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mercredi 21 janvier 2015 à 06:26

Avec la Maison d’Ecole (Sortir)…

Aujourd’hui Création, organisation et fonctionnement des bataillons scolaires



 

Aujourd’hui  

Création, organisation et fonctionnement 

des bataillons scolaires

 

 

La préparation des corps 

 

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« Méthode de lecture cours préparatoire-livret 2 » Cuissard, première édition 1900
Exposition temporaire du musée : « Quand tu seras soldat »

 

 

La loi du 28 mars 1882 met la gymnastique et les exercices militaires au nombre des matières d’enseignement des écoles primaires publiques de garçons :

« Art. 1 L’enseignement primaire comprend :
1°) l’instruction morale et civique
2°) la lecture et l’écriture

………
9°) la gymnastique
10°) pour les garçons : les exercices militaires
pour les filles, les travaux d’aiguilles ».
L’existence légale des bataillons scolaires est reconnu par un décret en date du 6 juillet 1882. Un arrêté du 27 juillet 1882 précise leur constitution dans les communes. Les exercices des bataillons ne pourront avoir lieu que le jeudi et le dimanche, le temps à y consacrer sera déterminé par l’instructeur militaire de concert avec le directeur de l’école. L’engouement est certain parmi la population en général. A partir de 1889, l’instructeur militaire désigné par l’autorité militaire pourra être l’enseignant qui sera souvent un sous-officier ou un officier de réserve.

Aux instituteurs, le 15 avril 1884, Paul Bert dira : « Nous devons faire, par une éducation à l’école commencée par vous, continuée au régiment avec vous, de tout enfant un citoyen, de tout citoyen un soldat. »

Le bataillon est organisé militairement, les élèves portent un uniforme qui est une copie de celui des bataillons parisiens (le béret à pompon est emprunté aux marins). Le matériel préconisé par le ministère de la Guerre est spécialement fabriqué et adapté pour les jeunes garçons de 12 à 14 ans : mini clairons, petits tambours et répliques réduites des fusils GRAS et LEBEL de l’époque. Certains sont en bois pour l’apprentissage du maniement d’arme et les défilés, d’autres peuvent tirer des projectiles de petits calibres pour les exercices de tir des élèves.

Ces soldats en herbe obtiennent des récompenses (médailles de vermeil, d’or, d’argent ou de bronze) décernées par le ministre de la Guerre, et défilent à l’occasion sous le regard attendri des badauds. Badauds qui devaient conserver un souvenir ému du premier de ces défilés à Paris, le 14 juillet 1882 (redevenu Fête Nationale en 1880).

 

Il est vrai que ce fut un énorme succès populaire. La presse républicaine était enthousiaste : « Les petits soldats portent une vareuse et un pantalon bleu sombre et sont coiffés d’un béret de même couleur à pompon rouge, l’ensemble commode et élégant, rappelant le costume des mousses de la marine. (On n’oublie pas que les marins ont défendu Paris en 1870-1871, ni qu’ils sont les principaux héros des conquêtes coloniales de la 3ème République). Dans l’après-midi, le bataillon s’était réuni au square Monge et, précédé d’une escouade de sergents de ville qui faisait ouvrir la foule, il est arrivé, tambours et clairons en tête, vers 5 heures sur la place de l’Hôtel de Ville.

 

Des masses énormes de curieux entouraient la place et les fenêtres et les balcons étaient surchargés ; une immense acclamation et des applaudissements ont salué l’entrée de la jeune troupe (…). Les petits soldats ont exécuté divers exercices, puis ils ont défilé. Ce qu’on a pu obtenir d’eux en trois mois d’exercices a émerveillé tout le monde ». Les campagnes ne sont pas en reste et les républicains exultent, l’un d’eux écrit à son député, M. Turquet : « Nous avons fêté le 14 juillet et le buste de la République a été promené, par le régiment scolaire, par tout le village. Revue, jeux, exercices, illuminations, bal : nos enfants ont bien payé de leur peine. La République doit être fière de sa jeune génération. Encore 10 ans et elle sera invincible. Que c’est beau la fête de la Patrie ! Comme le cœur est touché ! ».

Avec l’apprentissage et l’utilisation du fusil scolaire, les fabricants d’armes essaient d’emporter le marché lucratif de leur vente. Des théories militaires sont imprimées, qui permettent aux instructeurs et aux instituteurs d’entraîner correctement leurs troupes. Les bataillons participent à toutes les grandes manifestations publiques.

 

Mais ils se préparent surtout, comme à Paris, au défilé du 14 Juillet qui constitue l’apothéose de la préparation. Les bataillons scolaires sont en marche, ils chantent des chansons patriotiques composées spécialement pour eux : les paroles de ces airs sont souvent tirés d’un manuel de musique édité en 1886 dont les paroles sont de H.

