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lundi 2 octobre 2023 à 20:17

Faits divers – Montceau-les-Mines



 

 

« Il faut que vous appreniez à penser à autrui, monsieur » lui dit la présidente. Monsieur n’a pas 20 ans, il vit sous tutelle, et le 9 août dernier, alors qu’il avait faim, il est allé voler un chauffe-saucisses dans un snack de Montceau les Mines, pour en manger le contenu. 

Préjudices : outre la porte fracturée (le plus cher), le panier du chauffe-saucisses (109 euros) et son couvercle (39 euros). Et puis les saucisses, bien sûr. Hors saucisses ça fait 2300 euros de préjudices (facture à l’appui). La victime du vol a écrit au tribunal : « J’espère qu’il comprendra qu’il vaut mieux travailler que de casser. » La présidente fixe le prévenu : « Elle a bien tout résumé, cette dame. »  
Elle a tout bien résumé, de son point de vue de commerçante réveillée par l’alarme, etc., oui. Côté prévenu c’est une autre affaire. 

IME, ne sait pas lire, pas écrire

Il est né à Saint-Vallier, il a fréquenté l’IME jusqu’à ses 17 ans. Il n’a jamais travaillé. Il vit sous tutelle dans un logement autonome à Montceau. Sa tutrice est présente à l’audience de comparution à délai différé (différé pour cause d’expertise psychiatrique obligatoire avant le jugement). Elle témoigne, parce qu’elle connaît le prévenu – et après que la présidente Berthault lui a enjoint d’être « acteur de sa vie » – que celui-ci échappe par la force des choses aux fadaises, aux clichés que l’époque véhicule (avec succès comme on l’a vu) : « Il a vraiment de grosses difficultés de compréhension, je ne suis pas sûre qu’il ait compris tout ce que vous lui avez dit. Il sait pas lire, il sait pas écrire. C’est compliqué. Il s’est déjà retrouvé devant le délégué du procureur parce qu’il avait volé … des saucisses. »

« Mais vous êtes aussi acteur de votre vie. ‘Avant tout’, j’ai envie de dire »

La piste « saucisses » semble donc à creuser, mais l’instruction ne se soucie que d’essayer de convaincre le prévenu qu’en dépit de toutes ses difficultés, il va bien falloir le condamner, et certainement à de la prison ferme vu qu’il est en récidive et qu’en plus toutes les « mains tendues » par la justice, il en a fait quoi, à part ne pas respecter tout ce qu’on exige de lui. « Bon. Il y a des problèmes. Il y a la tutelle, c’est pas pour rien. Mais vous êtes aussi acteur de votre vie. ‘Avant tout’, j’ai envie de dire. »

Psychose, déficit intellectuel, altération du discernement

Que dit le docteur Canterino, expert psychiatre, du supposé « acteur de sa vie » ? Il dit que le prévenu souffrait de psychose infantile quand il était petit et que ça a évolué en psychose, qu’en outre il souffre aussi d’un déficit intellectuel. Cela dit, « le lien avec la réalité est conservé », le garçon est donc « curable et réadaptable ». Incise de la présidente : « Donc, ça veut dire qu’on peut faire quelque chose avec vous. » L’expert psychiatre conclut à l’altération du discernement. 

« Il a des revenus suffisants »

Un juge assesseur, par ailleurs juge de l’application des peines, ramène le prévenu du côté des éléments de réalité : il perçoit l’AAH, il a par conséquent de quoi se nourrir.
Alexandre Marey, substitut du procureur, estime que cela suffit pour « ne pas tomber dans le misérabilisme » : « Il a des revenus suffisants. » Et puis : « Le jour des faits, il avait pris des stupéfiants. » Ainsi, « parce que le reste (les fameuses « mains tendues », ndla) ne marche pas » le magistrat requiert « la seule chose qui fonctionne » : de la prison ferme.
« Quand je demande à monsieur ce qu’on peut faire pour éviter ça – la prison -, il a la même passivité. » On remarque tout de même que, psychotique et déficitaire, sa passivité est de fait. Difficile de l’interpréter comme une quelconque mauvaise volonté. Bref, entre la peine et les demandes de révocations, on arrive à 13 mois de prison avec maintien en détention.

« Sa place n’est pas en prison »

« C’est excessif » plaide maître Duquennoy. L’avocat souligne un sentiment qu’il croit général : celui d’être « démuni, au regard des difficultés personnelles de monsieur ». « Il ne sait pas gérer le budget que lui donne l’UDAF. S’il achète cigarettes, alcool et stupéfiants, il peut ne plus avoir d’argent rapidement. » Jérôme Duquennoy revient sur les capacités de son client et ce qui entraîne, d’un point de vue psychiatrique et légal, l’altération de son discernement. « Sa place n’est pas en prison. »

Le jeune homme a la parole en dernier et dit quelque chose de pertinent : « La prison, je crois, c’est pas bien pour moi. » « Pas bien pour vous », répète la présidente, qui dit tout de suite après : « Bon. »

9 mois ferme

Le prévenu est condamné à la peine de 6 mois ferme et à la révocation de 3 mois de sursis, le tribunal ordonne son maintien en détention. 9 mois ferme, pour un garçon qui aurait besoin de vivre dans un milieu protégé.
9 mois d’enfermement, dont on sait qu’il ne peut que dégrader la santé mentale. A noter que personne hormis sa tutrice n’était là pour lui, et c’est à lui « d’apprendre à penser à autrui ». Chaud.

FSA

 

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