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dimanche 10 mai 2015 à 08:45

Sujet d’actualité

Aller au restaurantpour manger du "Fait Maison"



 

 

 

Aller au restaurant

 

pour manger du « Fait Maison »

 

 

 

En 1990, la ménagère mettait, en moyenne, une heure pour préparer le repas. En 2015 la moyenne est tombée à trente minutes. Les fours vont plus vite, les poêles saisissent mieux ?

 

 

 

Que nenni. Il y a de moins en moins de cuisine maison dans nos assiettes et de plus en plus de plats préparés, de pizzas et autres cordons bleus pâteux. Dans le pays de Curnonsky, de Bocuse, de Ducasse peut-on concevoir ça ? Bien sûr on peut accuser la ménagère, le désir ou l’obligation du travail des femmes. Evidemment on peut aussi pointer le travail partiel ou parcellisé. Même nous pourrions nous insurger contre les rythmes scolaires. Mais autant jeter la poêle parce que la viande est trop cuite.

 

 

 

Qui depuis plusieurs décennies nous inonde de publicités plus alléchantes les unes que les autres, qui nous propose de ne plus faire d’effort pour se nourrir, qui en communicant sur la santé nous propose des plats tous faits qui ne sont pas forcément nos amis pour la vie ? Les géants de l’agroalimentaire.

 

 

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Une fois que nous avons dit ça nous n’avons rien dit de révolutionnaire. Mais constatons que chez soi, à part exception, chez les autres, sans exception( ?) on mange de moins en moins gastronomiquement et de plus en plus de sucre, de gras, de sel, de E quelque chose.

 

 

Et là encore c’est dans l’environnement domestique. Mais qu’en est-il dans le domaine mercantile ? Dans les restaurants, crêperies, brasseries, bouchons et autres auberges ? Payer ce que l’on paye pour manger les mêmes choses qu’à la maison présentées (pas toujours) autrement, c’est un peu fou, vu la douloureuse, souvent trop salée, (depuis l’Euro ?).

 

 

Lorsqu’autour d’un verre de l’amitié avant de rigoler en trempant son morceau de pain dans le fromage fondu la famille discute de bouffe –on n’en parle jamais autant que devant son assiette- les mêmes constats navrés reviennent sans cesse en ce qui concerne la malbouffe, la progression de l’obésité, la disparition du goût, les Fast Food (où beaucoup entrainent leurs gosses), les souvenirs émouvants des tartes de Mémé Huguette ou des bons petits plats de Tatie Germaine. Mais ce qui émaille le plus les discussions c’est l’échange de bonnes adresses ou de gargotes à éviter absolument.

 

 

 

Un des critères les plus utilisés est celui du naturel et du frais. Chaque resto, Kebab, croissanterie, sandwicherie, crêperie, saladerie (eh oui, même elles), bar à viande, bar à soupe, bouchon est soupçonné de servir du « tout prêt », du surgelé, du lyophilisé, de la viande sans viande, du cheddar sans cheddar, de la salade fanée, du pain sans farine, etc.

 

 

Alors quand le gouvernement Français décide de prendre la casserole par la queue naît un label de derrière les fagots. Le « Fait Maison ». C’est fou d’en arriver là, comme pour les artisans boulangers et les marchands de pain.

 

 

 

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Comme d’habitude en France, quand on lance un truc il ne tarde pas à vous retomber aux pieds pour être relancé aussitôt sous une autre forme.

 

Donc le label « Fait Maison » a pris son envol cahin-caha le 1er juillet 2014. Puis dix mois après un décret simplifiant le label entre en vigueur ce vendredi 8 mai après avoir été publié au Journal Officiel hier.

 

Mais qu’est-ce que ce Label, que recouvre-t-il, que protège-t-il ? Est-ce un placébo ou une vraie avancée gastronomique ? Vaste question comme aurait dit le Général.

 

 

La mention «fait maison» ne peut s’appliquer qu’à un plat entièrement cuisiné sur place et à partir de produits crus. Dans le premier décret de 2014 cela s’appliquait qu’aux plats élaborés en cuisine à partir de produits bruts.

Vous voyez le schmilblick ? Les restaurateurs ne pourront plus utiliser de produits industriels précuits ou de fruits et légumes sous vide et surgelés. Nous nous approchons de la vérité du fourneau. Donc l’an passé nous pouvions payer plus cher pour du « fait maison » en partie fait ailleurs. Dorénavant le « fait maison » sera fait sur place avec des produits crus, donc n’ayant pas été transformés ailleurs.

 

 

 

On avance les enfants, bientôt on pourra même manger au rythme de la nature, vous savez « Menu du Marché selon arrivages du jour », une vrai cuisine de saison.

 

 

 

Notre Secrétaire d’État chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Économie sociale et solidaire (un peu long, copieux comme un mézé) s’exprime sur le sujet : «les deux objectifs de ce décret révisé sont de reconnaître la cuisine des plats faite sur place et de donner un gage de transparence pour le consommateur sur l’authenticité de la cuisine réalisée par les restaurateurs».

 

 

 

Compliqué comme de la cuisine moléculaire. « Reconnaître la cuisine des plats faite sur place. ». C’est un peu comme pour le vin, on privilégie l’espèce au savoir-faire. C’est la grande mode mondiale, on met en avant le cépage plutôt que le terroir. Dans le cas présent on va privilégier les ingrédients (même si c’est très bien de veiller à leur qualité gustative, nutritionnelle et hygiénique) plutôt que l’art du cuisinier.

