Fédération du Bâtiment de Saône-et-Loire
"Pénibilité" : Roland BACHELARD, président, s'alarme !
La loi du 9 novembre 2010 a instauré des fiches individuelles de prévention de la pénibilité pour l’ensemble des salariés du secteur privé. La loi sur les retraites votée fin 2013 a fait de ces fiches la base d’un dispositif ouvrant droit à un départ en retraite anticipé.
Compte tenu des conséquences de ce dispositif sur les artisans et les PME du Bâtiment, de sa complexité notamment, le réseau Fédération du Bâtiment a souhaité alerter les Parlementaires et les pouvoirs publics dans un courrier. Courrier que voici :
« Une bombe à retardement vient d’entamer son compte à rebours pour les artisans et les PME du Bâtiment. Nous vous alertons dès aujourd’hui avant qu’il ne soit trop tard.
La loi du 9 novembre 2010 a instauré des fiches individuelles de prévention de la « pénibilité » pour l’ensemble des salariés du secteur privé. La loi « retraites » votée fin 2013 a fait de ces fiches la base d’un dispositif ouvrant droit, notamment, à un départ en retraite anticipé. Une mission conduite par Michel de Virville à la demande du Premier ministre vise actuellement à en définir la mise en œuvre concrète.
Quoi qu’il en soit, ces fiches qui nécessitent un suivi permanent pour 80% des salariés du Bâtiment, s’apparentent à un incroyable casse-tête.
Pour bien comprendre de quoi il s’agit, nous vous adressons ci-joint un exemplaire de fiche « pénibilité » publiée au journal officiel. Nous vous proposons, d’ailleurs, de vous livrer à l’exercice, pendant ne serait-ce qu’une semaine, en la remplissant pour vos collaborateurs.
Les artisans et les dirigeants de PME seront, eux, dans l’obligation de se livrer constamment à cette tâche, sur tous les chantiers, poste par poste, situation par situation, en tenant compte d’éléments complexes et d’activités imbriquées. Savoir si le menuisier qui a posé un coffrage à proximité d’une source de bruit a été affecté par ce bruit pendant un temps plus ou moins long, a connu un dégagement soudain de poussière, si ce même menuisier a dû porter des charges lourdes ou si c’est le maçon intervenant sur le même chantier qui a lui apporté son aide….
Bref, autant dire que pour les activités du Bâtiment, les sources de contestation seront multiples au terme de plusieurs années : comment déterminer si telle élongation d’épaule est due à l’activité dans l’entreprise A ou dans l’entreprise B, ou si tout simplement elle est due à une activité sportive quelconque ? Si on voulait plonger nos entreprises dans une judiciarisation sans fin de leurs activités, on ne s’y prendrait pas autrement.
En la matière, évitons les malentendus et les a priori trop faciles. Aucun chef d’entreprise n’a intérêt à faire travailler coûte que coûte un salarié affaibli physiquement, au risque de provoquer un accident du travail.
D’une part, le secteur du Bâtiment a toujours été très attaché à réaliser les efforts indispensables de prévention et de santé au travail. Notre secteur a mis en place dès 1947 un organisme dédié, géré paritairement : l’OPPBTP, organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, qui, de constat unanime, a largement permis de progresser en la matière.
D’autre part, nous sommes parfaitement conscients que certains de nos compagnons sont soumis à des tâches rudes dans des environnements difficiles. Nous avons signé, en décembre 2011, un accord relatif à la prévention de la pénibilité et à l’amélioration des conditions de travail dans le BTP car nous croyons en l’effectivité de la prévention. Mais désormais, peu importe la situation de santé individuelle de chacun : quelles que soient les mesures de prévention qui seront prises, l’essentiel sera d’accumuler des points sur sa fiche !
A l’heure où l’on vante sans relâche les vertus de la « simplification », aucun de nos artisans et de nos chefs de PME ne seront en capacité de faire face à ce nouveau mur de contraintes administratives. Et, ce d’autant plus dans un environnement concurrentiel où les salariés détachés et les entreprises de l’espace européen ne seront pas soumis à cette exigence. Il y a là un appel incroyable à la concurrence étrangère et aux travailleurs détachés !
Ce que nous vous demandons aujourd’hui en réponse, c’est non pas l’argumentaire-type ou les éléments de langage qui pourront vous être fournis par le Ministère du Travail sur ce dossier.
Ce que nous vous demandons est de regarder de près la fiche de prévention de la pénibilité et de nous dire, en votre âme et conscience, si oui ou non, les artisans et entrepreneurs du Bâtiment que vous connaissez pourront dans la réalité quotidienne se livrer à une telle comptabilité des moindres faits et gestes de leurs salariés ?
Devons-nous, oui ou non, continuer dans cette voie au mépris de tout principe de réalité ?«
Roland BACHELARD