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mardi 18 novembre 2014 à 09:59

Du côté de la librairie…

Envie de lire… des rencontres



 

 

Envie de lire… des rencontres

 

Tous les livres sont des rencontres, mais certains en font leur sujet même. Cette semaine, nous allons assister à celle de Léon et Louise, de Gail et François et Gail, de Camille et Robert, d’Alba et Maurizio. Quatre histoires de rencontres.

 

Toute l’histoire de Léon et Louise repose sur une succession de rencontres. Ils n’avaient pas 20 ans lors de la première, dans un petit village français vers la fin de la Première guerre mondiale. Louise, jeune fille émancipée, fumeuse et porteuse d’annonces de décès, va croiser le chemin de Louis, télégraphistes à la nuque plate peu enclin au travail. Au détour d’une colline, au retour d’une ballade au bord de l’océan, les vents du destin vont séparer les deux jeunes gens qui ne s’oublieront jamais, quelle que soit la période de l’histoire. Dans l’entre-guerre assis dans le métro, pendant l’occupation parisienne au fond d’un parc, après la Libération, Léon et Louise vont de croiser, s’entrecroiser, s’aimer de loin ou de prêt de loin, en secret.

 

Raconté par le petit-fils de Léon, cette histoire débute le jour des obsèques du grand-père, lorsque Louise s’approche du cercueil, pose un baiser d’aider sur le front du défunt et fait tinter une clochette de vélo. Tous la découvre au grand jour, celle qui était presque une légende, celle que la femme de Léon avait acceptée comme étant l’Amour de son mari. Cette exploration d’une vie secrète rend cette épopée très intime. La très belle écriture de l’auteur habille parfaitement les personnages, et nous fait vivre la droiture nonchalante de Léon, la gouaille maladroite de Louise pour cacher son amour, et la relation malhabile mais profonde de ces deux êtres. Une très belle lecture.

Alex Capus. Léon et Louise. Paris : Actes Sud, 2014. Coll. Babel . 313 p. 8,70 €

 


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Que de rencontres dans le livre d’Yves Bichet ! Robert Coublevie, ancien surveillant de lycée agricole « chemineau » depuis 5 ans, parcourt en tous sens la Ligne, bout de frontière Italie-France. Tantôt seul avec sa chienne Elia, délicatement rebaptisée du nom de la femme qui l’a quitté, tantôt en compagnie de Jean, ancien moine chartreux en exil, il vit sa liberté de manière presque désabusé, avec quelques remous douloureux dans le bas-ventre. A l’heure de l’apéro, il redescend à Briançon, au Café du Nord, où il retrouve les habitués accoudés au comptoir et Camille, la fille du patron. Camille, désabusée, abusée, qui n’ose dire son mal-être qu’à Robert. Le marcheur se retrouve au centre du meurtre d’un agent des douanes douteux et dans les confidences de cette jeune fille qui se punit à coup d’orties et de ronces. Il va enquêter, essayer de comprendre qui a tué le douanier et qui a fait du mal à Camille, s’interroger sur les raisons de son silence, chercher un pourquoi qui n’existe pas.

Assez fascinant, ce roman va au-delà de l’intrigue. Il dépeint assez justement les sentiments humains et le désir de solitude qui peut prendre aux tripes à certains moments de l’existence. Entre discussions métaphysiques au sommet des montagnes et descente dans les méandres de l’âme humaine, Robert part à la rencontre de ce qu’il chérit en fin de compte le plus : la liberté.

Yves Bichet. L’homme qui marche. Paris : Mercure de France, 2014. 174 p. 16,50 €

 

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Le bandeau du livre d’Éric Paradisi dit : « Si les morts parlent aux vivants, c’est pour leur apprendre comment vivre et ne se souvenir que de l’amour ». Il résume parfaitement son dernier ouvrage. La narratrice va raconter à l’homme qu’elle aime la rencontre de son grand-père, Maurizio, avec Alba, pendant la guerre. Elle transmettait des messages de la résistance, il coupait les cheveux dans le ghetto. Déporté à Auschwitz, il va devenir le barbier de sa baraque, et ne survit que grâce au souvenir d’Alba, à la délicatesse de son visage dessiné sur du papier volé. Au fond de l’horreur, il reconnaitra, à la sortie de la chambre, la chevelure blond cendré de celle qu’il a aimée. Au-delà de tout espoir, il sort de ce camp et va, au fil des années, se construire une vie tournée autour de ces morts et de son amour assassiné. Malgré ce désastre humain, Maurizio va transmettre cet héritage de survie et d’amour à sa petite-fille. C’est cet héritage qu’elle va à son tour offrir à l’homme qu’elle aime et qui va subir lui aussi l’épreuve de la mort. De sa mort à elle.

 

Je n’en dirais pas plus, de peur de dévoiler tout l’intérêt de ce livre. Objet de rencontre entre les vivants et les morts, il trace une ligne de ceux qui restent et cherchent une raison de vivre à eux qui ne sont plus là et qui aimeraient pouvoir, encore une fois, pousser celui ou celle qu’ils aiment vers la vie. Assez surprenant au départ, peut-être parce que l’on ne comprend pas tout de suite ce qui arrive à la narratrice, ce livre met en avant la force qu’une rencontre peut prendre dans notre existence. Il se sert du passé, des épreuves, du désespoir pour revenir à la lumière, à la beauté, à l’avenir. Il nous dit que la souffrance la plus atroce, celle qui blesse l’âme autant que le corps, peut aussi nous faire découvrir l’amour de ceux qui nous entourent, et trouver la force d’aller au-delà. Un roman troublant, que j’ai reposé au départ, et dévoré par la suite.

 

Éric Paradisi. Blond cendré. Paris : JC Lattès, 2014. 249 p. 18€

 

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« Avant, pendant, après »… Je me suis franchement ennuyée à la lecture de ce petit livre qui sentait le parisianisme aigu. Ce petit opuscule décrypte, comme son nom l’indique ce qui se passe avant, pendant et après la rencontre entre François, parolier de chanteur à succès et Gail, publiciste aux longues jambes. « La première fois que je l’ai vue, je ne l’ai pas vue, je l’ai aimée de dos. Je savais que lorsqu’elle se retournerait, ce serait pire. Blonde avec des traits de brune. Ses yeux brillaient d’une lumière mystérieuse et familière qui semblait venir du fond de l’enfance. Son visage n’avait pourtant rien d’enfantin, il signalait l’enfance sans la retenir. Elle me regardait, elle regardait ailleurs. Elle portait un vague danger, avec cet air d’en savoir trop et pas assez ».

 

J’avoue que si l’écriture a présenté un certain intérêt, le reste m’a laissé de marbre. Cette longue montée dans l’amour que François découvre, suivie d’une descente vertigineuse au fond de l’abîme, m’a laissé un goût bizarre de voyeurisme, dans un sentiment que chacun a pu connaître un jour ou l’autre. Fallait-il pour autant en faire un livre ?

 

Jean-Marc Parisis. Avant, pendant, après. Paris : J’ai Lu, 2014. 120 p. 6.10 €

 

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Véronique Décrenisse-Kieny

 

 

 

 

 

 

 

 



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