Santé mentale au travail : l’alerte rouge d’une société sous pression
Ce constat, étayé par les récentes données de l’Assurance maladie et de la DARES, ne peut plus être ignoré. En 2024, plus d’un quart des arrêts de travail ont été liés à des troubles psychologiques. Une tendance en hausse continue depuis la crise sanitaire, exacerbée par l’instabilité économique et les transformations du monde du travail.
Pour Montceau News, nous avons décidé de creuser le sujet qui touche tout le monde quels que soient les emplois, l’âge, le sexe.
La santé mentale au travail : une crise silencieuse aux chiffres alarmants et qui interpellent
La santé mentale des travailleurs français est en déclin. Selon le Baromètre Empreinte Humaine–OpinionWay de janvier 2025, 42 % des salariés se déclarent en détresse psychologique modérée, et 15 % en détresse élevée. Parmi eux, 80 % estiment que leur mal-être est lié à leur travail, notamment dans les PME et ETI. Les arrêts maladie pour raisons psychologiques ont connu une hausse significative. En 2024, un arrêt longue durée sur deux concernait un salarié de moins de 40 ans. Les maladies psychiques reconnues d’origine professionnelle ont augmenté de 25 % en 2023, avec 12 000 accidents du travail liés à ces risques.
Une charge mentale devenue insoutenable
Les conditions de travail jouent un rôle central dans la détérioration de la santé mentale. La Dares souligne que l’intensification du travail et le manque d’autonomie sont des facteurs aggravants, tandis qu’une plus grande latitude décisionnelle peut avoir des effets bénéfiques.
Cadences effrénées, réunions à distance permanentes, surcharge d’e-mails et flou entre vie pro et perso : pour beaucoup, le bureau est devenu une source de tension permanente. « J’ai 32 ans, et j’ai fait mon premier burn-out l’an dernier », confie Élise, cadre dans la communication. « Je me réveillais la nuit en panique à l’idée d’ouvrir ma boîte mail. »
Le phénomène n’épargne aucune catégorie professionnelle. Le secteur de la santé, l’enseignement, la tech ou encore la logistique paient un lourd tribut, entre manque de reconnaissance, sous-effectifs et épuisement chronique. Et il ne faut pas s’arrêter au seul domaine du tertiaire : dans l’industrie, on fait le même constat. Et dans le secteur tertiaire il n’y a pas que le travail de bureau, le service à la personne, la petite enfance, l’éducation sont aussi en première ligne.
Un enjeu économique autant qu’humain
Derrière la souffrance individuelle, ce sont aussi des milliards d’euros perdus chaque année pour les entreprises et les caisses publiques. Le coût annuel de la prise en charge des maladies mentales et des troubles psychiques s’élève à 23 milliards d’euros, représentant le premier poste de dépenses de l’Assurance maladie. Cette situation pèse lourdement sur les finances publiques et la productivité des entreprises.
La santé mentale n’est plus un tabou. Mais elle reste, trop souvent, un chantier relégué aux marges. Le débat est lancé : faudra-t-il une crise encore plus profonde pour que le bien-être au travail devienne une priorité politique majeure ?
Vers une prise de conscience collective
Face à cette crise, le gouvernement a fait de la santé mentale une grande cause nationale en 2025, avec pour objectifs la déstigmatisation, la prévention et l’amélioration de l’accès aux soins. Des initiatives en entreprise, telles que des cellules d’écoute et des ateliers de gestion du stress, commencent à émerger, mais restent encore insuffisantes pour inverser la tendance. Mais, dans l’ensemble, on s’aperçoit que les efforts sont encore inégaux et peu suffisants.
Du côté des entreprises, la prise de conscience progresse, mais les actions concrètes restent variables :
2/3 des entreprises ont mis en place au moins un dispositif de prévention, comme des cellules d’écoute ou des formations à la gestion du stress. Cependant, 36 % des salariés déclarent n’avoir accès à aucune action de prévention, une situation préoccupante, notamment dans les petites structures.
