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mercredi 17 mai 2023 à 06:54

Montceau-les-Mines : Lycée Parriat et Claudie Haigneré



Le lycée Henri Parriat de Montceau-les-Mines accueillait ce mardi Raymond Renaud, rescapé du camp de concentration de Buchenwald qui a témoigné de la vie quotidienne des déportés et des prisonniers dans les camps de la mort.

Un moment poignant, riche en émotions et surtout essentiel au Devoir de Mémoire de cette sombre période de l’histoire du XXème siècle.

Pascal Villette, Proviseur du lycée Henri Parriat de Montceau-les-Mines a accueilli Raymond Renaud ce mardi dans la grande salle de réunion de l’établissement qui porte justement le nom de ce rescapé des camps nazis. « C’est un vrai honneur que vous nous faîtes de venir ce jour témoigner d’une période noire de l’Histoire, il est important de témoigner des horreurs de la déportation, surtout en ces périodes agitées » a formulé le proviseur en guise d’introduction avant de céder la parole au presque centenaire « j’ai 99 ans, 10 mois et 1 jour » a malicieusement glissé Raymond Renaud qui a tenu à rester debout (pendant près d’une heure et demi) devant les lycéens montcelliens rejoints par des élèves de 3ème Prépa-Métiers du lycée Claudie Haigneré de Blanzy, les 2 établissements du bassin de Montceau ayant judicieusement associé leurs élèves pour cette intervention qui vaut tous les cours d’histoire du monde.

 

19 mois passés dans le camp de travail de Buchewald

Car pendant plus de 90 minutes, Raymond Renaud a précisément détaillé ses souvenirs, évoqué sa jeunesse, son activité de militant FTP (Franc-Tireur Partisan -un groupe de Résistance communiste-) et aussi l’indicible des camps de l’horreur. Et tout cela avec une humanité et une solennité qui a littéralement « captivé » le public qui « buvait » ses paroles.

Chronologiquement, le rescapé de Buchenwald a parlé de l’arrivée au pouvoir d’Hitler, de la coupable connivence des industriels allemands dans son ascension politique et de la mise en place programmée dès 1933 des premiers camps de concentration à Dachau et Oranienbourg en 1936 jusqu’à l’horreur de la déportation et de l’extermination en grand nombre.

Celui qui a passé 19 mois au camp de travail de Buchewald a poursuivi son propos par sa jeunesse passée à Montceau-les-Mines où les « jeunes gens bravaient le couvre-feu pour continuer à vivre normalement » mais se sont heurtés à l’intransigeance de l’occupant allemand puis de la police de Vichy « qui faisait avec beaucoup d’application ce que lui demandait les Allemands » a encore précisé Raymond Renaud.

En décembre 1940 alors qu’il accompagnait son père dans une distribution de tracts, il se fait arrêter par la police qui ne le relâche qu’après 24h. « Mon père a été condamné à 6 mois de prison jusqu’en juin 1941, le 2 précisément. Et le 22 juin, les Allemands envahissaient l’URSS, c’est alors qu’une grande rafle de communistes eut lieu dans toute l’Europe. Des milliers de militants communistes furent arrêtés, notamment ceux qui avaient déjà été suspectés et surpris de « terrorisme »  dont le père de Raymond Renaud qui est arrêté par la Gestapo et interné à Compiègne pendant plus d’un an. Et c’est le 6 juillet 1942 que le père de Raymond Renaud monte à bord d’un convoi de 1175 prisonniers à destination d’Auschwitz-Birkenau. « Pour vous dire les dures conditions de travail, de vie et les privations subies par les prisonniers, dîtes-vous qu’à Noël 1942, près de 900 personnes de ce convoi étaient décédées ; mon père est lui décédé le 19 février 1943 » a relaté celui qui poursuivra l’oeuvre de son père en intégrant la Résistance intérieure.

