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vendredi 18 mars 2016 à 08:18

Agriculture – Au salon de Paris, la consécration pour un éleveur d’Oudry

Déesse, la divinité charolaise



 

Certaines dates dans une vie comptent plus que d’autres. Celle du jeudi 3 mars 2016 restera à jamais comme l’aboutissement d’une carrière. Quand au salon de l’agriculture, le juge est venu donner une tape sur le cul de Déesse, Serge Vincent, éleveur à Oudry, a su qu’elle venait d’être désignée championne.

 

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A l’entrée du chemin, un panneau « Elevage Vincent ». Encore quelques décamètres à parcourir et la ferme, sans fioritures, se dresse au fond de la cour. Difficile d’imaginer qu’en ce lieu dit « Les Brosses », dans cette campagne typique de notre région, une reine, non pas une reine, une Déesse naquit un beau jour de janvier 2008, le 8 très précisément. Une star de la race charolaise était née. Et à la seconde où Serge Vincent a vu le petit veau paraître, d’emblée il s’est dit qu’il tenait, en quelque sorte, une pépite. C’est que notre paysan a l’œil et le bon. L’avenir lui donnera raison. Voilà pourquoi il n’a pas hésité un instant sur le nom : Déesse, la divinité charolaise. Aucun rapport avec une pseudo voiture, non moins célèbre par ailleurs, des années 50.

 

Deux douches par jour, coup de peigne et soins esthétiques

 

Déesse est l’élue. « Des bêtes comme ça, on n’en pas cinquante dans une carrière » glisse Serge Vincent qui, peu à peu, à 61 ans, glisse lentement mais sûrement vers la retraite. Mais pas avant que sa fille Claire, qui l’accompagnait à Paris pour le couronnement de Déesse et pas avant non plus que l’un de ses petits-fils, aient l’un et l’autre finalisé leur projet dans le monde paysan.

 

Aujourd’hui, dans la campagne d’Oudry, loin du tumulte du salon de l’agriculture à Paris, chez les Vincent, la vie a repris son cours. Déesse a retrouvé son étable, ses copains et copines, ils sont quand même deux cent cinquante. Sans doute regrette-t-elle la période qui précédait le concours, les instants où elle avait droit à deux « douches » par jour, le coup de peigne, les soins esthétiques à ses cornes et ses sabots. « Ah, elle était dorlotée » s’exclame Marie-Rose, l’épouse de Serge. Elle le valait bien !

 

Le grand stress de la finale

 

Les souvenirs du sacre dans la Capitale sont encore bien présents. Serge a tout en tête et ses yeux à l’évocation du concours, se plissent. Emouvant.

 

Un jour pas comme les autres que ce 3 mars 2016. Déesse était inscrite en section F5, vaches suintées, c’est-à-dire accompagnées de leur veau, nées avant le 1er décembre 2009. Déjà notre « star » fait l’unanimité et remportait le premier prix de sa section. En 2011, bien se suppléante, elle terminait à la deuxième place. Toujours placée (3 fois deuxième), manquait l’excellence, le grall, le titre suprême, celui qu’on décerne entre les vainqueurs des quatre sections. Les bêtes sont alignées. Serge Vincent, la voix encore chargée d’émotion raconte : « Le juge s’avance vers Déesse. Je n’osais pas regarder. Puis il lui tape sur le cul pour la désigner championne ». Ses premières pensées vont à sa femme, qui cette année est restée à Oudry pour assurer le travail de l’exploitation. A Maurice, un ami de l’Allier, absent également à cause d’une maladie. « Bien sûr, on est heureux et fier d’être paysan, d’être éleveur de charolais ». Une joie contenue toutefois puisqu’à Paris, tous les éleveurs arboraient un brassard noir en signe de désespoir.

 

« Nous voulions témoigner avec ce brassard que l’élevage se meurt tout doucement mais sûrement ». Serge se souvient aussi des félicitations de ses collègues, des dizaines de messages sur son portable. « Tenez regardez (il nous en montre certains) ». Son regard en dit long sur ce qu’il ressent encore aujourd’hui. « J’ai dit aussi à ma fille Claire sur le podium : profite de ce moment ». Que la vie est belle quand le bonheur est partagé.
Des retombées oui mais pas que !

 

A Oudry, Serge Vincent et sa famille sont arrivés en 1985. « Moi, je suis originaire de Sanvignes, j’ai quatre frères, tous agriculteurs et deux sœurs. Aux « Brosses », il est locataire et exploite une centaine d’hectares, « ce qui est peu en rapport à d’autres exploitations similaires à la nôtre » souligne le propriétaire de la championne. Qu’importe, sa réputation est faîte surtout dans la vente de reproducteurs qui ont entre huit et quinze mois, même si le marché est toujours fluctuant. « Une année de sécheresse, prix ou pas prix au salon de l’agriculture et les acheteurs se font plus rares ». Vivre décemment de son métier, le paysan d’Oudry y parvient « parce que nous n’avons pratiquement plus d’annuités d’emprunt (Ndlr : remboursements d’emprunt) » admet-il. Sa consécration à Paris va néanmoins amplifier sa renommée, qu’ici, le travail est bien fait et le bouche à oreille fera le reste.

 

Quel avenir pour Déesse ?

 

Reste une question qui nous taraude tous : que va devenir Déesse ?

 

Elle n’est pas à vendre et finira ses jours aux Brosses. A huit ans, elle peut espérer vivre encore quatre à cinq belles années. Quant aux concours, avec son titre, Déesse va laisser la place aux autres. Au mieux pourra-t-elle « remonter » à Paris l’an prochain et y recevoir la confirmation de son prix. A condition qu’elle soit en forme. Toujours est-il qu’elle est une adepte du voyage car dès qu’un bruit de camion lui arrive aux oreilles, elle est prête à grimper dedans. Que voulez-vous, Déesse adore Paris.

 

Jean Bernard

 

Ndrl : A Paris, Déesse n’était pas la seule. Serge Vincent présentait également Indiana avec ses deux jumelles Maguy et Méguy ainsi qu’une bête en présentation boucherie qui a trouvé preneur très vite.

 

 

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