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mercredi 2 décembre 2020 à 16:30

Faits divers : 19 ans pas de permis, refus d’obtempérer

14 mois de prison , interdiction du département...



 



 

Il a 19 ans, 8 condamnations déjà, il a connu la prison, plusieurs fois, mais alors qu’il estimait avoir bien fait les choses, cette fois-ci (« J’ai arrêté de me droguer, j’ai arrêté de voler des trucs, il ne manquait que le travail »), il a emprunté la bagnole qui est mise à disposition de tous, clé sur le contact, à la ZUP du Plessis, pour aller chercher une commande dans un magasin d’articles de sport, et patatrac retour dans le box des comparutions immédiates ce lundi 30 novembre.

« Personnellement je connais les chemins de mon quartier »

Pas de permis de conduire, pas d’assurance, et alors que les policiers qui veulent contrôler le véhicule lui font signe de s’arrêter, il file, il fuit, il fonce. « Je voulais pas qu’on m’arrête. » Il est 14 heures, il y a du monde dehors même si avec le confinement il y en a moins que d’habitude : on lui reproche la mise en danger d’autrui. « Vous avez roulé sur des trottoirs, sur des pelouses. » Il s’insurge : « Personnellement je connais les chemins de mon quartier. C’est pas des pelouses, c’est des petits chemins que tout le monde utilise. Et y avait personne. » Pas d’assurance… « J’ai pas regardé mais j’ai pas le permis alors ça change rien qu’il y ait une assurance ou pas. » Dans la voiture, quelques pochons pour la drogue : « A la base c’est une voiture où les gens se posent dedans. Ils jettent leurs trucs, leurs détritus, mais c’est pas mes détritus à moi. »

« Arrêtez de me parler de mon quartier. Je connais mieux mon quartier que vous »

« Il faut faire quoi pour que vous arrêtiez ? » lui demande la procureur. « Déjà, pas me mettre en prison, ça ne sert à rien. – Ah mais la prison, c’est pas pour vous, monsieur, c’est pour protéger les autres. Vous n’êtes pas le centre de la juridiction. » Il se défend : « Et la police, alors, elle a pas roulé sur les trottoirs ? » Cette remarque dit tout sur la façon dont il considère ce qui est juste et injuste, sans que cela soit, hélas pour lui, indexé sur la question des lois et de l’organisation sociale. Il continue : « Arrêtez de me parler de mon quartier. Je connais mieux mon quartier que vous, je sais où y a du monde ou pas. » C’est sûrement vrai, mais ça ne change rien au problème de fond qui le concerne : se représenter un peu clairement comment est organisée la société, à quoi servent les lois, quel sens elles ont, etc. Avoir quelques repères, quoi, une boussole, pour s’orienter.

Avec ce regard-là, il est encore loin de s’occuper de lui, et de sa vie

Du coup l’audience est laborieuse et peu fructueuse malgré les efforts renouvelés de la présidente Verger pour donner un peu de sens, justement à la présence de ce jeune garçon dans le box. Difficile, parce qu’il semble sincère : il a fait de gros efforts, il démarrait un sursis mis à l’épreuve, et, dans sa lecture de ce qu’il observe, le trafic de drogue, c’est grave « parce que c’est un acte de délinquant » et ça concerne « une minorité », alors que conduire sans permis est à la portée de tous, et d’ailleurs « une majorité » le fait. Avec ce regard-là, il est encore loin de s’occuper de lui, et de sa vie. D’une certaine façon il a raison, beaucoup de gens conduisent sans permis, conduisent sans être en règle, et chichonnent et picolent, et en route. Mais, en quoi le fait que tous ces gens soient en infraction viendrait légitimer son comportement ? Il semble ne pas comprendre, si toutefois il est sincère.

 

« Il a besoin d’accompagnement »

 

Il était en prison, il obtient un aménagement de peine pour sortir, et bien que sous bracelet pouvait, d’ailleurs c’était le but, s’occuper de son retour à la vie civile, aller s’inscrire à la mission locale, tout ça. Il a coupé le bracelet au bout de 10 jours, ce fil à la patte, il ne l’a pas supporté, il est reparti en prison, « j’étais pas prêt à m’en sortir » dit-il, donc pas prêt à sortir. Sauf que là il ne veut pas retourner en prison, et pourtant c’est ce qui va se passer. Aurélie Larcher, substitut du procureur, requiert une peine lourde (10 mois de prison et révocation de 6 mois, maintien en détention). Nous sommes en comparution immédiate, la procédure la plus dure et la plus violente, ne pas l’oublier. Elle requiert également une interdiction de paraître à Montceau : le garçon a convenu que ses relations locales ne l’aidaient pas, il est d’accord pour quitter ce microcosme. Maître Mortier-Krasnicki plaide « la déstructuration complète de ce jeune », « une absence de maturité », « une limite intellectuelle », « il faut prendre en compte sa personnalité : il a besoin d’accompagnement ».

 

14 mois de prison puis interdiction du département

« Pour moi, j’ai arrêté mes conneries, je sais pas comment vous expliquer. » Le tribunal le condamne à une peine de 18 mois de prison dont 10 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, ordonne son maintien en détention, et révoque partiellement le sursis antérieur à hauteur de 6 mois, ordonne son incarcération immédiate. « Monsieur, seriez-vous d’accord pour que le tribunal vous donne l’obligation de passer le permis de conduire ? » Le prévenu murmure « Oui ».
Donc : obligations de soins, de travailler, de passer son permis de conduire. Interdiction de paraître en Saône-et-Loire. Le véhicule est confisqué pour destruction.

« Je veux le passer tout seul, j’ai pas besoin que vous m’obligiez, en fait »

14 mois de prison. « Vous pourrez apprendre à mûrir, et travailler votre projet de vie. » Il a quelque chose à dire : « Je ne suis pas d’accord pour l’obligation de passer le permis. » La décision est prononcée, le tribunal n’a pas le droit de revenir dessus, si cela ne lui va pas, il peut faire appel de cette décision. Et puis il avait accepté ! « J’ai pas réfléchi. Je veux le passer tout seul, j’ai pas besoin que vous m’obligiez, en fait. »

« Là, je ne faisais rien de mal, dehors »

Il vivait chez sa mère à Montceau, il voyait son père, également. Pour autant son petit frère de 15 ans est actuellement incarcéré, et lui, l’aîné, offre une forme de candeur, à être passé du trafic de stups à la conduite sans permis : « Pourquoi vous ne vous êtes jamais détaché de la délinquance ? – Ben, j’arrive à m’en sortir. – Non. – Ben si. Là, je ne faisais rien de mal, dehors. »

 

FSA

 

 

 



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