Agriculture : médicaments vétérinaires à prix discount
Gare à l'antibiorésistance et aux dommages sur l'image de la viande charolaise
En Bourgogne, des médicaments vétérinaires sont vendus illégalement à prix discount à des éleveurs en tout genre (de volailles, porcs et bovins) qui les utilisent ensuite sans contrôle vétérinaire… ce qui pose un problème de santé publique.
Impossible de dire jusqu’à quel point l’ouest de la Saône-et-Loire et le Charolais en particulier sont vraiment concernés par cette dérive. Mais les vétérinaires charolais jugent bon de mettre en garde le monde politique et le monde de l’élevage.
Lundi 14 mai, les vétérinaires de Charolles ont reçu une visite de courtoisie d’élus de Gauche dont François Patriat, président du Conseil régional et vétérinaire de formation, et Édith Gueugneau, candidate aux législatives en campagne.
Ils en ont profité pour attirer leur l’attention sur un problème qui préoccupe actuellement leur profession : des médicaments vétérinaires sont vendus illégalement aux éleveurs par certains de leurs collègues qui ne suivent pas les élevages au plan sanitaire ; et ce sont les éleveurs eux-mêmes qui injectent les médicaments aux animaux, pas forcément de façon judicieuse…
La législation
Actuellement, c’est le décret « Prescription-Délivrance » de 2007 qui régit les relations entre éleveurs et vétérinaires. La prescription des médicaments ne peut être faite que par les vétérinaires qui suivent les élevages au quotidien.
Quant à la vente des médicaments vétérinaires, elle peut être réalisée soit par le vétérinaire lui-même soit par deux types d’ayant droit : un pharmacien (sur présentation d’une ordonnance) ou, pour certains médicaments listés officiellement, par un groupement d’éleveurs.
De plus, les vétérinaires ne peuvent prescrire des médicaments que pour les animaux dont ils assurent le suivi sanitaire tout au long de l’année et bien sûr, ils ne peuvent pas vendre des médicaments à des éleveurs dont ils ne suivent pas le troupeau.
Pour assouplir ce système, il est aujourd’hui permis à des éleveurs d’injecter eux-mêmes des médicaments à leurs animaux pour les pathologies les plus simples, mais toujours à condition que leur vétérinaire traitant ait fait un bilan sanitaire de l’élevage et ait établi un protocole de soins à suivre.
Bourgogne : quelques pratiques illégales avérées
Mais un peu partout en France, on a constaté ces dernières années des dérives illégales. Des vétérinaires vendent à des prix discount, des médicaments venant notamment d’Espagne à des éleveurs dont ils ne suivent pas le troupeau. Les éleveurs sont contraints d’acheter ces médicaments en grosse quantité et ils apprécient par eux-mêmes les dosages à administrer, ce qui aboutit souvent à une surmédication.
Jean-Pierre Damant, vétérinaire de Paray-le-Monial qui représente ses collègues au Conseil de l’Ordre régional pointe trois dangers : « Il peut y avoir des effets secondaires sur la santé des animaux. Des résidus peuvent aussi subsister dans les denrées alimentaires. Et, encre qui concerne les antibiotiques, c’est de nature à accroître l’antibiorésistance que l’on constate déjà chez les hommes, ce qui pose un véritable problème de santé publique ».
Ces pratiques illégales ont-elles gagné la Saône-et-Loire ? « Il est impossible de l’affirmer preuves à l’appui, répond prudemment Jean-Pierre Damant. Nous avons bien demandé à l’administration départementale compétente (la DDPP) d’effectuer les contrôles, mais en vain. La DDPP, nous dit-on, manque de moyens pour enquêter. Quant à nous, vétérinaires, nous n’avons pas de pouvoirs de police… »
Y a-t-il vraiment matière à s’inquiéter ? Les vétérinaires ne défendent-ils pas tout simplement leurs marges bénéficiaires ?
« En Bourgogne, fait observer Jean-Pierre Damant, des affaires ont abouti devant les tribunaux ces derniers mois à la suite de plaintes. Deux vétérinaires de Côte d’Or ont été condamnés pour exercice illégal de la médecine et, fin 2011, un troisième a avoué devant la Cour d’appel de Dijon avoir fait un chiffre d’affaires annuel de 26M€. Un tel chiffre d’affaires est impossible à atteindre sans s’adonner au commerce des médicaments. Et 26 M€ cela fait quand même un nombre respectable de flacons qui se baladent dans les élevages ! Je sais bien que ces médicaments ont pu être vendus bien au delà des frontières bourguignonnes et à toutes sortes d’élevages (pas seulement bovins). Il ne faut donc pas dramatiser la situation régionale. Mais nous avons quand même décidé de tirer la sonnette d’alarme auprès des élus pour qu’ils nous aident à y voir plus clair. S’il y a des dérives, même minimes, il faut y mettre fin rapidement et fermement, avant que le mal ne s’étende. Nous sommes attachés, autant que les éleveurs, à un système d’élevage qui produit de la viande bovine Charolaise de qualité. Personne n’a intérêt à ce que l’image de l’élevage Charolais soit ternie. »
Sans nier que le problème puisse exister, la FDSEA fait observer de son côté que, même à prix discount, les produits vétérinaires restent très coûteux et qu’il est bien improbable qu’il y ait une surmédicalisation, les exploitations ne roulant pas sur l’or et ne pouvant se le permettre. Ce ne peut être qu’un phénomène vraiment très peu répandu dans la région.
Néanmoins la vigilance s’impose. Risque sanitaire pour les consommateurs, risque économique pour les filières de productions animales, risque pour la crédibilité de la profession vétérinaire…
Personne n’a intérêt à ce que la situation ne dégénère et ne devienne incontrôlable.

François Patriat, président de la Région Bourgogne est venu le 14 mai à Saint Yan pour l'inauguration du hangar utilisé par le lycée Astier pour son Bac Pro "Maintenance aéronautique" et la réception officielle de l'avion de chasse Jaguar mis à disposition du lycée par l'armée de l'air. Puis, après cette inauguration, il est allé rendre visite à l'un de ses collègues vétérinaires de Charolles, Jacques Berger, en compagnie de Jacques Rebillard, conseiller régional, Christian Bonnot, conseiller général du canton de Charolles, et d'Édith Gueugneau, conseillère régionale PS et candidate aux prochaines élections législatives dans la 2e circonscription. M. Berger a reçu les élus avec ses collègues associés : Éric Salmson, Thierry Le Draoulec et Régis Urbini. Édith Gueugneau mène une campagne atypique, faite de réunions publiques ordinaires et de rencontres avec des petits groupes d'élus locaux et de professionnels qui lui parlent de leurs problèmes. Elle saisit chaque fois l'occasion d'exposer à celles et ceux qu'elle rencontre ce qu'elle pense être le rôle d'un député face aux problèmes qui lui sont exposés.