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jeudi 16 novembre 2023 à 20:18

Faits divers – Montceau-les-Mines : Violences sans ITT, audience perturbée



 

Le prévenu doit répondre de violence sans ITT sur son ex. Il comparaît libre. Or le prévenu est délirant.
Délirant au point que ce qui faisait sourire, en début d’audience (interruptions intempestives, commentaires incessants, langage et gestuelle parfaitement inadaptés) finit par mettre dans le malaise, et, pour être franc, par inquiéter.

Les faits

Il vivait avec une femme, ils se sont séparés. Le 18 septembre à 4 heures du matin, il a débarqué chez elle en fracturant la porte à coups de pied. Il a crié, l’a poussée, l’a plaquée contre un mur. Repart en emportant ses clés de voiture, au minimum.
Madame a appelé la police. On a trouvé monsieur pas très loin, tenant « des propos incohérents ».

Diffamation et paranoïa

Le prévenu ne dit pas qu’il est innocent, il dit que tout cela est « diffamation », que c’est elle qui, elle qui… Que ce jour-là, il y eut « la goutte qui fait déborder le vase » : « Elle n’a pas appelé les secours alors que je pissais le sang (il désigne son crâne) et vos policiers sont venus me tabasser. »

« Vos » policiers, dit-il aux trois juges qui lui font face. Le délire paranoïde pointe son museau à plusieurs reprises, la première fois dès le début de l’audience (ne veut pas donner son numéro de téléphone, « pour pas qu’on entende », demande à le noter sur un post-it), puis « vos » policiers, puis, alors que le président l’a fait sortir de la salle, il revient écouter en douce et lance : « On parle dans mon dos ! ». Entre autres.

« Ils ne connaissent pas ma psychè »

Il a 36 ans, il vit à Montceau, il perçoit une allocation pour adultes handicapés. L’homme en convient : « Moi ? Moi c’est des problèmes psychiques. 
– Un diagnostic a été posé ? demande le président.
– Il est faux !
– C’est pas de la schizophrénie ?
– Non. Borderline. Ils ne connaissent pas ma psychè, c’est des ânes. »

Audience perturbée

Les passes d’armes avec le président Marty n’ont pas cessé, sauf lorsqu’il fut expulsé de la salle (et encore, comme on le verra). Le prévenu a eu de la chance d’avoir des juges très calmes dont un président qui fait montre ici de sa capacité à contenir sans rien lâcher de la position que lui confère sa fonction : ne rien laisser passer sans pour autant faire péter les plombs au prévenu. Ne rien céder sans pour autant relever l’outrage à magistrat : à quoi bon dans ce contexte ?

Neuroleptique tous les 28 jours

Le prévenu prend un traitement médicamenteux (dont un neuroleptique en injection retard) et aussi un peu de drogue. Pourquoi ? « Parce que je suis un ancien toxicomane. Je suis passé de 150 grammes de coke par mois à 3 grammes. Je ne vous donnerai pas le nom de mon fournisseur. – On n’allait pas vous le demander.  – Je suis en train de me repentir devant la loi et me suis reconverti à l’islam. »

« Vous avez dit ‘j’ai besoin d’aide’. Comment on peut vous aider ? »

L’homme est sous contrôle judiciaire depuis le 20 septembre dernier. Il a une obligation de soins. Il va au CMP. Il est subitement très ému : « J’ai perdu mon meilleur ami. J’ai fait un long massage cardiaque… Il me manque ! » Le président rebondit : « Vous avez dit ‘j’ai besoin d’aide’. Comment on peut vous aider ? – Je dois voir un psychologue. J’ai un besoin urgent de voir un psychologue. » Ce besoin urgent, on peut penser que c’est là, à cet instant où il doit répondre de ses actes mais part en vrille à quasiment chaque phrase. On lui demande de prendre sur lui, il essaie, mais il déborde, ça déborde.