 

CHANTAVOINE et la musique de MARMONTEL : « À la Patrie, nous donnerons dans dix ans une jeune armée AGUERRIE. Bataillons de l’ESPERANCE, nous exerçons nos petits bras à venger l’honneur de la France. »

 

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« Enfants jouant à la guerre. » Dessin anonyme illustrant le poème de Victor de Laprade (1812-1883) publié dans « Le livre d’un père », repris dans « Le Français par les textes : lecture expliquée, récitation, grammaire… Cours élémentaire et moyen » de Victor Bouillot. – Paris, Hachette, [Ca 1910].
Exposition temporaire du musée : « Quand tu seras soldat »

En 1886, année où on enregistre les effectifs les plus élevés, 146 bataillons sont constitués et reconnus par le ministère de l’Instruction, 49 départements sur 87 ont un ou plusieurs bataillons, 43326 élèves sont incorporés dans ces bataillons. Ce nombre de 49 départements est trompeur, il ne signifie pas qu’aucun bataillon n’existe ailleurs.

 

En effet, chaque année, les Préfets demandent aux autorités académiques de chaque département de signaler les bataillons constitués selon les instructions (notamment le respect du nombre de 200 élèves, peu souvent atteint), souvent, les Inspecteurs renvoient un état néant car aucune commune ne répond aux exigences. C’est le cas de la Saône-et-Loire malgré les nombreuses délibérations de Conseils municipaux républicains qui demandent la reconnaissance de leur bataillon et l’obtention du drapeau, en vain…

 

On trouve malgré tout, aux archives départementales de Mâcon, la presque totalité des récépissés de réception des trois fusils de tir réel dont sont dotées toutes les communes. Il ne s’agit cependant pas de décevoir les ruraux républicains et un arrêté est promulgué le 20 décembre 1882 en faveur des enfants des petites écoles dispersées dans les campagnes. Autorisation leur est donnée de recevoir l’instruction militaire même s’ils ne sont pas assez nombreux pour former un bataillon.

 

La question du dépôt aux bataillons scolaires d’un drapeau officiel venu du Ministère est primordiale. Jules Ferry en personne, vient apporter la bonne parole aux 650 élèves du premier bataillon scolaire de Paris, le 13 juillet 1882 en leur disant : « Sous l’apparence d’une chose bien amusante, vous remplissez un rôle profondément sérieux : vous travaillez à la force militaire de la France de demain ». Le drapeau est le symbole de la République et, à ce titre, les plus hautes autorités gouvernementales ne veulent pas dévaloriser le geste de sa remise. Une circulaire aux Préfets, en 1883, rappelle que c’est un honneur de recevoir le drapeau de la France au nom du chef de l’Etat, à l’occasion de la Fête Nationale et que la distribution doit se faire avec une sage réserve. Pour le 14 juillet 1882, 39 bataillons recevront leur drapeau. Etonnant quand on pense que le décret de formation de ces derniers ne date que du 2 juillet 1882, c’est-à-dire huit jours avant !

 

Des initiatives locales auraient-elles précédé la loi ?

 

Donner une éducation morale, physique et militaire dans les écoles est ce que recherche l’institution de ces bataillons scolaires. Dans les écoles primaires, l’enthousiasme est certain, mais on constate avec le temps, un essoufflement du patriotisme scolaire dont les manifestations avaient été d’une grande ferveur jusque vers 1884-1885. De plus, ces bataillons ne remportent pas un grand succès dans l’enseignement secondaire.

L’esprit guerrier et de sacrifice, lui, restera présent dans les écoles de la République jusqu’à la fin de la Grande Guerre. Cet idéal que l’on pourrait qualifier de spartiate, était relayé par la majorité des pédagogues, hommes et femmes confondus, convaincus de la nécessité absolue du départ de leur enfants au combat :

« France ! Veux-tu mon sang ?
Il est à toi ma France !
S’il te faut ma souffrance,
Souffrir sera ma foi.
S’il te faut ma mort, mort à moi
Et vive toi,
Ma France!

Extrait repris d’un texte de Delaprade dans « Jean et Lucie, histoire de deux jeunes réfugiés. La Guerre racontée aux enfants. » Livre de lecture pour les cours moyen et supérieur, par Mme Dès. Paris, F. Nathan, (1919), « La France Immortelle ».

Cet appel au sacrifice suprême, si présent pendant les quatre années du conflit 1914-1918 fut l’aboutissement d’une longue préparation commencée dès la naissance de l’école publique. Cette idée ainsi bien ancrée dans les esprits, a peut-être permis l’acceptation de cette Guerre si dévoreuse d’hommes.

Un manuel, paru en 1896, insiste sur les bienfaits des exercices physiques : « en s’y livrant…on est bon pour tous les métiers, sans parler de celui de soldat, que tout le monde doit être capable de faire et dans lequel on court le risque de se faire tuer quand on n’est pas leste et fort ». Ainsi se crée le mythe de l’invincibilité des guerriers.

