Nouvelle rubrique hebdomadaire
Du côté de la librairie......
Du côté de la librairie……
Si le mois de septembre est celui de la rentrée scolaire, des vendanges, des bonnes résolutions pour les inscriptions sportives, c’est également le mois de la rentrée littéraire. Et qui dit rentrée littéraire, dit abondance de livres, essais, romans… 607 nouveautés attendues rien que pour les romans…
Comment choisir parmi cette pléthore d’écrits, sans tomber sur l’éternel prix littéraire ou le roman imbuvable ? Où trouver un bon bouquin qui parle du coin ? Qu’est-ce que l’on pourrait offrir au neveu qui passe le bac ?
Pour vous aider dans vos choix, nous vous proposons désormais une nouvelle rubrique hebdomadaire « Envie de lire » . Vous y découvrirez des critiques d’ouvrages, mais aussi un tour d’horizon des acteurs locaux du livre : libraires, éditeurs, auteurs…
Bref, une rubrique à lire et pour lire !
Pour cette première chronique, je vous propose un petit retour en arrière sur deux romans qui ont accompagnés mes vacances : Plan de table, de Maggie Shipstead et La dernière conquête du major Pettigraw. Ces premiers romans de deux auteures britannique et américaines sont mes deux coups de coeur estivaux, et j’aimerais vous les faire découvrir.*
Plan de table
« Plan de table » est une vraie pause fraicheur : même s’il relève de la littérateur américaine, il se lirait volontiers accompagné d’une tasse de thé anglais et de scones couverts de marmelade d’orange. Ou d’un bon verre de Pim’s !Difficile de le poser quand on l’a commencé (ce qui a été mon, cas !) : ce premier roman de Maggie Shipstead, au-delà de son histoire piquante, révèle une belle écriture vive et structurée.
Au départ, j’avoue que les têtes de chapitres m’ont laissées perplexes : « jeudi » avec 240 pages, « vendredi » avec 200 pages et samedi avec… 4 pages ! Je me suis dit que je tombais sur un roman rempli de flach-back, tortueux et plein de stéréotype. Mais cela n’a pas été le cas. En deux chapitres, l’auteure réussit à nous plonger dans la vie et les tourments de Winn, de ses filles Daphnée et Livia, de sa femme Biddy et de leurs ami(e)s. Winn, père de la future mariée, mène sans le savoir la danse avec son histoire personnelle bourrée de principes, son père sans amour, ses brusques désirs devant la jeune Agatha, amie de ses filles et témoin du mariage. C’est toute l’histoire de ce banquier si désireux d’intégrer le très huppé club du Pequod, situé sur l’île de Nouvelle-Angleterre où se situe la maison de vacances familiale, et qui ne comprend pas pourquoi les portes restent closes. Les conventions sociales sont là, et rien ne peut l’en faire démordre : il DOIT devenir membre du club, c’est l’aboutissement de sa vie sociale, voire même de sa vie tout court. Ni sa femme Biddy, ni sa fille Livia ne parviennent à lui faire comprendre l’absurdité de la chose, qui le conduira à des extrémités que lui-même ne soupçonnait pas. Tout au long des pages, on le sent raide, piqué dans ses idées, imperméable au changement qui, au détour du mariage, va cependant le percuter de plein fouet !
Si le roman se base sur le mariage de Daphnée, la cadette, c’est selon moi Livia, la soeur aînée, qui a une réelle épaisseur dans ce livre. On a presque envie de la prendre dans nos bras pour qu’elle puisse pleurer et se consoler d’une histoire douloureuse. Au fil des pages et des rencontres, on lui dirait bien de ne pas se précipiter dans des bras trop inconséquents ou de ne pas aller sur la plage voir la baleine. On la prendrait bien sous notre aile avant de comprendre qu’elle est forte et que ce mariage lui permettra probablement de reprendre pied.
L’histoire, somme toute assez loufoque, se construit entre une baleine qui explose, une tante saoûle à longueur de journée, des beaux-frères loosers, un accident de voiturette de golf… Elle vous embarque dans une toile de sentiments croisés, mais assez justes sur la nature humaine et l’évolution des êtres. Ce roman est l’un de ceux que l’on a du mal à poser et dont on aimerait avoir encore quelques pages à lire à la fin.
Plan de table. Maggie Shipstead. 10-18 : Paris, 2014. 454 pages.
La dernière conquête du major Pettigrew
Quiconque aime la littérature contemporaine anglaise devrait adorer ce roman paru en 2013, mais qui est revenu dans les rayons des libraires cette année. Le flegmatique major Pettigrew, veuf retraité à Edgecombe Saint Mary, en pleine campagne anglaise, découvre sur le tard que Mme Ali, modeste épicière pakistanaise, a plus d’attrait que les simples sachets de thé qu’elle lui met de côté. Mais les villageois, très collets montés, ne voient pas cette relation d’un bon oeil. Il ne sera pas simple pour le bon major de s’affranchir des ragots des membres bienfaitrices de son club, ni des préjugés racistes trop ordinaires des villageois. S’ensuit une conquête (la dernière ?) en bonne et due forme de la dame, avec ballade sur la plage et partage de dinde aux marrons. Mais celle-ci sera par bien des événements inattendus : de l’héritage d’une paire de fusils qui attirera la convoitise du fils exilé à Londres, et de la belle-soeur pincée et rigide, à l’arrivée d’un petit-fils inattendu, en passant par une chasse épique dans le parc d’un authentique castel anglais, rien ne sera simple !
Ce roman est truffé d’humour, britannique bien sûr, et délicieusement épicé par les réparties du major qui tente vaille que vaille de défendre son amour que chacun veut contrarier pour respecter les conventions. Il relate bien le racisme sous-jacent entre Pakistanais et Anglais de souche, entre ceux qui rentrent au club par la porte de devant et ceux qui empruntent le passage de service. Très attachants, les personnages sont dans leur rôle, et l’auteur a su donner à chacun la profondeur, la laideur, la gentillesse ou l’arrivisme suffisants pour rendre cette histoire attachante. Le langage est aussi châtié que ce que l’on pourrait attendre d’un major anglais et la satire se conjugue à l’humour pour nous faire découvrir cette société soit-disant bien-pensante, mais ô combien bloquée dans ses convictions sociales.
La raison et le sentiment feront-il bon ménage ? A vous de le découvrir au fil des pages !
La dernière conquête du major Pettigrew. 10-18 : Paris, 2013. 539 pages
Véronique Décrenisse-Kieny