Embarcadère le 11 novembre, La chanson de jérôme : le drame de Jérôme Laronze
« Preuve est faite que visages dévots et pieuses actions nous servent à enrober de sucre le Diable lui-même » (Shakespeare). Et le diable se cache dans les détails d’un drame humain venant percuter la logique normative de l’état et la stricte orthodoxie de ceux chargés de l’application des règles.
Olivier Bosson signe là un film sous forme de docu fiction prenant, crispant et interpelant. Il s’agit de son parti pris assumé sur l’affaire Laronze.
Une soirée débat de grande tenue, pour une petite centaine de spectateurs », apportant un autre éclairage que celui des médias sur une affaire dont tout le monde se souvient : L’affaire Jérôme Laronze tué le 22 mai 2017 par la gendarmerie après 9 jours de cavale.
Syndicaliste engagé dans la Confédération paysanne sur les questions de traçabilité et d’agissements de l’agro-industrie Jérôme Laronze s’est mis à dos l’administration à cause de son refus de jouer le jeu et de déférer à leurs mises en demeure. Par son esprit rebelle, en avance sur les pratique coutunmières de ses collègues, il s’est aussi aliéné une partie d’entre eux. En plein déni de la situation, blindé dans un refus de s’avouer vaincu il va se faire condamner par la justice, puis par une partie de l’opinion qui ne comprend pas ses combats et ne les connaissent que par les retours de la presse.
C’est ce processus que le film, une fiction dans laquelle le personnage principal se prénomme Jérôme va analyser finement. Les fonctionnaires et la principale d’entre eux apparaissent intransigeants, inflexible, guindés, pleins de certitudes dirrimantes, même si certains doutent qu’une sricte application des textes réussisse à calmer la situation, on peut mettre subodorer une certaine tendance à la critique de la gouvernance. Les relations se tendent entre l’agriculteur récalcitrant et les services d’état lorsque lors de la descente pour saisie de ses bêtes les pompiers sont appelés pour une mise en placement d’office de Jérôme en psychiatrie car il serait menaçant et déséquilibré, donc dangereux pour lui-même et pour les autres. Le drame final naît là, le paysan fonce sur tout ce beau monde avec son tracteur fourche en avant et s’enfuit. Là s’amorce une cavale de 9 jours au cours de laquelle la machine policière s’emballe. C’est la présentation faite par le film.
Les gendarmes sont assez véridiques, leur désarroi est aussi profond que celui de Jérôme face aux pressions de la hiérarchie et au manichéisme des analyse faites et des décisions prises.
Un ancien chef de brigade de gendarmerie pendant 37, ans assis dans le public, a expliqué qu’il comprenait le désarroi des deux côtés. Souvent il a eu à constater la désespérance et la solitude des paysans et les énormes difficultés aucquelles ses hommes faisaient face pour aider sans en avoir forcément les moyens, pour faire appliquer la loi sans forcément être de prime abord dans le répressif. Sur la question du glissement de la légitime défense, il explique que la lutte contre le terrorisme a certes fait évoluer les règles d’usage des armes, mais que ce qui s’est passé en l’occurrence ne lui apparait pas comme normal.
Rappelons que lors d’une ultime tentative d’arrestation de Jérôme Laronze et donc de Jérôme Maillet dans le film, un gendarme a tiré à plusieurs reprises (3 fois) sur la voiture du suspect recherché qui s’éloignait. Son binôme ayant tiré en l’air à titre de sommation. Enfin c’est ce qui est montré dans la Chanson de Jérôme.
Le cinéaste n’a pas pu rencontrer les administrations en cause, pourtant son film est très documenté, simplement il a extrapolé leurs attitudes, leurs caractères de la lecture des documents et témoignages.
Le débat a d’ailleurs porté là-dessus et aussi sur les notions de maltraitance animale car Jérôme a été accusé et condamné sur ce motif. La réponse est donnée dans le film par l’inspectrice en chef « vous refusez de remplir les fiches, on va vous retirer les aides, vous ne pourrez plus nourrir vos bêtes, on vous accusera donc de maltraitance animale ».
Cela fait 7 ans et demi et l’instruction sur la mort de Jérôme Laronze continue sans trouver encore de conclusion. Le tribunal administratif de Dijon par un jugement en date du 28 février 2020 incrimine la DDPP en faisant mention de l’absence de cadre légal lors de l’intervention des gendarmes ayant amené à l’homicide de Jérôme. D’ailleurs après la mort de Jérôme les autorisations jusque là refusées, (pour faire plier le récalcitrant ?) ont été rapidement données.
Un autre intervenant explique qu’il est difficile de se rendre compte de la réalité du monde paysan. Les paysans vivent dans la vraie vie, et elle est difficile, voire très difficile pour eux. De plus il leur est très difficile de sortir de leurs schémas et habitudes de travail qui sont contraintes par des carcans administratifs, sanitaires et économiques. Alors oui, ceux qui veulent rompre avec ce mode de fontionnement comme Jérôme apparaissent souvent comme des faiseurs d’embarras, des empêcheurs, des contestataires isolés, de rebelles. Cela explique aussi la solitude de certains.
Un film dense, très horizontal, à la narration cursive et à fleur d’objectif, documentaire autant que partisan. Le public à vraiment apprécié.
Et pourquoi le titre « la Chanson de Jérôme » ? Olivier Bosson a travaillé en amont, sur deux années, pour réaliser un documentaire, il a donc recueilli 20/25 témoignages très approfondis portant sur deux axes : « de quoi avez-vous été témoins, racontez le » et « que pensez vous de cela ? ». Au fil du recueil il a vu se dessiner la trame d’un récit qui lui a fait penser à la chanson de Roland. En relisant ses notes en peaufinant son scénario le titre s’est imposé : « la Chanson de Jérôme » en fait le film relate bien la « Geste » de Jérôme tel qu’on le concevait dans le registre épique au moyen âge. Ce film a été tourné entre 2021 et 2022 avec 160 acteurs quasiment tous amateurs. Le film poursuit sa tournée : le 19 novembre à Louhans, le 20 à Cuiseaux, le 21 à Macon. https://www.cinemas-panacea.fr/montceau-embarcadere/film/607226/video/
Enrober de sucre le Diable lui-même revient à rendre très amère de telles tragédies.
Gilles Desnoix
Pour ceux qui s’interesseraient à l’affaire Laronze, ils peuvent se reporter à ces documents :
- Texte de Jérôme Laronze publié par l’Empaillé https://lempaille.fr/jerome-laronze
- Reporterre (média en ligne) tribune écrite du 13 novembre 2020 de Marie-Pierre Laronze, https://reporterre.net/Lettre-a-Jerome-mon-frere-paysan-tue-par-un-gendarme et https://reporterre.net/Jerome-Laronze-paysan-tue-par-les-gendarmes-le-recit-de-l-incroyable-drame
- Le Monde (numérique) 2021 série d’articles de Florence Aubenas
- « Pleine terre » roman de Corinne Royer publie en 2021
- Arte « Sacrifice paysan » documentaire de 52 minutes deGabrielle Culand
- France Télévisions diffusion en date du 15 novembre 2022 de la pièce « Petit Paysan Tué » de Yeelem Jappain.
Montceau News a consacré 9 articles à l’affaire de 2017 à aujourd’hui en plus d’annoncer la séance à l’embarcadère.