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jeudi 29 décembre 2016 à 09:26

Disparition (People)

Michel Déon vient de mourir à 97 ans Retour sur une carrière et un homme



Michel Déon est mort à l’âge de 97 ans. J’aimais l’écrivain, beaucoup moins l’homme et ses idées.

Mais, il n’en reste pas moins vrai qu’un des monuments de la littérature et de la pensée Française vient de disparaître.

Pour ceux qui avaient la vingtaine au début des années 70, « les Poneys sauvages » et « Un taxi mauve » restent comme un coup de poing au plexus. Comme il y a eu une nouvelle vague au cinéma, il y a eu dans ces années-là quelques auteurs marquants.

A cette époque, pour nous, le « Nouveau Roman » et ses auteurs attitrés ou presque, en France, commençait à perdre de son impact (Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Jean Cayrol, Michel Butor, Jean-Marie Gustave Le Clézio, Marguerite Duras, Claude Mauriac).

Michel Tournier (avec Vendredi ou les Limbes du Pacifique, Le Roi des aulnes, Vendredi ou la Vie sauvage, Les Météores), Michel Serres (avec Hermès I. La communication, Hermès II. L’interférence, Hermès III. La traduction, Jouvences, Esthétiques), Milan Kundera (La vie est ailleurs, la Valse aux adieux) et Soljenitsyne, bien sûr, absolument, nous passionnaient vraiment beaucoup plus.

Mais qui ne fut pas happé par la lecture des Poneys sauvages et d’un taxi mauve.

Ce fut un grand écrivain romancier, dramaturge et qui resta éternellement ce « Jeune homme vert » au travers de son habit d’académicien français. Il a publié quasiment 70 ouvrages en 70 ans.

Certains de ses romans comme Le Balcon de Spetsai et Les Rendez-vous de Patmos nous diront son inclination à «l’islomanie» lui apportant l’impassibilité et la paix intérieure. Et depuis des décennies il vit dans une grande ile, l’Irlande. D’ailleurs il s’est amusé à glisser un personnage irlandais dans chacun de ses romans.

« Je ne veux jamais l’oublier » et « Je vous écris d’Italie », ces deux romans écrits à 34 ans d’écart nous disent l’infatigable voyageur qu’il fut. Cela se retrouve également dans « Mes arches de Noé » et « Bagages pour Vancouver ».

Ce « hussard », opposé dès le départ à « l’existentialisme », anticommuniste farouche, anar de droite, se décrivant comme un nomade sédentaire, que bien souvent on présentait comme le romancier du bonheur (alors que comme le chantent les Rita Mitsouko, ses histoires se terminent mal en général) n’a jamais renié ses idées particulières ni sa part sombre.

Cet homme né Edouard Michel, le 4 août 1919 à Paris, dont le père fut conseiller du Prince de Monaco, a pris son nom comme prénom et s’est drapé ensuite dans l’ambivalence du Chevalier.

Difficile de qualifier vraiment le style, l’écrivain. On retiendra quand même la richesse et la variété des thèmes abordés, le style nerveux, ramassé, lumineux.

Ce grand sceptique est souvent qualifié de romancier autobiographe, lui disait plutôt qu’il s’agissait de romans d’imagination comportant des éléments de sa vie personnelle. Il s’interrogeait «que pourrait-on écrire si on n’avait rien vu et rien lu ? »

En novembre 1942 il devient en zone sud, secrétaire de rédaction à L’Action française auprès de Charles Maurras, il fut Privé pour deux ans de carte de presse à la Libération.

Cette période le marqua beaucoup et forgea ses sentiments et ses inclinations politiques.

Il fustigeait ce qu’il appelait la nomenklatura littéraire de la République coupable à ses yeux d’adhérer à des idées détestables : la résistance, l’anti colonialisme, le gaullisme, etc.

Pourtant si l’on différencie bien l’homme et ses penchants de l’écrivain romancier, dramaturge, on ne peut que comprendre que la France puisse penser qu’elle vient de perdre un immense homme de lettres.

Gilles Desnoix

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