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mercredi 15 septembre 2021 à 06:12

Tribunal de police



 



 

« J’espère que ça sera rapide, dit le prévenu à la présidente, parce que j’ai très mal aux pieds : j’ai les deux jambes cassées. » Il a laissé sa béquille dans la salle, se tient à la barre du tribunal de police ce mardi 14 septembre. La présidente voudrait bien elle aussi que ça aille vite mais il ne fait qu’interrompre les autres, et parler.

Il est né au Creusot en 1990, il vit à Montceau-les-Mines. Ses jambes sont « cassées » dit-il, mais y a pas que ça de cassé chez ce jeune homme, comme on va le voir. C’était en octobre 2019. Il décide d’aller faire quelques courses dans un hypermarché. « Le contexte est particulier, explique maître Guignard, car la personne qui est à l’accueil était partie en pause, c’est un vigile qui la remplace. Il est là pour surveiller, or celui-ci a besoin d’un jeton pour mettre son sac à dos dans un casier. » Le prévenu dit qu’il a parlé au vigile sans que ce dernier ne daigne lui répondre, et du coup, « comme toute personne normale » il s’est mis en colère. L’agent de sécurité, martiniquais, rapporte pas mal de propos dans son dépôt de plainte, le prévenu estime qu’il en a rajouté, mais reconnaît lui avoir jeté de « retourner dans sa paillotte en bambou », il aurait glissé un « babouin », mais s’insurge sur le reste, « j’ai jamais dit bamboula ! ».

 

« Injure non publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion »

 

Le prévenu sentait alors l’alcool, il était 15 heures. L’agent de sécurité appelle la police, le gars l’attend calmement. Il est poursuivi pour « injure non publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion » et ne parvient pas à entendre que l’injure à caractère racial soit plus grave qu’une autre. Lui, tout ce qu’il voit, c’est qu’un homme à qui il parlait, ne lui répondait pas, et speed comme il est, ça ne pouvait pas le faire. Rejet pour rejet, il a mis le paquet, et à l’audience il tente le sous-entendu : « Ce monsieur a été renvoyé de son travail. Des rumeurs de…. » La présidente Sordel-Lothe l’arrête : « Ce n’est pas lui qui est à la barre, monsieur. »

 

« Quand on est suivi tous les trois mois, c’est que tout va bien ! »

 

« Je suis malade des nerfs ! lance le prévenu. Mais je suis soigné ! Je vois un psychiatre tous les trois mois. Mais, comme tout individu normal, on s’énerve. » Le pauvre. Le CMP le reçoit une fois par trimestre, et comme c’est vraiment très peu, il en tire une conclusion de bon sens : « C’est comme ça, quand on est suivi tous les trois mois, c’est que tout va bien ! » La présidente le renvoie aux faits, à l’alcool à 15 heures, à … , il la coupe : « On s’emporte comme tout le monde. Comme un être humain, quoi ! » Le pauvre. Dans la série la vie ne fait pas de cadeaux, il semble en avoir long à dire, mais se contente de souligner qu’il s’est « sorti de tout ».

 

Troubles psychiatriques, curatelle

Une expertise psychiatrique diligentée dans une autre procédure, dit qu’il souffre de « troubles psychiatriques apparus en 2004 ». Il perçoit l’allocation pour adultes handicapés, il vit sous un régime de protection civile, sa mère est curatrice. Elle est dans la salle et ce n’est pas simple pour elle. Il est aussi speed qu’il est maigre, soulève son tee-shirt pour montrer ses cicatrices, glisse que quand on l’agresse dans la rue, c’est pas pour autant qu’il porte plainte. Mais il tâche de se contenir, il sait que « le respect », bien sûr, c’est important. En 2020, il a déjà été condamné pour injures publiques, qu’est -ce qui s’était passé ? « J’étais à la pêche pendant le confinement. » Rien d’autre à déclarer.

 

200 euros d’amende

Angélique Depetris, substitut du procureur, va « à l’essentiel, pour éviter que monsieur ne s’emporte. Il a reconnu les insultes à caractère racial, et on a pu constater ici qu’il est parfois submergé par ses émotions. » Elle retient l’altération du discernement que le psychiatre avait écrite, et requiert une amende ferme de 300 euros. L’avocat du prévenu demande l’indulgence du tribunal. Le prévenu maintient : « Il en a rajouté ! Je reconnais avoir dit, au bout de dix fois que je lui demandais un jeton, de retourner dans sa cabane… » Bref. Le tribunal le déclare coupable et le condamne à une peine de 200 euros d’amende, « au regard de vos ressources ».

Il va récupérer sa béquille et ses affaires dans la salle qu’il quitte en disant : « Merci ! Bonne journée ! J’suis pas raciste, hein. »

 

FSA

 

https://www.demarches.interieur.gouv.fr/particuliers/injure

 

 






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