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samedi 2 avril 2022 à 06:47

Assises de Saône-et-Loire : Tentative de meurtre Montceau



 



« C’est une tentative de meurtre. C’était une expédition punitive. » Charles Prost, avocat général au procès de Yanis Marsault devant la cour d’assises de Saône-et-Loire requiert, ce vendredi 1er avril, une peine de 15 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté aux deux tiers.

11 tirs en tout, dont un à hauteur de 1m18 à travers la porte de la salle de bain. « Tous les autres tirs sont obliques », plaide maître Chebbah, ce vendredi 1er avril à midi. « À cette hauteur, il touchait le haut de l’abdomen », possiblement le cœur, avait dit l’avocat général. Bref, l’avocat de la défense veut ouvrir un débat sur l’intention homicide. « A-t-il vraiment voulu tuer ? Je pose la question. » Maître Chebbah rappelle le sentiment du directeur d’enquête : « il existait une véritable envie de blesser, voire plus ». Or Yanis y va « à découvert », le second en revanche a le visage dissimulé. Pour l’avocat général, c’est bien le signe que l’accusé ne pensait pas laisser de témoin derrière lui. Pour la défense c’est juste le signe que Yanis ne pensait pas être reconnu, vu qu’il n’avait jamais rencontré le voisin-victime.

« Frapper au sol, c’est bien la façon de faire de monsieur »

« Le 15 décembre 2019, monsieur AA a manqué mourir », plaide maître Mathilde Leray Saint-Arroman en début de matinée. L’avocate reprend le dossier sous l’angle de l’enchaînement des éléments qui ont conduit l’accusé à s’armer et ouvrir le feu, à 11 reprises. Le 23 novembre, dit l’avocate, la mère de l’accusée « avait donné le programme » à la victime. Son fils aîné allait le « fumer » et il serait cambriolé. Le 15 décembre, « il y a eu plus de balles tirées que de mots prononcés par les agresseurs ». « Il a tiré sur un homme déjà blessé, qui était au sol. Mais frapper au sol, c’est bien la façon de faire de monsieur X. Mlle Z. l’a dit à la barre mardi : il l’a encore frappée lorsqu’elle était à terre. On peut mettre ça en relation avec la question du courage que madame la présidente évoquait hier », tacle la partie civile.

« On s’en sert comme d’un objet ! »

Maître Chebbah désigne l’accusé : « On s’en sert comme d’un objet ! Il a une relation toxique avec sa maman. » Elle-même ne respecte pas les interdits. « Il n’a aucune base. Comment avoir assez de recul pour se sortir de ça ? » La plaidoirie est centrée sur la défection de sa famille, son frère qui ne reste pas au procès pour soutenir l’aîné ; la mère, au comportement délinquant elle aussi ; sur l’absence de toute éducation structurante et émancipatrice. D’où le « on s’en sert comme d’un objet ! »

Yanis X « savait pertinemment ce qu’il faisait »

Maître Leray Saint-Arroman, pour la partie civile, parle, elle du « rôle de chien de garde de la famille » : « on l’a utilisé comme fusible ». La victime, dans cet écheveau, n’a été qu’un pion. Un élément extérieur sacrifié sur l’autel d’un système intra familial « criminogène » piloté par une mère que la défense n’épargnera pas non plus. « Le 15 décembre 2019, la mère a un alibi, on la protège, elle ! » Cela dit, Yanis X « savait pertinemment ce qu’il faisait. AA pouvait perdre la vie, pour ça ! » dit Mathilde Leray. « Ça », pour l’avocat de la défense c’est « un honneur à venger » : « il croit sa maman » …
Il est donc acquis pour tout le monde que le garçon qui se tient depuis 3 jours dans le box de la salle d’assises, et qui vit depuis plus de 2 ans en prison, est le fils d’un destin qu’il n’a pas choisi. Pour autant il faut bien qu’il prenne ses responsabilités. Devenir adulte, puisqu’il s’agit aussi de ça, c’est commencer par là. Répondre de ses actes.

« S’il était allé dans la baignoire, il aurait été fichu »

« Quand on tire 11 balles, c’est qu’on n’est pas là pour discuter. Et on détruit le matériel aussi, tant on est dans une démarche de haine. AA, victime des tirs, n’écoute alors que son instinct de survie. Dans la salle de bain, s’il était allé dans la baignoire, il aurait été fichu. Il parvient à fuir, et là, il peut hurler de douleur, il arrive en sang chez des voisins. Et pendant que les secours s’attachent à sauver la vie de AA, qui perd du sang et commence à perdre conscience, monsieur X, lui, rentre chez lui, se douche et joue à la Playstation. Pendant 2 mois, poursuit avec vivacité maître Leray, Yanis X est absent des radars, mais le 29 décembre, on trouve l’inscription à la peinture blanche. ‘Paye, paye’ : c’est que dans la famille de Yanis X, on ne peut se faire tirer dessus que pour une dette de stupéfiants. Ça, il connait. Chez sa copine et lui, bien des meubles provenaient de ça, de dettes, d’impayés de stupéfiants. »

La victime, « le 15 décembre 2019, il a été cassé »