L’expertise psychiatrique n’a pas eu lieu

Cette comparution est une comparution à délai différé pour qu’un expert psychiatre puisse rencontrer le prévenu. L’expertise n’a pas eu lieu, il n’y est pas allé. « J’étais malade, dépressif à cause de voir mes enfants (qu’il ne peut pas voir, ndla) et mon voisin qui insulte tous les gens qui viennent chez moi !  – L’expert vous a convoqué le 6 novembre. – Vous avez un post-it pour que je le note ? »

« Financièrement, mentalement, socialement, je suis dans la merde de partout.
– Vous diriez quoi d’un suivi AIR ? sonde le président.
– Ah mais moi je ne veux pas être suivi par la justice. »
Deux minutes plus tard : « Je suis totalement équilibré, hein. »

« … vous devrez sortir de la salle. – Si tu veux, je le fais tout de suite »

L’instruction est terminée. Le parquet et les avocats vont avoir la parole. Le président prévient le prévenu : « Monsieur, vous allez entendre des choses qui ne vont pas vous faire plaisir. Je vous demande de rester calme et dans le respect. – Ok, ok. »
Maître Poiseau intervient pour la victime. L’avocate est interrompue à chaque phrase ou presque.
Le président intervient : « A la prochaine intervention, monsieur, vous devrez sortir de la salle. – Si tu veux, je le fais tout de suite. – Sortez, si vous n’êtes pas capable de rester calmement. – Je suis capable. Je ne sors pas. »
Il ne tient pas, il doit sortir.

« Ça parle dans mon dos ! »

« Il est arrivé au tribunal en disant à madame : ‘Tu vas morfler’ » reprend maître Poiseau alors que l’homme rentre dans la salle, refoulé par des gestes de son avocat. Refoulé mais pas sorti, il lance du fond de la salle : « ça parle dans mon dos ! » Le président demande si le service d’ordre du palais peut s’assurer que le prévenu reste dans le hall. La substitut du procureur liste – calmement elle aussi –  les éléments à charge et requiert une peine de 8 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans.

C’est au tour de la défense. Maître Lopez plaide « la toxicité dans le couple ». « Il voulait juste récupérer ses affaires, sans valeur marchande mais une valeur sentimentale. Un chargeur, une couverture, un vêtement qu’il voulait offrir à la femme de sa vie. » L’avocat plaide une violence sans incapacité et sans preuves qu’elle ait eu lieu, ou, si oui, « sans gravité ».

« Tout ceci est diffamation »

Le prévenu revient car il a le droit de prendre la parole en dernier. On lui demande d’ôter sa casquette, « toutes mes excuses » répond-il. Son avocat prend l’initiative de lui expliquer la peine requise. Les obligations, « y a pas de souci », madame demande 1 euro symbolique pour le préjudice subi, « elle aura rien, j’ai pas d’argent », interdiction de la voir, « de toutes façons, je veux plus la voir ! », et obligation d’intégrer le dispositif d’accompagnement individuel renforcé (AIR), « c’est quoi ça ? ». Un juge assesseur interrompt cet échange trop long. « Votre avocat vous a expliqué, avez-vous quelque chose à ajouter ? » L’homme s’assied à la barre comme il l’a fait tout au long sans y être invité : « Tout ceci est diffamation. »

Dernier bug

Le tribunal part délibérer puis revient : le prévenu a quitté le palais de justice. Maître Lopez dit : « Je lui ai demandé s’il pourrait entendre la décision calmement, et… – Pour lui notifier ses obligations, ça aurait été bien qu’il soit présent », le coupe le président. Et puis aussi parce que faute d’être hospitalisé en l’état actuel des choses, il va être sous main de justice, et que ce lien-là, le président le travaillait depuis le début de l’audience en dépit des difficultés qui se présentaient.

Sursis probatoire et un filet de sécurité pour la victime

Le tribunal dit l’homme coupable, le condamne à la peine de 8 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant 2 ans. Obligations de soins en addictologie, et de soins psychologiques ou psychiatriques, indemniser la partie civile, intégrer le dispositif AIR ; interdiction de contacts ainsi que de paraître au domicile de madame « et à ses abords » précise le tribunal qui l’invite à signaler immédiatement la présence de monsieur, cas échéant.
Verrou de sécurité : la peine complémentaire d’interdiction de contact ainsi que de paraître au domicile de la victime pendant 3 ans. Pourquoi ? Parce que les 8 mois de prison pourraient être révoqués, cela ferait tomber les obligations et interdictions qui encadraient la probation. Avec cette peine complémentaire, l’interdiction d’approcher madame subsiste, pour 3 ans.

FSA

 

 

 

 

 

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