Baby-boomers : le feu de la discorde
C’est vrai que si l’on s’en tient à « François Bayrou et les Baby-Boomers », on aura du mal à comprendre le Débat. Montceau News a donc décidé de décoder tout ça, d’abord avec un factchecking (vrai ou faux) et ensuite avec des explications plus poussées et objectives.
Le récent discours de François Bayrou sur les baby-boomers a déclenché une vive réaction sur les réseaux sociaux et dans les médias. En évoquant « le confort des boomers qui considèrent que tout va très bien tandis que les jeunes générations devront supporter le poids de la dette pendant toute leur vie », Bayrou a mis le feu aux poudres, suscitant un débat houleux sur les générations et la solidarité. Cependant, le lendemain, il a rectifié ses propos en affirmant qu’il ne voulait pas cibler les retraités.
Les baby-boomers, nés entre 1942 et 1973, ont bénéficié d’une période de forte croissance économique et d’amélioration des niveaux de vie.
Qu’est-ce qu’un baby-boomer ?
Les baby-boomers sont les personnes nées entre 1942 et 1973, période caractérisée par une forte croissance économique et une amélioration des niveaux de vie. Cette génération a grandi durant les Trente Glorieuses et a bénéficié d’un contexte économique favorable.
Aujourd’hui, ils représentent plus de 21 % de la population française, une proportion qui atteindra 29 % en 2070, et jouent un rôle crucial dans la société en assumant une solidarité intergénérationnelle massive.
Ce vieillissement accru alourdit les dépenses publiques, notamment pour les retraites (un quart des dépenses publiques) et pour la santé (un peu plus d’un cinquième).
Tensions intergénérationnelles : le terme « Boomer », un mot chargé de clichés.
François Bayrou (implicite) : « Le mot boomer est neutre, descriptif. »
Vrai : il peut amplifier des tensions intergénérationnelles s’il est utilisé sans nuance.
Faux : comme le souligne Jean-François Amadieu, le terme est devenu stigmatisant et véhicule des clichés d’égoïsme ou de déconnexion.
Selon le sociologue Jean-François Amadieu, le terme « boomer » est désormais perçu comme stigmatisant et peut activer des clichés sur une génération considérée comme égoïste ou dépassée. Cette perception peut conduire à une forme d’âgisme et amplifier les tensions intergénérationnelles.
Situation économique et sociale des baby-boomers
Bayrou : « Les boomers vivent dans le confort grâce à leur patrimoine. »
Vrai : les baby-boomers (nés entre 1942 et 1973) ont connu une période de forte croissance économique (Trente Glorieuses). Les retraités possèdent un niveau de vie ajusté supérieur à celui des actifs, notamment grâce à leur patrimoine immobilier. Ils détiennent environ 60 % du patrimoine national et ont bénéficié de l’accès à la propriété à bas coût.
Faux (partiel) : cet avantage est relatif : l’ajustement du niveau de vie ne prend pas en compte les coûts liés à l’acquisition, l’entretien et la fiscalité. Généraliser à toute une génération est excessif et injuste. Cela ne signifie pas que tous les boomers vivent aujourd’hui dans l’aisance.
Réalités économiques et sociales
Les retraités possèdent un niveau de vie ajusté supérieur à celui des actifs, notamment grâce à leur patrimoine immobilier important. Ils détiennent environ 60 % du patrimoine national et ont bénéficié de l’accès à la propriété à bas coût.
En France, environ 58 % des ménages sont propriétaires de leur résidence principale, tandis que 25 % sont locataires dans le parc privé et 18 % dans le parc social. Parmi les propriétaires, on distingue deux catégories :
- Propriétaires occupants : ils représentent environ 57,7 % des ménages français. Parmi eux, 35 % ont encore des prêts immobiliers à rembourser, tandis que 64,3 % n’ont plus de charges de remboursement.
- Proportion de propriétaires et locataires :
- Propriétaires : 57 % à 58 % des ménages.
- Locataires : 40,3 % des ménages en 2024, dont 22 % dans le parc privé et 18 % dans le parc social.
- Propriétaires occupants avec prêt (accédants) : 22,3 % des propriétaires
- Propriétaires occupants sans prêt : 34,7 % des propriétaires
Il est important de noter que la proportion de propriétaires occupants augmente avec l’âge et que les baby-boomers, qui sont généralement plus âgés, sont plus susceptibles d’être propriétaires occupants.
François Bayrou : « Les boomers sont plus riches que les actifs. »
Vrai : les retraités détiennent une large part du patrimoine immobilier, et le niveau de vie ajusté (avec loyers imputés) est supérieur à celui des actifs.
Faux : leur revenu brut moyen (2 188 €) est inférieur à celui des actifs (2 489 €), et beaucoup vivent avec des pensions modestes (1,7 million de retraités à 790 € mensuels). Assimiler « boomer = confort généralisé » efface les inégalités internes.
Cependant, l’ajustement du niveau de vie des retraités en fonction de l’immobilier peut être considéré comme inéquitable, car il ne prend pas en compte les coûts associés à l’acquisition et à la propriété d’un bien immobilier.
- Une approche alternative pourrait consister à prendre en compte les coûts associés à la propriété immobilière lors du calcul du niveau de vie des retraités.