Un autre jeune homme a assisté à tout le procès. La victime. Seul. AA paie très cher d’avoir, sans le vouloir, loué une maison juste à côté de celle de la mère de l’accusé. « AA est le seul à avoir du courage, dans ce dossier, dit maître Leray Saint-Arroman. Mais il est brisé, depuis le 15 décembre 2019. Le 14 décembre il allait bien, il travaillait, il vivait sa vie. Le 15, il a été cassé. Il a dû changer de logement, de boulot, il a fait une tentative de suicide. Il fait une dépression. Le complice du tireur est toujours en liberté, ça lui fait peur. Il attend votre décision, une décision qui lui permette de se sentir protégé, une décision qui lui dise ‘vous avez été victime d’une tentative de meurtre’. Il a besoin de connaître de nouveau la paix. »
Le fait est que ce qu’a subi ce jeune homme est équivalent à un attentat, car une telle effraction fait des ravages dont personne ne peut soupçonner la force. On s’en fait une idée ? On est en-dessous de ce dont témoignent toutes les victimes d’actes de cette nature.

Portrait de l’accusé en lampiste

Mohamed Chebbah développe à petit pas le portrait de l’accusé en lampiste. « Même son petit frère, venu déposer à la barre, n’est pas resté pour soutenir son aîné qui est dans la panade. » Puis il termine sur la question du devenir du jeune homme. Pas de dangerosité psychiatrique, a dit l’expert. L’avocat de la défense s’en saisit pour insister sur la capacité d’évolution de son jeune client, si toutefois il en a la volonté et suit le chemin nécessaire. « Et vous croyez qu’il ne le veut pas ? » lance Mohamed Chebbah aux jurés, avant de conclure en leur demandant d’aider le jeune homme « à devenir un homme ».

« Ce n’est pas impossible qu’il ait été avec son frère »

Devenir un homme tout en étant sanctionné pour des actes criminels. L’avocat général liste ce qui concourt à constituer une tentative de meurtre : des tirs groupés dans le dos, des coups de feu sur une personne qui est en fuite, l’usage d’armes létales, l’exposition des parties vitales (AA a été touché juste à côté d’une artère fémorale, il s’en est fallu de peu, ndla). « Et puis on vient par surprise, sans paroles on fait des tirs multiples, et 7 fois dans une pièce toute petite, même pas 2m2. On n’a jamais retrouvé les armes. »
L’accusé n’était pas seul, le 15 décembre 2019. « Ce n’est pas impossible qu’il ait été avec son frère », dit maître Chebbah. Comme souvent, faute d’avoir accès à l’entière vérité, le procès débouchera sur une vérité judiciaire : fondée sur les éléments objectifs, mais aussi sur l’intime conviction des jurés. Il est presque 13 heures quand la cour se retire pour délibérer.

« Et, si vous veillez sur votre famille, qui veille sur vous ? »

Le 4 juin 2020, le docteur Prieur, expert psychiatre, a rencontré Yanis X, pendant 1h30, à la maison d’arrêt de Dijon. Yanis raconte son enfance, sa jeunesse, dit et répète qu’il pense qu’il est de son devoir de protéger sa famille. Le médecin psychiatre alors lui demande : « Et, si vous veillez sur votre famille, qui veille sur vous ? » Le jeune homme entre alors dans un état de rumination, dit l’expert, « il est presque prostré sur son siège » puis finit par répondre : « Ça, c’est une bonne question. »

Verdict

C’est ainsi que Yanis X, est condamné, le 1er avril 2022 à XXX heure, par la cour d’assises de Saône-et-Loire, à la peine de 16 ans de réclusion criminelle, suivis de 6 ans de suivi socio-judiciaire (SSJ), pour le chef de tentative de meurtre. La cour a retenu l’état de récidive légale (condamnation en 2017 pour détention de stupéfiants).

Tout d’abord, pas de période de sûreté. Le condamné pourra donc prétendre à un aménagement de sa fin de peine s’il a souscrit à l’obligation principale du SSJ : l’injonction de soins. La présidente a insisté fermement : il doit, « dès maintenant », engager une psychothérapie. Il doit également suivre une formation professionnelle. « Si vous voulez demander un aménagement, il faut y travailler. »
A sa sortie il a l’interdiction de tout contact avec la victime et l’obligation de l’indemniser. La cour a prévu 3 ans de détention en cas de manquement au cadre.

La peine principale est assortie de peines complémentaires

Inéligibilité pendant 5 ans, interdiction de porter ou de détenir une arme pendant 15 ans. La cour constate l’inscription de Yanis Marsault au FIJAIS et au FINIADA*.

La présence d’un juge de l’application des peines n’est peut-être pas étrangère à ces multiples coutures qui viennent border le cadre de vie du condamné. D’un côté, on lui permet de se projeter sur la vie « normale » à laquelle il dit aspirer, en le contraignant à des soins (troubles de la personnalité de type borderline, et impulsivité qui le rend violent) et à une ou des formations professionnelles puisqu’il n’en a aucune. De l’autre côté, on le marque à la culotte, d’abord avec un suivi, puis en le contraignant à se signaler régulièrement aux autorités (FIJAIS – son inscription est de droit). Soit il se saisit enfin des possibilités qui lui sont données, de construire sa vie sur d’autres bases, soit il est assuré de retourner en prison.

FSA

* FIJAIS : https://www.demarches.interieur.gouv.fr/particuliers/fichier-auteurs-infractions-sexuelles-violentes-fijais
FINIADA : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000025503132/LEGISCTA000041831540/

SSJ : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006181732/

 

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