Eckes Granini France à Mâcon
35 millions d'euros investis depuis 2008 pour le leader du jus de fruits
Pur jus, 100 % qualité et innovation
L’accueil est familial. Loin des cordons de sécurité et des protocoles rencontrés sur certains sites industriels… Le directeur général, Emmanuel Manichon, s’en excuserait presque. Pourtant depuis quinze jours, la famille, comme il l’appelle, a œuvré pour que tout soit à la hauteur à l’occasion de cette visite ministérielle. Mais ce qu’Arnaud Montebourg voulait surtout, c’est montrer à ses invités, une délégation du conseil d’affaires franco-saoudien, le savoir-faire de cette PME. Eckes Granini France devenue en 77 ans leader des jus de fruits.
Présentation.
Un peu d’histoire et de chiffres… Mâcon est le berceau historique de la marque Joker. L’entreprise est née en 1936, créée par la famille Malvoisin. Et depuis 77 ans, la PME est restée familiale puisqu’elle appartient aujourd’hui à un groupe familial allemand, Eckes, d’où le nom d’Eckes Granini France.
Eckes Granini France, qui a toujours fait que du jus de fruits, c’est plusieurs marques : Joker, devenue marque patrimoniale française, Granini, marque internationale allemande qui fait des nectars, et Réa, basée, en Alsace qui cible les enfants.
Joker est la première marque en France sur le marché des jus de fruits : 160 millions de litres sont produits en France, 120 millions à Mâcon sur un site de sept hectares dont 40 000 m2 couverts.
Côté chiffres, Eckes Granini France, c’est 300 salariés, dont 3 % de la masse salariale investis dans la formation.
Des investissements importants pour des innovations constantes. Depuis 2008, 35 millions d’euros ont été investis sur le site, soit une dizaine de millions d’euros par an. « Il y a deux ans, nous avons fait des investissements très importants, qui nous permettent d’être désormais à la pointe de la technologie sur les lignes. On est, par exemple, passer du verre au plastique pour les bouteilles, explique Emmanuel Manichon. C’est par un investissement régulier et constant qu’on continuera d’améliorer la qualité des produits. »
Et l’innovation est une part très importante du travail du groupe. Un laboratoire de recherche développement (RD) complet permet de développer des nouveaux jus de fruits en autonomie complète avec du personnel Granini. La société a, par exemple, travaillé sur un produit sans pulpe : « Elle est très importante, mais les enfants n’aiment pas. Il nous a donc fallu chercher un système de fibre qui élimine la pulpe tout en gardant ses bienfaits. »
Des jus de pomme et de raison locaux ? « Nous produisons en France 95 % de ce que nous vendons », explique Emmanuel Manichon. À part l’orange brésilienne, tout le reste vient d’Europe ou de France. On lance également des produits spécifiquement français avec la pomme et le raisin. Nous croyons aux récoltes locales : un produit local vendu localement, cela a du sens. »
La principale préoccupation aujourd’hui est d’avoir une qualité digne de ce qu’attend le consommateur et d’éviter les hauts et les bas en terme de quantité d’une année à l’autre. « Cette année, par exemple, la récolte du raisin a été mauvaise. La production a été affectée en grande partie à la filière viticole. La filière jus de fruits a été délaissée avec des quantités moindres de 30 %. Nous devons donc trouver cet équilibre entre le produit local et la possibilité de fournir le consommateur. »
En ce qui concerne la pomme, le problème est différent : pour le jus de fruits, il faut de la pomme douce et elle vient d’Italie. « On essaie de développer une filière en France, mais c’est un travail de longue haleine puisqu’il faut quinze ans pour récolter les premières pommes. Nous pensons néanmoins que la stratégie est juste, même si l’exécution est difficile. »
Pour qui ? 75 % de la production part vers la grande distribution, 12 % vers les cafés hôtels et restaurants et 13 % à l’export. Une part qui est amenée à se développer dans les années à venir comme l’explique le directeur général : « Le jus de fruits est un produit sain avec des qualités nutritionnelles réelles et reconnues. Nous avons donc un créneau à prendre, celui d’une boisson entre l’eau et le soft drink. Avec les jus de fruits, on a notre rôle à jouer en ce qui concerne l’équilibre nutritionnel. »
Mais il reconnaît aussi que la capacité de développement à l’export reste limitée « par rapport à notre personnel, mais nous essaierons avec nos moyens ».
Quels concurrents ? Tropicana (une branche de PepsiCo) ainsi que toutes les marques distributeurs. « Nous sommes les seuls acteurs à ne pas faire de marque distributeur. Et ce n’est pas un projet. Il y a cinq ans, nous faisions de la marque distributeur, mais nous avons vendu. C’est un métier très différent du nôtre, les marges n’existent pas et on ne peut pas bâtir de stratégie à long terme là-dessus. Mieux vaut bâtir de la marque et de la préférence consommateur. C’est en tout cas notre choix ! »
Sur le prix, un jus de fruits de marque c’est 2 euros le litre, une marque distributeur 1 euro. Ce qui fait la différence dans le prix ? « La recherche, la qualité, le développement international et l’innovation. »
Quelles perspectives ? « Un développement difficile et des perspectives extrêmement compliquées, reconnaît le directeur général quand le ministre du Redressement productif lui pose la question. Depuis trois ans, il n’y a pas eu d’augmentation des prix. On dépend aussi des mauvaises récoltes et d’un oligopole au Brésil qui a doublé les prix en cinq ans pour les oranges. Nous sommes donc dans un étau »
L’objectif d’Eckes Granini France est donc aujourd’hui de consolider sa position en France et de renforcer la consommation.
Ce qu’en pensent les Saoudiens ? « Notre but aujourd’hui est d’expliquer aux sociétés françaises qu’il est extrêmement facile de travailler et de rentrer sur le marché en Arabie Saoudite, avance Kamel S. Al-Munajjed, président du Conseil d’affaires franco-saoudiens. Les coûts de production sont très bas, les taxes également. Ce qui nous intéresse, c’est la qualité et le transfert de technologie. » Tout ce qu’il peut trouver à Mâcon avec Eckes Granini France. L’idée de lancer un nectar de dattes (qui existe déjà là-bas) a d’ailleurs été évoquée. L’Arabie Saoudite étant gros producteur de ce fruit, et la PME disposant d’un savoir faire indéniable.
Bertrand Besancenot, ambassadeur de France en Arabie Saoudite depuis 5 ans, explique de son côté que le conseil d’affaires a décidé il y a cinq ans de visiter tous les pôles d’excellence en France pour parler de l’Arabie Saoudite, rechercher des opportunités de partenariats et d’investissements croisés et ainsi amener des investisseurs potentiels. Cette visite est la deuxième en Bourgogne. La première avait eu lieu à Dijon l’an dernier.
Delphine CRESSON