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vendredi 1 avril 2022 à 06:16

Assises de Saône-et-Loire : Tentative de meurtre Montceau



 



« Il se sent investi d’un devoir de protection absolue de sa mère et de ses frères, qui peut prendre le pas sur la loi », dit l’expert psychiatre de l’accusé, au second jour de son procès devant la cour d’assises de Saône et Loire, pour tentative de meurtre sur un autre jeune homme, le 15 décembre 2019 à Montceau-les-Mines.

Il est l’heure, ce jeudi 31 mars, de permettre au jeune homme de parler de lui, de son enfance marquée par les mesures éducatives, un premier placement, puis le centre éducatif renforcé, puis le centre éducatif fermé. Le garçon était fugueur, multipliait les violences verbales, physiques, etc. « Très vite on m’a mis en prison. » Il avait 14 ans. En 2014, il a 15 ans, un psychologue écrit : « Yanis est pris dans un système familial le maintenant dans une fascination à l’endroit de la transgression et de la criminalité. » Il a 23 ans aujourd’hui, et il est jugé cette fois-ci par une cour d’assises.

Mythe et réalité 

La présidente Caroline Podevin le confronte sèchement à son mythe de construction, « je suis le protecteur de ma famille » que la réalité de sa jeunesse contredit : « Vous ne vous formez pas, vous ne travaillez pas, vous ne contribuez pas à aider votre famille. Quand vous fuguez vous ne dormez pas chez votre mère puisque la police vous y cherche, et quand vous êtes en prison, eh bien vous n’êtes pas auprès de vos frères. » 
La lecture de son casier judiciaire est longue. La présidente pointe sa contradiction entre « l’esprit de liberté » qu’il revendiquait, et ses périodes d’enfermement qui à aucun moment ne l’empêchent de recommencer. « Moi j’ai jamais travaillé, c’était le seul moyen de subvenir à mes besoins. »

« PAYE PAYE OU JE REVIEN »

Ce matin, vers 11 heures, la cour est revenue avec le directeur d’enquête, sur l’histoire du tag.  Le 15 décembre, AA, victime de 11 tirs dont 4 l’ont atteint, est hospitalisé, opéré. La police enquête. Le 27 décembre, on lève les scellés pour permettre à AA de rentrer chez lui. Le 29 décembre, AA découvre le mur de son garage recouvert d’une inscription à la peinture blanche : « PAYE PAYE OU JE REVIEN »… « Les traces de peinture vont du garage au domicile de madame X, mère de l’accusé » dit l’enquêteur. Yanis X dira au magistrat instructeur l’avoir fait « pour égarer les enquêteurs ». Pourtant… « Pourquoi voulez-vous détourner les regards de vous, puisque vous dites que vous ignorez alors qu’on vous recherche ? Moi, je pige pas, là », renvoie la présidente. L’accusé se défend de tout, mais quasiment aussi maladroitement que son frère hier : en dire le moins possible, mentir, esquiver. L’expert psychiatre dit qu’il ne souffre d’aucune pathologie psychiatrique, mais qu’il a une personnalité de type « borderline ». Une personnalité qui puise son inspiration dans le milieu des trafiquants de stupéfiants et de leurs règlements de comptes, et le fait sottement puisque la victime ne souffre d’aucune addiction.

Mlle Z.

En fin de journée ce jeudi, l’interrogatoire de personnalité de l’accusé finit par agacer la présidente : « On peut faire preuve de maturité, monsieur ? On arrête de jouer, vous n’êtes pas au tribunal pour enfant. » Yanis X fait l’effort de raconter sa détention provisoire.  Premiers mois difficiles pour lui, puis ça va mieux, puis un « incident » (sic) au parloir avec Mlle Z.
Il s’était installé avec cette jeune femme, « une relation qu’il avait investie » dit le psychiatre. La mère de l’accusé n’aimait pas cette relation. C’est le moment où mère et fils sont en froid, du coup. Yanis vivait alors aux crochets de sa copine (si on excepte la question du trafic de stups, qui affleure à plusieurs reprises au cours des débats, en rapport sans doute avec l’achat des deux armes à Lyon, celles avec lesquelles il a tiré sur AA).
Hier, mercredi en fin d’après-midi, son ex-copine est venue témoigner. Elle en a eu le courage. Elle raconte comment son copain lui a demandé d’aller vivre chez son père et sa belle-mère, à Lyon, pendant qu’il était incarcéré. Comment il la surveillait à distance, l’appelant sans cesse, ne supportant pas qu’elle soit un peu libre, elle.

