Assises de Saône-et-Loire
« Ils veulent me buter, je vais mourir, je ne sens plus mes jambes. » Le blessé s’écroule dans le séjour de voisins, rue Termier à Montceau les Mines, le 15 décembre 2019 vers 18h30.
Ce mercredi 30 mars s’ouvre le procès de Yanis X., renvoyé devant la cour d’assises de Saône-et-Loire pour tentative de meurtre sur un jeune homme à peine plus âgé que lui.
« Ils veulent me buter »… La victime a toujours dit que deux individus lui avaient tiré dessus. De fait les médecins ont retiré de son corps 4 ogives de 2 calibres différents. Mais dans le box, seul Yanis X est jugé. C’est un jeune homme aujourd’hui âgé de 22 ans, il est né en juin 1999 à Vaulx en Vélin. Il porte un blouson sombre sur un polo blanc souligné par le fin collier de barbe qui passe sous son menton. Ses cheveux noirs sont retenus à l’arrière du crâne, son visage est dégagé.
Le « témoin le plus important du procès » est absent
La mère de l’accusée, « témoin le plus important du procès » selon maître Leray Saint-Arroman qui représente la victime, est absente, ce mercredi matin. Elle est pourtant convoquée. Charles Prost, avocat général, estime, lui aussi, sa présence « indispensable ». Maître Chebbah, en défense, botte en touche : « Les absents ont toujours tort. » La présidente, Caroline Podevin, envoie la police le rappeler à cette femme.
Le 23 novembre, la scène-mère chez la mère
C’est que la vilaine embrouille qui a vraisemblablement conduit le jeune Yanis, avec un autre ou pas, à ouvrir le feu à 9 reprises (sauf erreur de notre part) sur AA (nous désignerons la victime ainsi, c’est sans rapport avec son nom, ndla) qui se trouvait alors tranquillement chez lui, aurait pris racine un peu auparavant : la mère de Yanis aurait eu une relation sexuelle pendant environ 6 semaines avec AA qui y mit fin. La femme l’aurait mal vécu, l’aurait harcelé de messages et, pour finir, lui demande de venir parler avec elle. C’était le 23 novembre 2019. AA y va avec ses frères. Bien lui en a pris, car au lieu de parler, invectives, coups, menaces. AA a reçu deux coups de marteau à la tête, se fait soigner à l’hôpital, puis s’empresse de retourner travailler.
Le 15 décembre, le sang coule
Le 18 décembre 2019, lorsque AA est en état d’être entendu, il dit aux enquêteurs que le 23 novembre, la famille de Yanis l’a menacé de le « fumer ». Voilà comment il établit le lien avec l’irruption, chez lui, dans une petite maison dont la porte était ouverte, de deux individus. Le premier lui a tiré dessus. Il le touche à la cuisse, AA tombe. L’agresseur s’approche et fait feu une seconde fois, loge une balle cette fois-ci, à l’arrière d’une cuisse. AA doit ramper. Il parvient à atteindre la salle-de-bain et s’y enferme. Le ou les agresseur(s) tirent 7 fois à travers la porte. Des tirs fichants. Les enquêteurs retrouvent 5 balles dans la pièce, 2 impacts ont donc atteint de nouveau la victime.
Des WC sont attenants à la petite salle de douche, c’est sans doute ce qui a sauvé la victime qui en réalité s’y était planqué. Il parvient à fuir par la lucarne.
Intention homicide ?
On recherche Yanis, en vain. Le jeune homme se présente de lui-même le 10 février 2020 au commissariat de Montceau-les-Mines. Il reconnaît avoir tiré sur AA, volontairement. Il assure avoir agi seul et avoir utilisé deux armes. Mais il se défend d’avoir eu l’intention de tuer, et c’est donc ce point qui sera l’enjeu du procès prévu pour s’achever ce vendredi. La présence d’un co-auteur sera évidemment interrogée également, ainsi que l’origine du drame puisque la mère de l’accusé conteste avoir eu une relation intime avec la victime. AA, lui, n’a pas varié : cette relation a eu lieu, cela a envenimé la situation, et le 15 décembre, deux personnes aux visages dissimulés lui ont tiré dessus.
Pendant que la présidente Podevin fait lecture de l’ordonnance de mise en accusation, la victime, émue, baisse souvent la tête. L’accusé regarde la cour. Il est en détention provisoire depuis le 12 février 2020. Six jurés, un homme et cinq femmes, encadrent les juges assesseurs. Seule la présidente a connaissance du dossier, tous les autres le découvrent au fur et à mesure du procès.
Faire en sorte que la victime ne puisse pas appeler au secours
Les 7 balles tirées sur la porte de la salle de bain dans laquelle AA s’était réfugié, déjà blessé aux deux jambes, en rampant, ont toutes traversé la porte. L’accusé soutient avoir tiré de haut en bas, pour ne pas tuer la victime. Il avait cependant dégradé la box pour que la victime ne puisse pas utiliser son téléphone. Forcément ça interroge. Bref, du côté de l’accusé on dit que tous les éléments rapportés par AA et son entourage qui peuvent, de façon cohérente, éclairer le contexte qui a mené à cette tragédie, on dit que ces éléments n’ont tout simplement pas existé.
Il encourt 30 ans de réclusion criminelle, voire la perpétuité
L’accusé encourt une peine maximale de 30 ans de réclusion criminelle, sauf si la cour retient l’état de récidive légale (se référant à deux condamnations pour usage et pour détention de stups – peine encourue, 10 ans – lors de sa minorité) ce qui, cas échéant, lui ferait encourir la réclusion criminelle à perpétuité. L’accusé avait 20 ans. L’accusé n’a que 22 ans aujourd’hui. Au vu de l’ombre menaçante qui plane sur lui, il est plus que jamais important que chacun des protagonistes permettent de reconstituer le contexte, sans se défiler, de sorte que le procès prenne tout son sens, pour l’accusé, mais aussi pour la victime.
« Monter en pression… Votre pression ou celle de votre mère ? »
Yanis X. ne vivait pas chez sa mère à l’automne 2019, il n’était pas présent le 23 novembre, il n’a d’ailleurs pas bien compris ce que ses frères lui en ont d’abord rapporté, « une histoire de chats et de SPA », mais ses frères lui ont bien dit que AA avait giflé leur mère. Première offense. Puis l’accusé a déclaré qu’il avait eu vent, plus tard, d’un Snapchat à teneur sexuelle impliquant sa mère, et qu’à partir de là, il était « monté en pression ». La présidente : « Monter en pression… Votre pression ou celle de votre mère ? »
C’est ainsi que sur la foi de « on dit », « un collègue de mon frère a dit que… », le jeune homme a décidé, le 15 décembre 2019, de sortir ses deux armes de leurs cachettes. Elles étaient déjà munies de chargeurs pleins. Puis il s’est roulé un joint. Il a mis les armes dans ses poches. Il est parti, à pied, chez ce voisin. Il a fumé son joint sur le trajet, « pour me détendre ».
FSA