1925-2025 : deux années charnières, un même parfum d’avant-bascule
En un siècle, il est des années qui, sur le moment, paraissent presque ordinaires. Pas de guerre mondiale déclarée, pas d’effondrement brutal, pas de révolution spectaculaire. Et pourtant, rétrospectivement, elles apparaissent comme des années d’équilibre trompeur, des moments suspendus où l’Histoire retient son souffle. 1925 fut de celles-là. 2025 pourrait bien l’être aussi.
Cent ans séparent ces deux dates. Cent ans, et pourtant un même sentiment diffus traverse les sociétés : quelque chose ne tourne pas rond, sans que l’on sache encore exactement quoi. Montceau News va analyser tout ça pour ses lecteurs.
1925, on vit en paix, mais pas forcément en stabilité. La France et l’Europe vivent officiellement en paix depuis sept ans. Les canons se sont tus, les monuments aux morts se dressent dans chaque commune, y compris dans le bassin minier de Montceau où l’on accueille une main-d’œuvre étrangère venue de Pologne, l’on aspire avant tout à tourner la page.
La signature des accords de Locarno, cette année-là, symbolise cette volonté de stabilisation. Les grandes puissances européennes se promettent de respecter leurs frontières, de régler leurs différends par la diplomatie. La SDN (Société des Nations) a été mise en place par le traité de Versailles en 1919. Sur le papier, l’Europe se rassure. Les déséquilibres sont déjà là sous cette façade avec des dettes de guerre colossales, des monnaies fragiles, des sociétés épuisées. En France, l’inflation rogne les salaires. En Allemagne, les réparations alimentent frustration et ressentiment. Les institutions internationales existent, mais elles n’ont ni les moyens ni l’autorité pour empêcher les crises à venir. Dans les bassins industriels et miniers, comme celui de Montceau, la situation est paradoxale : l’activité redémarre, mais la pénibilité du travail, les accidents, la précarité sociale restent élevés. Le progrès industriel est réel, mais il ne profite pas également à tous.
2025 Nous sommes toujours en paix depuis 80 ans, mais déjà cette situation paraît fissurée. Effectivement, un siècle plus tard, le décor a changé, mais les lignes de tension sont étonnamment familières. En 2025, la France ne sort pas d’une guerre mondiale, mais d’une succession de crises : pandémie, inflation, tensions énergétiques, dérèglement climatique. Là aussi, on aspire à la normalité. Là aussi, on parle de stabilité retrouvée. Pourtant, les chiffres sont éloquents. En France, la dette publique dépasse durablement les 110 % du PIB. L’inflation, bien que ralentie par rapport au pic de 2022-2023, a laissé des traces profondes sur le pouvoir d’achat. Les services publics, hôpital, école, poste, transports, fonctionnent, mais sous tension constante.
En Bourgogne-Franche-Comté, région historiquement industrielle, les fragilités sont visibles. En Saône-et-Loire, le taux de chômage reste légèrement supérieur à la moyenne nationale, avec des écarts marqués selon les territoires. Le bassin minier de Montceau-les-Mines concentre encore des indicateurs sociaux plus dégradés : revenus médians plus faibles, part importante de ménages modestes, vieillissement de la population.
À cela s’ajoute désormais un facteur absent en 1925 mais central en 2025 : le climat. Les épisodes de sécheresse touchent régulièrement la Bourgogne, affectant l’agriculture, la ressource en eau et, à terme, l’attractivité économique. Selon les données publiques, les sécheresses estivales sont aujourd’hui deux à trois fois plus fréquentes qu’au milieu du XXᵉ siècle.
A posteriori, qu’est-ce que 1925 nous apprend ?
Ce qui rend 1925 si instructive, ce n’est pas ce qui s’y passe, mais ce qui suit. Quatre ans plus tard survient le krach de 1929. Puis la Grande Dépression. Puis la montée des régimes autoritaires, nourrie par le chômage de masse, la peur du déclassement, la perte de confiance dans les élites et les institutions. Enfin, la guerre.
Aucun de ces événements n’était écrit noir sur blanc en 1925. Mais tous étaient rendus possibles par l’absence de réponses structurelles aux déséquilibres économiques et sociaux. Dans les bassins industriels, les conséquences furent directes : fermetures, paupérisation, exodes. À Montceau comme ailleurs, les générations suivantes ont longtemps porté les stigmates de ces chocs successifs.
Sommes-nous en train de rejouer la même partition ?
La comparaison ne signifie pas que 2026 ou 2029 déboucheront mécaniquement sur un effondrement comparable. L’Histoire ne se répète jamais à l’identique. Mais elle bégaye.
Comme en 1925, nous vivons une période de paix relative mais instable, une accumulation de dettes et de tensions sociales, une défiance croissante envers les institutions, un sentiment diffus de déclassement, particulièrement fort dans les territoires industriels et périurbains.
La grande différence, c’est que nous savons ce que ces enchaînements ont produit par le passé. Et que nous disposons, théoriquement, des moyens de les éviter : politiques publiques ciblées, transition énergétique créatrice d’emplois locaux, relocalisation industrielle, investissements dans la formation et la cohésion territoriale.
Et pour Montceau et la Saône-et-Loire ?
Pour le bassin minier, l’enjeu est crucial. Chaque période de crise globale y a historiquement eu des effets amplifiés. À l’inverse, chaque phase de reconversion réussie, industrielle, énergétique, culturelle, a montré que le territoire pouvait rebondir.
L’après-2026 sera donc décisif. Soit les fractures sociales et territoriales continuent de s’élargir, alimentant colère et résignation. Soit les leçons du passé sont réellement prises en compte, avec des politiques de long terme adaptées aux réalités locales.
1925 n’a pas provoqué la catastrophe. Elle n’a pas su l’empêcher. 2025 n’est pas une année de rupture spectaculaire. Elle est une année de responsabilité.
L’avenir ne se joue pas seulement dans les sommets internationaux ou les grandes capitales. Il se joue aussi à Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire, dans la capacité collective à transformer les fragilités en leviers.
Car si l’Histoire nous apprend une chose, c’est celle-ci : ce ne sont pas les crises qui condamnent les sociétés, mais leur aveuglement face à leurs signaux faibles.
Donc feu année 2025, bienvenue année 2026 et notre destin reste entre nos mains.
Gilles Desnoix