 

 

 

Et pour ceux qui vont cuisiner comme des pieds des produits excellents (et dieu sait s’il y en a, nous en connaissons et évitons tous) en quoi va-t-on reconnaître quoique ce soit de la cuisine des plats faite sur Place ?

 

 

 

« Donner un gage de transparence pour le consommateur sur l’authenticité de la cuisine réalisée par les restaurateurs » Qu’est-ce que l’authenticité de la cuisine ? Parle-t-on de l’assemblage ou des produits utilisés ? Ce n’est pas la même chose. Il y a en France, et dans l’Europe en Général, un large mouvement de recherche d’authenticité des filières, des circuits et des produits.

 

 

Dans l’hexagone il existe en plus un désir profond et historique de préservation des savoirs faire et des terroirs.

 

 

Donc afficher une réelle authenticité des produits ne peut que recevoir l’approbation. Mais si l’on s’en tient à la notion de cuisine comme acte ou comme procédé, qu’entend-on par authenticité ? Il convient que seuls des professionnels diplômés et reconnus interviennent dans l’élaboration, que seul des matériels et des matériaux homologués et professionnels soient utilisés ? Qu’en est-il du Food-truck, des camions Pizza, des guinguettes de bord de l’eau, des barbecues dans les brocantes ou les foires et les comices qui nous servent des produits frais, non surgelés, ni lyophilisés, ni déjà transformés ? Et il y là de vrais artisans respectueux du produit et des clients.

 

 

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La transparence affichée se base sur la confiance que l’on peut faire à la traçabilité. Or les scandales à répétition sur la viande de cheval nous apprennent que cette confiance est forcément limitée. En plus dans tous les restaurants vous ne disposez pas des fiches navettes « de la fourche à la fourchette » aussi bien pour les produits animaliers que laitiers ou maraichers.

 

 

 

Et même si vous pouvez suivre la carotte depuis la graine jusqu’à la fane, vous ne savez pas forcément si le mode de culture invoqué est conforme aux normes et à ce qui vous en est dit, vous ne savez pas si son mode de conservation et de transport lui a laissé toutes ses qualités, vous ne savez pas, avant d’en avoir ingurgité une rondelle, si elle n’a pas été cuisinée par un gougnafier.

 

 

Convenons que si le but poursuivi est noble, la manière de le présenter en novlangue reste peu authentique et surtout peu transparent. Mais j’avoue, je fais mon grognon face à une idée intéressante dont on se demande bien si elle débouchera vraiment sur un plus en ce qui concerne l’amélioration du service rendu et de la déontologie restauratrice.

 

 

 

En plus il existe quand même des obstacles à sauter, des freins à desserrer. Comme le dit Didier Chenet, président du syndicat Synhorcat: «Très peu de restaurateurs ont les moyens d’embaucher un commis pour s’occuper uniquement d’éplucher les fruits et légumes.».

 

 

 

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Il souligne aussi que se fournir quotidiennement en produits frais n’est pas possible sur l’ensemble du territoire national pour moult raisons et surtout à cause de circuits d’approvisionnements déficients ou inexistants. Dans ce cas la seule solution pour sauver leur affaire, leur restaurant, c’est d’en revenir aux produits transformés, lyophilisés ou surgelés et donc de perdre leur label.

 

 

 

A ce niveau il faut aussi parler de la démarche HACCP installant un système qui identifie, évalue et maîtrise les dangers significatifs au regard de la sécurité des aliments (NF V 01-002) et qui s’intéresse aux 3 classes de dangers pour l’hygiène des aliments: les dangers biologiques (virus, bactéries…), les dangers chimiques (pesticides, additifs…), les dangers physiques (bois, verre…). Là aussi en qualité de client, même en allant visiter les toilettes avant de passer commande, vous avez peu de prise sur la réalité des lieux même si ils disposent du label « fait maison ».

 

 

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Dans cet ordre d’idées le décret n° 2015-447 du 17 avril 2015 relatif à l’information des consommateurs sur les allergènes et les denrées alimentaires non préemballées vient caramboler le décret du Label fait maison. Il prévoit que « Dans les lieux où sont proposés des repas à consommer sur place, est porté à la connaissance du consommateur, sous forme écrite, de façon lisible et visible l’utilisation dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire de tout ingrédient ou auxiliaire technologique ou dérivé d’une substance ou d’un produit provoquant des allergies ou des intolérances, et encore présent dans le produit fini, même sous une forme modifiée. »

 

 

Comment un chef peut-il dresser la liste des produits ou agents allergènes contenus dans ses plats fabriqués à base de produits crus et frais ? Et comment séparer le risque dû à un agent allergène et une allergie croisée dont la substance contenue dans une sauce ne serait qu’un infime composant ? Il y a là source de réelles difficultés et surtout de judiciarisation.

 

 

Et pourtant c’est le même ministère et le même secrétariat d’Etat qui ont rédigé les deux décrets.

 

 

Mais, bon, souhaitons longue vie au Label et surtout qu’il apporte les fruits attendus, pas comme la baisse de la TVA qui devait créer des tonnes d’emplois.

 

 

Si cela peut aider la relance économique soyons pour…

 

 

 

Gilles Desnoix

 

 

 




 

 

 

 



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