Les experts soulignent l’importance d’une approche globale, incluant la prévention primaire (anticipation des risques), secondaire (sensibilisation) et tertiaire (accompagnement des salariés en difficulté).
Certaines entreprises ont aussi mis en place des cellules d’écoute ou des ateliers de gestion du stress. Mais pour de nombreux syndicats et spécialistes, cela reste cosmétique.
« C’est tout le modèle managérial qui doit être repensé », alerte Catherine Tourette-Turgis, fondatrice de l’Université des patients. « La santé mentale ne peut pas être traitée uniquement en aval, une fois que les gens sont déjà brisés. »
Tout le monde a en tête les drames de France Télécom devenue Orange entre 2008 et 2009, de la Banque de France en 2023, de Renault en 2006-2007, de France Télévisions, etc. Dans chaque cas, ces incidents ont mis en lumière le malaise profond ressenti par certains employés face aux changements structurels, au mode de management, aux risques économiques sur les emplois.
En 2025, la santé mentale au travail est devenue une priorité nationale en France, tant pour les pouvoirs publics que pour les entreprises. Face à une détérioration préoccupante du bien-être psychologique des salariés, des mesures concrètes ont été mises en place pour répondre à cette urgence sociale.
Impact sur la performance et l’économie
La dégradation de la santé mentale des salariés a des répercussions directes sur la performance des entreprises :
- Les employés en mauvaise santé mentale ont 2,4 fois plus de difficultés à se concentrer, entraînant une baisse d’efficacité et une augmentation des erreurs.
- Ils voient leur énergie au travail chuter de 55 % et sont 40 % moins engagés, favorisant l’absentéisme et le turnover.
Ces facteurs ont un coût économique majeur, estimé à 23 milliards d’euros par an pour la prise en charge des maladies mentales et des troubles psychiques, représentant le premier poste de dépenses de l’Assurance maladie.
Arnaud Mias, sociologue :
« Notre système de santé au travail, premier pilier de l’État social, est en crise. »
Olivier De Schutter, rapporteur spécial de l’ONU :
« Le travail est de plus en plus organisé sur le modèle de la hâte. »
Dr Margaret Chan, ancienne directrice générale de l’OMS :
« Le traitement de la dépression et de l’anxiété se justifie pleinement pour la santé et le bien-être ; cette nouvelle étude confirme son bien-fondé au niveau économique. »
Initiatives gouvernementales : une mobilisation inédite
Face à cette situation et son ampleur, le gouvernement a étendu en début d’année le remboursement de consultations chez les psychologues jusqu’à huit séances annuelles, sans avance de frais. Le gouvernement a érigé la santé mentale en grande cause nationale 2025, avec quatre objectifs majeurs :
- Déstigmatiser les troubles psychiques.
- Renforcer la prévention et le repérage précoce.
- Améliorer l’accès aux soins sur tout le territoire.
- Accompagner les personnes concernées dans toutes les dimensions de leur vie quotidienne.
Cette stratégie interministérielle implique notamment le renforcement des Maisons des adolescents, actuellement au nombre de 125, et le développement de nouveaux métiers de la santé mentale. Ceci ne tient pas compte de la réalité, du manque de praticiens, des délais énormes pour obtenir un rendez-vous –alors plusieurs ou une série-
En somme, la santé mentale au travail est un enjeu crucial en 2025, nécessitant une mobilisation conjointe des pouvoirs publics et des entreprises pour mettre en place des actions de prévention efficaces et durables.
Dans l’ensemble de l’Union européenne et au Royaume-Uni, les tendances observées en France se retrouvent de manière comparable : une part significative des salariés présente des signes de détresse psychologique, avec une part non négligeable en détresse élevée. Le travail, en particulier dans les PME et les entreprises de taille intermédiaire, est identifié comme un facteur central de ce mal-être. Cf. le tableau ci-joint concernant les principaux pays européens.
Gilles Desnoix
Sources : novethic.fr, hellowork.com, lemonde.fr, travail-emploi.gouv.fr, presanse-paysdelaloire.fr, csematin.com, preventica.com,
moka.careitg.fr, itg.fr, lequotidiendumedecin.fr,