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vendredi 16 juillet 2021 à 05:41

Faits divers : Violence, menaces de mort, détention d’armes à Montceau-les-Mines





« Vous me direz, c’est décoratif… Une cartouche de calibre 12 sur le buffet, c’est toujours très classe.” Le président se permet une pointe d’humour un peu mordant, face à lui se tient un sacré bougre, convoqué pour répondre de violence, menaces de mort, détention d’armes. 

« … alors j’ai vu rouge »

Le 8 juillet dernier, à Montceau-les-Mines, en soirée, la police est appelée rue de l’hospice pour un différend. Ce jeudi 15 juillet, les deux victimes, un père et son fils, sont présentes. L’histoire ? Compliquée. Les hommes se connaissent, ont des embrouilles que le président Dufour peine à démêler parce d’un côté comme de l’autre de la barre on chiade ses versions. En gros, le prévenu et un de ses fils sont allés au domicile des deux autres, parce que « il rackettait mon fils, alors j’ai vu rouge ». Il avait bu (alcoolémie à quasi 1 gramme). Les deux autres ainsi que le propre fils du prévenu, disent qu’il est entré, a sorti un Laguiole, insultes et menaces à la bouche, il aurait posé son couteau sur le cou du fils, âgé seulement de 13 ans. Le prévenu le conteste farouchement, il conteste aussi avoir sorti son couteau, mais tous les témoignages concordent sur ce point. Pour le cou, on ne sait pas.  

Un peu trop d’armes pour être honnête

A la palpation de sécurité on trouve sur lui 2 couteaux, 6 cartouches de fusil de chasse et une boule en métal pendue à une ficelle. « C’est quoi cette boule en acier ? – Un pendule. – Pour quoi faire ? – Je sais pas, j’aime bien, mais c’est pas une arme ! – Et la machette dans la voiture ? – C’est un outil… – Posé sur le siège passager… Et le gourdin ? – Je sais pas. – Ah non ! Ne me dites pas que vous ne savez pas. – J’avais pas de mauvaises intentions ! – Ah c’est sûr, tout à fait ! Des armes, et pas de mauvaises intentions. Si c’était le cas, on aurait trouvé des fleurs, à la place. » La perquisition permet de trouver la cartouche de calibre 12 posée en évidence sur le buffet, mais aussi un fusil à canon juxtaposé. « Je suis passionné…  C’est très décoratif…  – Dites, il était emballé dans un tissu, on l’a trouvé dans votre chambre, il ne décorait rien du tout. – J’aurais pas dû l’acheter, c’était une belle connerie », regrette, mais un peu tard, le prévenu.

Des arrangements aux franges en permanence

Il balance sec sur les victimes et principalement le père. Le président le recadre que c’est pas le sujet de l’audience, mais on sent bien le niveau d’embrouille. Le prévenu est un ancien toxicomane qui stockait chez lui plein de comprimés de Subutex et plein de comprimés de Seresta. « C’est à moi, c’est tous mes traitements ! » Sauf que le médecin dit qu’il ne vient pas régulièrement à ses rendez-vous, et le concerné tente de s’en sortir en disant au juge qu’il avait pris sur lui de diminuer ses doses. Il se fait moucher. Il se défend comme le bougre qu’il est, une vie entière plongée dans les difficultés et des arrangements aux franges en permanence. Forcément. « Je ne bois pas tous les jours. » Bien. Et quand il boit, il boit en quelle quantité ? Le bougre répond franchement : « Ben, dix demis. – ça fait 2 litres et demi, quoi. »

Un cumul de difficultés nappe un casier chargé

13 fois condamné entre 1989 et 2012, pour des vols, plein, et puis une fois pour trafic de stups, des dégradations, des conduites sous l’empire de l’alcool, puis des conduites malgré l’annulation de son permis. Il est veuf, il a 3 enfants, il a encore les deux mineurs avec lui. Le troisième est handicapé, il vit dans un institut médico éducatif, il voit son père un week-end sur deux. A part ça, le père perçoit l’AAH depuis 2016, il ne peut plus travailler, alors « je fais un peu de ferraille ». Il croule sous des dettes de loyer, il n’a aucun suivi sur le plan social et il se défend mal devant les juges, mais il se défend comme il le peut. Il ne cesse de désigner la victime comme un menteur, toxicomane « connu et reconnu », qui entraîne son fils dans ses dérives, et reconnaît, pour équilibrer la balance, qu’il a lui-même « mes adresses et mes maladresses ».

Le procureur requiert un mandat de dépôt

Bref, c’est l’histoire d’un pauvre bougre aux 55 ans déjà bien abîmés par une vie difficile qui semble irrécupérable. Le vice-procureur, Charles Prost, requiert un mandat de dépôt pour la partie ferme d’une peine mixte (18 mois dont 6 mois assortis d’un sursis probatoire de 2 ans). « Il répète qu’il est désolé, mais on ne sait pas de quoi. Il ne répond pas aux questions, or ce dossier est accablant. » Le procureur demande des obligations de soins. Maître Duquennoy plaide contre ce mandat de dépôt : « C’est un ancien toxicomane qui élève seul ses enfants, et depuis 9 ans il n’a pas fait parler de lui. Il faut en tenir compte. Il a un logement et deux enfants encore à charge, et il voit son fils handicapé tous les 15 jours. »

Les juges sortent pour délibérer. Au retour du tribunal, le prévenu est absent, tout le monde suppose qu’il est parti par crainte du mandat de dépôt. Son avocat part le chercher. Un ange passe, puis deux, puis trois… « Bon, on va rendre le délibéré si un avocat présent accepte de substituer maître Duquennoy. »

8 mois de prison aménagés en DDSE et 2 ans de suivi

Le tribunal déclare le prévenu coupable et le condamne à une peine de 16 mois de prison dont 8 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Obligations de soins en addictologie, d’indemniser les victimes. Interdiction de contact et de paraître à leur domicile. Le tribunal ordonne l’exécution provisoire (cela signifie que les interdictions et obligations prennent effet immédiatement). Le prévenu arrive, tout essoufflé… Le président reprend, ajoute l’interdiction de porter une arme pendant 15 ans, et lui dit que les 8 mois ferme sont aménagés ab initio en détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE).

On demande au prévenu d’attendre que les victimes soient parties avant de sortir. Les embrouilles, n’est-ce pas, sont comme des braises duquel un feu peut subitement renaître à tout moment, or en principe la décision met fin à cette relation mauvaise de part et d’autre. Un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation suivra ce monsieur à la santé visiblement entamée, pendant 2 ans.

Florence Saint-Arroman

 

 

 






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