soigner sans dépassements, 9 % de la population est concernée par un désert.
Parmi les villes de plus de 5 000 habitants du département, celles qui se distinguent par le plus mauvais accès aux généralistes sans dépassements sont Saint-Vallier, Gueugnon et Saint-Marcel.
« Mais attention, prévient Denise Lespinasse. Quand on voit des offres abondantes ou surabondantes de médecins, cela veut juste dire que les habitants ont plus de facilité d’accès aux médecins. On ne parle pas uniquement de quantité, mais de leur accessibilité ! »
Ophtalmologistes : Bourbon-Lancy perd la vue ! Ce n’est pas une nouvelle : la Saône-et-Loire manque de médecins spécialistes. On a souvent pointé u doigt le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous chez les ophtalmo. Même en grande ville (comme Mâcon) il faut souvent patienter un an. Il n’y a rien de surprenant donc à voir la situation s’aggraver nettement en terme de désert médical quand on parle des spécialistes, ceux pour les yeux notamment.
Ainsi, alors que déjà de la population départementale vit dans un désert ophtalmologique en temps normal, la fracture se creuse gravement quand on tient compte des dépassements. En effet, dans ce cas, c’est 83 % de la population qui rencontrent des difficultés pour d’accéder aux soins ophtalmologiques.
À Bourbon-Lancy, il est ainsi mal venu d’avoir des problèmes de vue : pour les médecins tout tarif, la ville se situe déjà en désert médical avec 2,3 médecins pour 100 000 habitants dans un rayon de 45 minutes. Et que dire des seuls médecins au tarif sécurité sociale puisque le chiffre passe à 0,8 !
Trouver un pédiatre, un jeu d’enfant ? Pas vraiment ! Dans ce secteur aussi, les inégalités géographiques d’accès aux soins sont graves : 20 % de la population départementale ne peut pas accéder dans de bonnes conditions à cette spécialité, et 25 % si l’on ne considère que les médecins qui exercent au tarif de la sécurité sociale.
Gynécologues : Charnay-lès-Mâcon et Bourbon-Lancy mal lotis. 30 % de la population départementale est concernée par un désert médical pour les gynécologues. On comprend mieux quand on sait qu’en Saône-et-Loire, il n’y a que 36 gynécologues obstétriciens et 18 gynécologues libéraux.
Cette spécialité recourt en plus de manière généralisée aux dépassements d’honoraires. Le chiffre explose d’ailleurs si l’on veut se soigner sans dépassement : 49 % de la population vit alors dans un désert. Trouver un gynécologue exerçant au tarif de la sécurité sociale se révèle le plus problématique à Charnay-lès-Mâcon (4,6 médecins pratiquant le tarif sécurité sociale, pour 100 000 habitants, presque 30 tous tarif) et Bourbon-Lancy (4,4 médecins pour 100 000 habitants tous critères).
Pour soigner le département, l’UFC-Que Choisir écrit aux parlementaires et demandent trois choses. Au-delà de la nécessaire renégociation de la rémunération des actes médicaux, l’association demande en urgence :
1. Un conventionnement sélectif des médecins : « Les politiques d’incitation (primes à l’installation, rémunérations complémentaires) ont fait la preuve de leur inefficacité », avance Marie-Jeanne Giraud, responsable de l’antenne de Louhans et référente santé de l’association sur le département. Désormais, l’association demande à ce que toute nouvelle installation dans un territoire où l’offre est surabondante ne pourra se faire qu’en secteur 1 (sans dépassements d’honoraires)
2. Une réduction des aides publiques accordées aux médecins installés en territoire surdoté
3. La disparition des dépassements d’honoraires, avec une phase transitoire les plafonnant à 40 % du tarif de la sécurité sociale (niveau médian de prise en charge par les complémentaires santé).
La carte interactive de la fracture sanitaire est consultable
sur www.quechoisir.org