- Cela permettrait de mieux refléter leur situation financière réelle et de comparer plus équitablement leur niveau de vie avec celui des actifs.
Une des méthodes alternatives est celle des coûts complets : cette approche prend en compte l’ensemble des coûts, y compris les charges indirectes, pour évaluer le coût de revient d’un produit ou d’un service. Cela donne un revenu moyen des retraités basé sur une pension mensuelle moyenne de droit direct de 1 626 euros brut (1 512 euros net), ce qui rétablit un certain équilibre. Il faut rappeler qu’environ 1,7 million de retraités perçoivent 790 euros par mois et que 80 % des retraités touchent en moyenne 1626 €.
Réactions politiques et médiatiques
François Bayrou : « Mes propos ont été mal compris et déformés. »
Vrai : les médias (BFMTV, La Dépêche) ont confirmé qu’il a ensuite rectifié en disant ne pas vouloir viser les retraités.
Faux : L’idée qu’il y a eu une attaque politique organisée est exagérée : la polémique a surtout été médiatique et symbolique.
Les réactions politiques ont été ténues, mais les médias et les réseaux sociaux ont largement débattu du sujet. Certains experts soulignent que le langage utilisé par Bayrou peut attiser une fausse guerre des générations et appellent à un ton plus nuancé pour éviter l’âgisme.
BFMTV relate que Bayrou a ensuite voulu apaiser la génération des retraités, regrettant les « propos déformés », ladepeche.frBFMTV.
L’article de La Dépêche illustre bien la tournure : de l’accusation initiale de confort à la défense en rappelant qu’il « ne voulait pas cibler les retraités ».
Les médias et réseaux sociaux semblent surtout s’être concentrés sur la justesse du terme utilisé et sur le risque de fracture générationnelle.
Les baby-boomers : une génération pivot
François Bayrou : « Les boomers sont nombreux et pèsent sur les finances publiques, ils ne participent pas assez à la solidarité. »
Vrai : ils ont bénéficié d’un contexte économique favorable. Ils représentent aujourd’hui 21 % de la population (29 % prévus en 2070), et leur vieillissement alourdit les dépenses publiques (santé, retraites).
Faux ou trompeur : les réduire à une « charge » est trompeur : ils assument aussi une solidarité massive envers leurs proches. Ils financent indirectement l’EHPAD de leurs parents, souvent en complétant des pensions insuffisantes. Ils sont nombreux parmi les aidants familiaux (11 millions de personnes en France). Ils soutiennent leurs enfants et petits-enfants via dons, prêts, logement et garde.
Les baby-boomers jouent un rôle crucial dans la société en assumant une solidarité intergénérationnelle massive. Ils aident à la fois leurs parents âgés et leurs enfants et petits-enfants via des donations et des transferts financiers réguliers.
- a) Aide aux parents âgés
Les plus de 60 ans sont les premiers financeurs indirects des EHPAD :
En France, près de 1,3 million de personnes sont en perte d’autonomie, dont une majorité de +80 ans (Drees).
Or, les pensions de ces aînés (souvent nés avant-guerre) sont insuffisantes pour couvrir les 2 000-3 000 €/mois d’un EHPAD ; ce sont souvent les enfants boomers qui complètent la facture.
Ils jouent aussi un rôle d’aidants familiaux : en France, près de 11 millions de personnes sont aidantes, dont une grande part entre 50 et 70 ans (France Stratégie).
- b) Aide aux enfants et petits-enfants
Transmission financière massive :
En 2021, 55 % des 18-34 ans ont reçu une aide financière de leurs parents (prêt, don, logement), selon France Stratégie.
Les donations inter vivos (transmissions avant décès) sont passées de 18 milliards en 2000 à plus de 50 milliards en 2020 (Insee).
Aides régulières : logement payé, caution, soutien pour études, garde des petits-enfants.
Temps investi : les grands-parents boomers représentent près de 40 % des heures de garde familiale des jeunes enfants (INED).
Le discours de Bayrou mélange des éléments :
Vrai (poids démographique, patrimoine, contexte favorable)
Faux ou affirmations trompeuses (confort généralisé, indifférence aux jeunes).
Le débat autour des baby-boomers reflète les complexités et les tensions intergénérationnelles dans la société actuelle. Comprendre les réalités économiques et sociales de cette génération est essentiel pour développer des solutions adaptées et promouvoir la cohésion sociale. Les propos de Bayrou, même s’ils ont été rectifiés, soulignent la nécessité d’un dialogue nuancé et respectueux entre les générations.
Et si les baby-boomers étaient finalement les grands oubliés de ce débat ? Ni tout à fait privilégiés, ni complètement déconnectés de la réalité, ils sont avant tout une génération qui a contribué à façonner la société française d’aujourd’hui. Alors, plutôt que de les stigmatiser, peut-être devrions-nous nous concentrer sur des solutions concrètes pour promouvoir la cohésion sociale et l’entente intergénérationnelle ? Après tout, comme le dit l’adage, « on ne jette pas le bébé avec l’eau du bain »… sauf si le bébé a plus de 65 ans, auquel cas, c’est peut-être une autre histoire !
Gilles Desnoix