Du côté de la librairie…
Envie de lire… des parcours
Envie de lire…
des parcours
Cette semaine, nous introspectons ! Nous partons à la découverte de nos pensées profondes, de ce qui ronge ou habite chacun d’entre nous… Aucune psychologie de comptoir là-dessous, rien que des histoires !
Claire est née dans une ferme, loin de la ville et de ses mystères. A l’occasion d’un Salon de l’agriculture, elle découvre Paris et décide d’y retourner, quelques années plus tard, pour y étudier. Son récit, très sec, sans artifice littéraire et avec peu de ponctuation, nous livre sa réflexion de la disparition du monde rural.
Au fil des pages, elle intègre ce monde de la ville totalement déconnecté de celui de son enfance, où l’on ne prononce que les mots utiles. Elle étudie le latin et le grec, lettres mortes qui vont lui permettre l’ascension sociale tant attendue mais qui va définitivement l’éloigner de son père avec qui elle a les plus grandes difficultés à parler. Marie-Hélène Lafon nous livre ici un récit sans fioriture, détaché de son sujet, dans lequel la vie de Claire nous presque dénuée de sentimentalisme et pourtant très riche de découvertes sur sa vie.
Marie-Hélène Lafon. Les pays. Paris : Folio, 2014. 146 p.
Lizzie Doron nous plonge dans la vie des familles juives de l’après-guerre, décimées dans les camps et ayant choisi l’exil en Israël, affrontant ainsi la guerre de Kippour. Cette histoire réelle romancée se construit sur des aller-retour l’enfance de l’auteure et sa vie d’aujourd’hui à travers le manque de père.
Contre son gré, Aliza va progressivement découvrir sa propre histoire, reconstituant un puzzle dont chaque membre de son entourage possède un lambeau. Les différences de points de vue par rapport à l’absence et la perte sont successivement abordées : lorsqu’Aliza retrouve ses amies d’enfance, elle s’aperçoit que chacune l’enviait de n’avoir que sa mère alors qu’elle-même les enviait toutes d’avoir une famille plus importante. « On envie toujours ce qu’on a pas ». La confidence de l’histoire de chacune permet à Aliza de relativiser autant qu’elle le peut : chacun a ses propres casseroles et il faut bien vivre avec. Une belle histoire, remuante, sur la reconstruction de ces familles dans un pays idéalisé.
Lizzie Doron. On jour on se rencontrera. Paris : Editions Héloïse d’Ormesson, 2015. 207 p. 18 €
Beau titre que celui proposé par Thierry Beinstingel : « Ils désertent ». Il y parle de la place que le travail prend dans nos vies ou de celle qu’on veut bien lui donner au détriment quelquefois de nos vies personnelles et individuelles. Jusqu’où aller, jusqu’où supporter ce côté dévorant, omniprésent de nos travail dans nos vies ? Et jusqu’où supporter les impératifs énoncés ou non de nos chefs dirigeants ? Quelles sont leurs motivations ? Jusqu’où peuvent nous porter nos ambitions ? Sommes nous prêts à tout accepter ?
Autant de réponses illustrées par l’histoire qui tisse deux vies parallèles : celle de la jeunette qui vient d’être embauchée pour virer l’ancien qui fait le plus gros chiffre d’affaire de la boîte mais qui défrise parce qu’il n’applique pas les nouveaux process et travaille toujours à l’ancienne… Je vous laisse découvrir si la situation explose ou pas à la fin du roman !
Thierry Beistingel. Ils désertent. Paris : Livre de Poche, 2014. 190 p. 6.60 €
Patricia est un mannequin à qui tout sourit : un job très rémunérateur, un mari-amant aimant, une maison magnifique à Madrid… Mais dans l’avion qui la ramène d’un défilé à New Delhi, elle fait la rencontre de Viviana qui va lui révéler qu’une personne souhaite sa mort… Les évènements vont rapidement s’enchaîner : de petits accidents successifs qui la déstabilise et fissurent progressivement sa belle assurance, la poussant à s’interroger sur chacun de ses proches pour savoir qui pourrait bien lui en vouloir à ce point…à moins que ce ne soit une manipulation mentale de la part de Viviana. De chapitre en chapitre, Patricia avance pour laisser progressivement ressurgir toutes les vraies facettes des personnes qui l’entourent avec un regard neuf, notamment sur des faits qu’elle avait occultés.
Plutôt optimiste, le livre nous livre une vision particulière de la vie et comment d’une phrase, d’un mot on peut chambouler une vie agréable, bien établie. Après toute descente morale, physique, l’homme est souvent (toujours) prêt à rebondir, et comme le phénix, toute vie peut renaître des cendres encore chaudes de celle d’avant…même s’il n’est pas facile d’en faire le deuil.
Clara Sanchez. Le ciel après la pluie. Paris : Marabout, 2015. 360 p.
Deux romans sur les femmes pour poursuivre. « Amazones » nous amène à la lisière des femmes, de leurs envies et de leurs désirs de vivre. Au détour de la rencontre improbable entre Alphonsine, 89 ans et ancienne « amazone » d’une vie sans saveur, et Alice, 30 ans, arrivée au bout d’une course contre elle-même et contre les hommes, nous remontons dans les souvenirs de ces deux femmes à peine malmenées par la vie, mais pleines de frustrations, d’ennui ou de folie cachée. Elles vont partir dans un périple dans lequel chacune d’elle essayera de trouver une alternative à un destin rejeté. Décapant !
Dans « La saison des mangues », nous voyageons de l’Inde à l’Angleterre, puis de la France à l’Afrique, à la rencontre de trois femmes d’une même famille : Radhika l’indienne, Anita, sa fille britannique puis française, et Mila, adolescente en quête de ses racines au fond de l’Afrique. A travers les récits des unes et des autres, on découvre la force de l’exil, mais aussi celle de la tolérance et de la mixité, qui peut conduire à des actes d’amour pur comme de destruction. Un beau roman dont je ne vous dévoilerai que peu de choses, car je pense qu’il faut le lire d’une traite et sans préjugé.
Raphaëlle Riol. Amazones. Paris : Actes Sud, 2015. Coll. Babel. 215 p. 7.80 € / Cécile Hugenin. La saison des mangues. Paris : Héloïse d’Ormesson, 2015. 173 p. 17 €
Pour clôturer cette rubrique, une histoire entre conte et abstraction issue d’un des textes japonais les plus anciens, avec des dessins parfois abstraits mais qui illustrent parfaitement le livre. Cette histoire est faite d’incessants aller-retour entre un enfant, son père et le conte qu’il raconte. Doucement, l’enfant découvre à petits pas la création progressive du monde à travers un homme Izanagi et une femme Izanami… La naissance de la terre, des êtres vivants, des émotions, des sentiments, des couleurs, jusqu’à la mort qui vient parachever ce cycle et trouver un apaisement, un équilibre. Ainsi naissent le jour et la nuit, la vie et la mort… A l’issue de l’histoire, l’enfant n’a pas forcément répondu à toutes ses questions qui le taraudaient dans la nuit mais il a suivi un chemin initiatique à travers le récit d’un soir…
Yan Allegret/Carla Talopp. Kojiki. Demande à ceux qui dorment. Paris : Gallimard, 2015. Coll. Jeunesse Giboulées. 50 p. 16 €