Autres journaux :


mardi 30 décembre 2014 à 08:00

Du côté de la librairie…

Envie de lire…pour réfléchir à 2015



 

 

Envie de lire…

pour réfléchir à 2015

 

 

Au fil des années, la lecture m’a souvent permis de découvrir d’autres mondes, de comprendre d’autres vies et de m’interroger sur des événements ou des cultures très éloignées de la mienne.

 

 

 

A travers les livres, sûrement moins parfaitement que grâce à des voyages sur le terrain j’en conviens, la possibilité m’est donnée de prendre conscience du monde qui nous entoure et d’en tirer des enseignements.

 

En cette fin d’année, qui comme toutes les autres a connu son lot de changements politiques, de drames humains mais aussi de belles découvertes, j’ai envie de vous proposer trois livres ô combien d’actualité, qui peuvent nous apporter des éclaircissements sur des événements que le monde a vécu en 2014. Leur lecture offrira à ceux qui le désirent une nouvelle vision de pays déchirés par les conflits, une traduction des coutumes vue de l’intérieur. Elle nous invite, pour l’année à venir, à tenter de sortir de nos préjugés sur les autres, à abandonner nos clichés sur les étrangers et ceux dont nous méconnaissons la vie, et à nous forger notre propre opinion.

 

Je vous laisse donc, en guise de cadeaux de fin d’année et surtout comme étrennes de celle qui s’annoncent, ces 3 œuvres qui parlent de la Syrie, de l’Afghanistan et d’Israël.

 

Bonne année à tous !

Véronique Décrenisse-Kieny

 

Folio vient de rééditer le premier reportage de Jospeh Kessel, publié en 1926, sur les quelques semaines qu’il passa en Syrie en tant que grand reporter. A l’heure où Assad détruit les fameux « jardins de Damas », les articles qu’il avait écrits à l’époque sont d’une incroyable actualité. Il va nous faire découvrir les différentes composantes du peuple syrien, alors sous administration française. Par cet éclairage historique, on comprend mieux certains déclencheurs actuels : « Il y a en Syrie trois pôles de culture et de force. A l’ouest, le long de la côte et à l’intérieur du Liban, les chrétiens ; dans le Sud et le Sud-Est, les Druses ; dans tout le reste du pays : les musulmans. […] Ces deux groupes [les chrétiens et les Druses] forment chacun un bloc, résolu à défendre ses intérêts et ses traditions. Entre eux, la masse islamique informe, patiente, attend une impulsion venue d’elle ne sait où. Des mouvements spasmodiques la parcourent de temps en temps. C’est qu’un inspiré a passé dans une ville…[…] Tous les espoirs sont permis à ceux que hante une haute ambition ».

 

A cette époque, il avait intitulé ce reportage « Le temps de l’espérance ». On aimerait pouvoir lire ce titre aujourd’hui…

 

livre 3012144

 

Joseph Kessel. En Syrie. Paris : Folio, 2014. 88 p.

 

 

« Lire ce témoignage, c’est comprendre l’Afghanistan tel qu’il existe aujourd’hui ». Belle autobiographie que celle de Qais Akbar Omar, âgé de 9 ans au début des années 90. Il vit alors à Kaboul avec ses parents, frères et sœurs, oncles et tantes, et son grand-père à qui il voue une profonde admiration. Les moudjahidines vont débarquer dans leur vie, mettant la ville à feu et à sang. A travers les batailles des factions rivales, Qais et sa famille fuient dans un ancien fort sur les hauteurs de Kaboul, puis se voient contraints de poursuivre leur chemin face à la violence des combats. Tour à tour réfugiés dans des villages afghans ou dans des habitats troglodytes, puis nomades avec leurs cousins kouchis, la famille va revenir dans la capitale et découvrir le règne absurde des talibans. Qais devront vivre cachés, voilés, humiliés, soumis aux allégations des fanatiques et à leurs règles inapplicables. Quel choix faire : partir ou rester, sachant que même la fuite est quasi impossible.

Qais nous livre ici un témoignage poignant mais rempli d’amour pour son pays, sa culture, ses origines qui défend comme le plus beau des jardins. Un livre à lire pour comprendre de l’intérieur la situation afghane et peut-être relativiser certains faits européens.

 

livre 3012142

Qais Akbar Omar. Kaboul était un vaste jardin. Paris : Robert Laffont, 2014. 425 p. 22 €

 

Pour terminer cette rubrique, voici le curieux roman d’une jeune israélienne de 26 ans, Shani Boianjiu. Elle y retrace la vie de trois jeunes israéliennes fantasques, camarades depuis l’école primaire, qui s’ennuient sous les tirs de roquettes et ne connaissent que les frontières de barbelés de leur « petit pays ». Tour à tour, nous suivons (un peu difficilement par moment car l’écriture est très riche, âpre et sombre) l’autoritaire Léa, l’espiègle Yaël et la sombre Avishag. A dix-huit ans, elles vont découvrir le monde brutal et sans avenir de l’armée pour effectuer leur service militaire. Léa est posée à un checkpoint en Cisjordanie, Yaël entraîne les soldats au maniement des armes, Avishag surveille la frontière égyptienne. Elles reviendront changées de ses années terribles, plongées dans la violence et l’insécurité permanente de ce pays en état d’alerte. Les trois jeunes femmes tenteront par tous les moyens de vivre leur vie et de se forger une identité.

 

Très rude, ce premier roman constitue une véritable plongée dans un quotidien insoupçonné : celui de ces jeunes, tous pays confondus, qui vivent des situations quotidiennes de violence, de manque d’intimité, de violation du droit le plus simple : la sécurité. Drôle de paradoxe dans un pays qui ne vit que par la sécurité.

 

livre 3012143

Shani Boianjiu. Nous faisions semblant d’être quelqu’un d’autre. Paris : Robert Laffont, 2014. Coll. Pavillons. 320 p. 21 €

 

 

 

 

 

 

 



Laisser un commentaire

Vous devez être connecté pour publier un commentaire.


» Se connecter / S'enregistrer