 

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Bataillon scolaire de Naintré, exposition temporaire du musée : « Quand tu seras soldat »

 

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Bataillon scolaire de Naintré, exposition temporaire du musée : « Quand tu seras soldat »

 

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Bataillon scolaire de Naintré, exposition temporaire du musée : « Quand tu seras soldat »

 

Le tir scolaire :

L’Arrêté du 6 juillet 1882 organisait l’exécution des exercices de tir réservés aux élèves de plus de 14 ans bien que les Ecoles Primaires Supérieures, les collèges et les lycées aient déjà été doté de trois carabines avec leurs munitions depuis fin 1881-début 1882 (lesquelles devaient être stockées dans la gendarmerie ou dans la caserne de la localité la plus proche). Il s’agissait d’exercer les jeunes gens au maniement de l’arme devant la cible, de surveiller le pointage et d’enseigner les positions réglementaires. Au cours de l’année, les élèves pouvaient tirer 30 balles : 5 exercices de 6 balles. Toutes les précautions étaient prises et il était recommandé aux généraux, commandant les subdivisions, de mettre, si possible, les champs de tir à disposition. Pour l’anecdote, lors de leur retrait définitif des écoles, ces armes seront cédées en grande partie aux forains qui, jusqu’à peu, les utiliseront dans leurs stands.

Le tir se pratiqua au début avec des armes de type « Flobert » comme le fusil système « Gras », modèle 1874, plus petit que le fusil réglementaire, calibre 6 mm, à douze mètres (longueur : 1.06 m et poids : 2.700 kg), et du même fusil en calibre de 11 mm (longueur : 1.14 m et poids : 2.400 kg) munis de cartouches spéciales. Le modèle « Gras » le plus répandu est cependant le fusil de parade scolaire factice « Lens P.D.C », longueur du canon : 71.5 cm, longueur totale : 113 cm, fusil destiné aux bataillons (fusil figurant sur les photographies de l’article et visible au musée).

 

Rapidement, le ministère de l’Instruction publique met en place une commission chargée de l’application du tir scolaire, elle a pour rôle de fixer des règles précises et d’« élaborer un règlement de tir et faire choix de l’arme qui lui paraîtrait la plus propre à être mise en usage dans les écoles. » Cette commission ouvre un concours pour la fabrication d’une arme d’instruction ; sur dix modèles proposés pour homologation, deux sont retenus conforme au fusil d’infanterie modèle 1886, plus connu sous le nom de fusil Lebel en 8 mm : la carabine dite « scolaire » toujours de type « Flobert » et la carabine « La Française », calibre 6 mm, présentée par l’Union des Sociétés de Tir de France (longueur : 1.07 m et poids : 2.100 kg, visible, elle aussi au musée et présentée précédemment dans l’article « le fusil scolaire »).

 

Le « Chassepot » servira à l’enseignement du tir dans les sociétés. C’est la réduction réglementaire du fusil de guerre du même nom, au calibre de 6 mm.

Certaines de ces armes sont équipées d’une baïonnette identique à celle des fusils d’origine, mais de plus petite taille. La lame est du type réglementaire, mais réduite en longueur et en épaisseur. On a arrondi l’extrémité pour la rendre inoffensive. Le dos porte l’inscription « L. Deny Paris ». Le fourreau est en tôle d’acier bronzé, à bouton de suspension ovale.

En 1895, une instruction officielle « relative aux exercices de tir à la carabine « Flobert » dans les écoles communales » constitue un véritable traité du tir scolaire. Celui-ci sert de guide aux instituteurs pour l’installation des stands, le choix des armes, leur mécanisme et les règles à observer dans la pratique du tir. Un « Manuel de Tir Scolaire » était encore en vigueur en 1924, date de sa réédition.

Dès 1889, le tir est placé sous la direction exclusive de l’instituteur et l’enseignement doit être donné dans les locaux scolaires. La plupart du temps, les stands de tir sont aménagés dans les préaux des écoles ou dans un coin de la cour d’une manière simple : un porte-cible installé à douze mètres et au pas de tir une tablette. La partie théorique de la leçon concerne les armes, la visée, la sécurité et les munitions, une leçon plus pratique concerne le maniement des armes et les positions de tir ainsi que la préparation physique du tireur, puis vient le tir pratique au stand. C’est dans les départements du nord de la Loire et dans l’est de la France que le « Tir Scolaire » a été le plus répandu. Certaines communes du département de l’Oise avaient encore des écoles pratiquant le tir scolaire à la fin des années 1920, bien au-delà du conflit qui justifiait son existence.

A partir de 1896, bien que les bataillons scolaires aient disparu, un championnat annuel de tir scolaire des écoles primaires, approuvé par le ministère de l’Instruction publique, est organisé par l’Union des sociétés de Tir de France. Au niveau départemental, on en retrouve toujours la trace en Saône-et-Loire durant les quatre années de la Guerre 14-18 (Bulletins de l’Instruction), bien qu’à l’échelon national, il ait dû être annulé en 1915.

L’introduction du tir à l’école primaire avait donné une impulsion à cette pratique et avait donné très vite naissance à des sociétés de tir scolaire qui se joindront aux sociétés de tir adulte par la suite.

 

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Stand de tir après 1900-Collection privée

 

Patrick PLUCHOT
Président de la Maison d’Ecole
Collection Ecomusée de la CUCM-Musée de France

 

Article extrait de : « Quand tu seras soldat », livret de l’exposition temporaire en vente au musée, 40 pages, 5 euros.

 

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