Violences au parloir

En août 2020, elle se rend au parloir à la maison d’arrêt de Dijon et lui dit qu’elle ne supporte plus cette situation, son attitude, etc. Alors, il l’insulte, frappe la vitre de séparation, se lève, crie, elle pleure. Tout à coup, il monte sur sa chaise, saute par-dessus le plexiglas, lui donne un coup de pied au visage. Elle tombe. Il la frappe encore du pied alors qu’elle est au sol. Il lui a cassé le nez, elle a un trauma crânien. Elle a perdu connaissance, convulsé. 15 jours d’ITT. « Et depuis, je n’arrive plus à dormir. »
C’était la première fois qu’il était, non pas violent, mais « si violent », rappelle la présidente à l’accusé qui, ce jeudi, renverse les rôles puisque c’était elle qui le harcelait dit-il, etc.

« En fait, vous êtes un trouillard ! »

Il est 18h30 ce jeudi lorsque la présidente monte d’un cran. L’accusé fait l’agneau, se dérobe constamment, justifie jusqu’à l’injustifiable. Il se défile devant la cour comme dans la vie. « A fuir l’échec, on ne risque jamais de réussir. En fait, vous êtes un trouillard ! » Yanis X, piqué, se contient : « Ça doit être ça, en effet. » « Vous avez peur », insiste la présidente qui enchaîne sur le jour où la mère de l’accusé s’est pointée au parloir avec une puce de téléphone planquée dans la doublure d’un vêtement, ainsi qu’avec un peu de cannabis pour son fiston. Fin des autorisations de parloir pour la mère. « Et elle se retrouve en garde à vue, parce que vous lui avez demandé tout ça. » Il encaisse. La magistrate ne cesse pas ses assauts et l’accusé finalement apparaît pour ce qu’il est : un voyou qui ne connaît pas d’autre façon de vivre que la sienne, qui a commencé par un vol de voiture et a fini par tirer sur un homme, le blessant dès la première balle et en tirant 10 de plus à la suite.

« Je voulais juste le blesser » … Really ?

Maître Chebbah lui fait préciser les situations de son père et d’un de ses frères : ils sont tous deux actuellement incarcérés. L’accusé a voulu convaincre la cour que jamais il n’aurait tiré sur un homme déjà blessé qui lui tournait le dos (il ne convainc pas), d’une part, et que d’autre part, il n’a jamais voulu tuer qui que ce soit, « je voulais juste le blesser ». La présidente : « Dès la première balle, vous le blessez : vous pouviez vous arrêter. » Maître Leray Saint-Arroman : « Vous voulez juste le blesser, mais vous faites en sorte qu’il ne puisse pas appeler les secours… – C’était pour pas que la police arrive, je voulais avoir le temps… – Vous privilégiez donc votre sécurité avant la sienne ? – Oui. »

« Comment on peut aimer autant et d’un coup être si violent ? »

Ce vendredi 1er avril, réquisitions, plaidoiries – partie civile, puis défense -, et délibéré. On veut finir sur une question qui taraude la jeune femme entendue mercredi fin de journée : « Comment on peut aimer autant et d’un coup être si violent ? » Elle a nourri de sombres pensées pour sa propre vie, à l’instar de la victime qui souffre d’un traumatisme dont les mâchoires ne le lâchent pas. Des malheurs en cascades, voilà ce que les embrouilles (l’accusé semble avoir compris qu’il s’est fait manipuler par sa famille pour le pousser à l’acte, le 15 décembre 2019), et la criminalité afférente fabriquent. Voilà ce que l’irresponsabilité fabrique. Voilà ce que la violence ruine.

FSA

 

Assises de Saône-et-Loire

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