 

« Nous avions fini d’être des hommes, nous étions des numéros »

Pendant plus d’un an, il occupe des responsabilités départementales dans la Résistance et distribuait notamment « L’Etudiant Patriote », un journal imprimé à Paris et distribué par Raymond et ses compagnons « partisans ». Ces activités clandestines sont découvertes et il est arrêté par la Police anti-communiste le 14 août 1942, il est condamné à 13 mois de prison et à la fin de sa peine, il est remis à la Gestapo. « Pendant cette incarcération nous étions 6 par cellule en prison, nous recevions des colis de nos familles, quand on compare avec ce qui va nous arriver ensuite, la prison, c’était presque le paradis » a poursuivi Raymond Renaud qui embarque dans un convoi pour Compiègne le 16 septembre 1943 et là commence le cauchemar de la déportation : « dès la montée à bord, on recevait des coups de pieds, des coups de crosse, nous étions entassés à 50 par wagon, serrés les uns contre les autres. Certains étouffaient pendant le trajet et en arrivant en Lorraine le train a été coupé en 2, nous étions 100 par wagon, entièrement nus, nos vêtements étant mis dans des wagons en queue de train. Pendant le trajet jusqu’à Weimar, plus de 60 personnes sont mortes étouffées, d’autres sont devenus fous du fait de leur enfermement » a encore détaillé le rescapé du camp de Buchewald qui se trouvait à 8 kilomètres de cette gare de Weimar.

Et la fin du macabre trajet se faisait à pied, encadrés par des SS jusqu’au camp où dès leur arrivée, les déportés passaient «  à la désinfection », ensuite on leur donnait des vêtements sur lesquels on avait apposé un triangle rouge (désignant les opposants politiques) et un numéro. « Dès ce moment-là, nous n’étions plus des hommes, nous étions devenus des numéros » a poursuivi Raymond Renaud qui a détaillé les différents lieux du camps, la hiérarchie du camp avec les prisonniers de Droit Commun qui faisaient régner la terreur ou encore les diverses corvées journalières allouées aux déportés.

Un témoignage poignant, empreint d’émotions et plein d’humanité : « dans certains blocs, il n’y avait que des Français, moi j’étais dans un bloc international avec des Allemands, des Tchèques et des Yougoslaves. Sur les 600 prisonniers du bloc 40, nous étions 60 Français et le chef de ce bloc exigeait le silence et la propreté. Nous étions le seul bloc où il n’y a jamais eu de poux » a encore relevé Raymond Renaud. Astreint aux travaux de terrassement, de maçonnerie mais aussi à l’abattage de sapins, de fabrication de charpente dans différents Kommandos, Raymond Renaud a connu des brimades et diverses souffrances. Mais de ce sombre passé, il a aussi retenu la solidarité et l’entraide des prisonniers ; évoquant un souvenir où il avait eu le malheur de fumer une cigarette en cachette avec un camarade, il fut condamné à 25 coups de baguette « des coups de schlag » et privé de repas. « Ne pouvant supporter de voir les autres manger et moi n’avoir rien dans mon assiette, je suis sorti du réfectoire. À mon retour, mon assiette était pleine, chacun des prisonniers de ma table avait mis une cuillère de soupe dans mon assiette. Le lendemain matin, pas de pain ni de margarine pour moi. Tous mes camarades ont partagé avec moi leur maigre repas, ces moments je ne les oublierai jamais! »

Dans l’horreur des camps, la solidarité, l’entraide et la fraternité entre les prisonniers existaient, ce sont des preuves d’humanité dans le chaos !

Et grâce à Raymond Renaud, la soixantaine de jeunes gens présents dans la salle s’en souviendront et sauront perpétuer la Mémoire de toutes celles et tous ceux qui ont connu l’enfer des camps.

Soyez sûr M. Raymond que votre témoignage marquera ces jeunes esprits et qu’ils sauront vous rendre hommage en poursuivant le Devoir de Mémoire quand ils seront adultes.

Nicolas AKCHICHE

 

 

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

 

 
 
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