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vendredi 7 juillet 2023 à 03:57

L’agriculture dans la nature ou dans les médias ?



 

Sur le site « racesdefrance.fr » voila l’édito du président, Hugues Pichard, Montcellien dans l’âme, la tradition et l’épopée familiale. « Que vous soyez un consommateur désireux de comprendre, un éleveur à la recherche d’informations précises, un partenaire souhaitant mieux nous connaître, nous avons construit ce site pour vous apporter rapidement un maximum de réponses claires et précises. »

 Et bien les enfants, pour Montceau News et pendant plus de deux heures cet homme humble et modeste nous a ouvert sa porte, son exploitation (180 ha, 300 têtes de bétail) et son cœur. Et fidèle à son édito il entend « apporter rapidement un maximum de réponses claires et précises. » 

Et ce n’est pas quelqu’un qui a la langue dans sa poche et dissimule ses sentiments. Il a même interpellé rudement le Président Macron lors du salon de l’agriculture.

Président de Races de France, de herd-book Charolais, seule association nationale en France dédiée entièrement au schéma de sélection de la race charolaise ayant pour objectif est de développer des services faisant évoluer le métier d’éleveur, améliorant les performances des élevages, rassemblant près de 2200 éleveurs adhérents partout en France.

Président de Charolais France, organisme de Sélection Historique agrée par le Ministère de l’Agriculture pour gérer la race, Charolais, Hugues Trichard connait sur le bout des doigts l’ensemble des problématiques d’un monde que le commun des mortels côtoie mais ne connais absolument pas.

Il y a beaucoup à rapporter de cet entretien très fructueux et convivial, aussi ferons nous au moins deux articles en nous limitant à l’essentiel de ce qui a été dit.

En béotien que je suis, j’ai pioché dans l’actualité des thèmes de questionnement. Bien évidemment les questions ont rapporté des tombereaux de réponses augmentées et techniques : donc nous allons pour l’instant à l’essentiel.

 

Question : Élevage mis en cause au niveau du  réchauffement climatique : le Giec dit « dans le monde, le secteur qui y participe le plus est la production d’électricité (34%), suivi des secteurs de l’industrie (24%), de l’agriculture, des forêts et de l’utilisation des terres (22%), des transports (15%) et de la construction (6%) », La cour des comptes affirme qu’il faut diminuer le nombre de bovins.

Réponse : En France l’élevage bovin a baissé de 10% ces dernières années. Pourtant l’élevage aide à développer les pièges à carbone plus qu’il n’accroît les émissions. Plus le bovin mange d’herbe, plus elle stocke de carbone, plus il produit de fumier (1kg herbe = 800gr de fumier) plus il aide au recyclage et favorise le retour à la nature des nutriments. Il s’agit donc d’un cercle vertueux mais décrié

Question : Chacun évoque une certaine finitude des ressources,  Les matières premières, l’eau et les terres destinées à l’agriculture. Une exploitation agricole d’élevage ça consomme combien de mètres cubes par jour, par an et d’où provient l’eau ?

Réponse : Un bovin c’est, pour 900 kg, 30 litres d’eau par jour. Maintenant faisons le calcul. Prenons un individu de 90Kg, donc un dixième du poids du bovin, Service eau France, c’est officiel, a calculé que chaque français, en moyenne (boisson, sanitaire, bains, jardins) consomme 150 litres par jour. Cela veut dire que le bovin consomme en réalité 50 fois moins qu’un humain. Pour l’exploitation Pichard (300 bêtes, dont 120 vélantes, 120 veau et 60 autres) 9 m3, alors que les humains en consomment à due concurrence 45 m3. Quand à la diminution des terres agricoles, sur Montceau la disparition des cités et jardins familiaux ont au contraire accrus le domaine exploité. Mais Montceau et le bassin minier occupent une place à part dans cette problématique. Plus de terres, plus de pâturages, plus de foin, plus de pièges à carbone. Il faut se méfier des préjugés, plus il y a de déprise de terres agricoles, plus il y a d’espaces verts non exploités, moins il a de piégeage de carbone. L’agriculture obéit à des plans d’épandage, si les bovins consomment 3 gr d’azote au m2 ils en rendent directement ou indirectement avec l’épandage 10 gr au m2, c’est de l’agronomie pas forcément les canons de l’écologie. Depuis 30 ou 40 ans le volume d’intrants a été divisé par 5. Personne n’accepte d’en parler. Rappelons qu’en France le cheptel représente 13 milliards d’euros, en six ans il a baissé d’un milliard d’euros, les émissions de même ?

Question : En lisant la presse, en écoutant la radio ou en regardant la télévision il apparaît un réel manque de soutien financier et technique de base, ou bancaire.  Pourtant il semble difficile de financer un projet agricole sans un soutien financier adéquat du gouvernement et des banques ?

 Réponse : les subventions sont l’opium du peuple, c’est un moyen aisé de mener les foules. Il ne faut pas s’y tromper, les subventions n’ont jamais été faites pour aider l’agriculture, non, elles ont eu une seule raison d’être au cours des 30 ou 40 dernière années, c’est aider le pouvoir d’achat des français, ce qui a conduit à faire baisser la qualité de l’alimentation. Par exemple dans mon exploitation j’achète en 2023 les bêtes au même prix que mon père en 1979, énorme, non ? Car toutes les charges ont augmenté et les prix ont en fait été divisés par 2 ou 3. J’avais il y a 16 ans monté un projet de méthanisation avec l’ADEME, ça n’a pas pu aboutir parce qu’il y aurait eu refus de permis de construire pour proximité de domaine urbanisé. Maintenant j’ai un projet qui avance fort, celui d’une exploitation à énergie positive. Je dispose déjà de locaux avec une toiture solaire, je vais doter deux stabulations de toitures solaires pour être autonome au niveau énergétique, voire même de revendre de l’énergie. Nous devons agir, flécher les aides de l’état, la région, l’Europe vers la production et cesser de saupoudrer, il faut être efficace dans ce domaine.

Question : Mal être de la profession, difficultés économiques, difficultés de reprises, isolement, suicides ?

Réponse : ce mal être existe vraiment, il ne peut être nié ou caché. Mais cela pour diverses raisons, dans diverses circonstances. Bien entendu il y a le poids énorme de l’obligation de résultats face aux responsabilités humaines, financières, administratives. Mais il y a aussi ce que l’on peut appeler l’enfermement dans le monde du travail face aux challenges, face aux hostilités diverses et variées qui s’abattent sur le monde agricole (agribashing par exemple) et puis la solitude, on ne mesure pas à quel point elle touche le monde agricole, dans sa diversité, son éparpillement, ses contraintes. La solitude rend fou. Or notre métier c’est le contraire de la société actuelle qui mise tout sur l’instantanéité. Le paysan vit avec les cycles de la nature, il  donne du temps au temps car c’est la nature qui décide. Les bovins obéissent au temps, il faut un an pour devenir apte à procréer, c’est le cycle naissance/renaissance, les pâturages font de même. Personne ne peut cliquer sur une touche pour accélérer les choses.

 

Il y a encore beaucoup à dire sur tous ces sujets. Hugues Pichard a donné ses réponses à nos questionnements. Il va falloir encore creuser du côté des vétos, des maraîchers et compagnie pour disposer d’une image globale.

 

Gilles Desnoix

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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