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dimanche 2 août 2015 à 09:21

De Rotterdam à Marseille par péniche, c’est cool

Vous avez un moment à consacrer à ce sujet ? Oui ? C’est bien…



Vous êtes attentifs, si, quand même, vous êtes attentifs, vous avez lu, dans nos excellentes colonnes, le communiqué de Cécile Prudhomme, tête de liste EELV aux élections régionales, intitulé « Grand canal, grande erreur ». Donc le commentaire de Canalou n’a pu vous échapper, puisque vous êtes attentifs.

 

 

 

En lisant le communiqué je me suis remémoré les apéritifs pendant lesquels la conversation s’égare sur l’aménagement du territoire. « Mais si je t’assure tu peux venir de la mer du nord à Montceau et gagner la méditerranée par le canal du Rhône au Rhin, reprends des olives à la grecque avec ton rosé. »

 

 

Au fromage, c’est déjà « puisque je te dis que dans le port de Montceau il y a des bateaux qui viennent Rotterdam par le canal du Rhin au Rhône, dépêche-toi de prendre de l’Epoisses avant qu’il ne s’échappe du plateau. ».

 

 

En fait en lisant le communiqué et son commentaire, ma propre insignifiance m’a frappé d’un coup de gouvernail intempestif. Je parle régulièrement du canal du Rhône au Rhin et je croyais bêtement qu’il avait été réalisé mais en plus petit. Et voila que l’on me met le doute dans mes certitudes fluviales et mon arrogance à tout savoir.

 

 

« Entre moi, j’m’est dit » que sais tu vraiment sur le sujet et qui à tort ou raison ? En réalité on s’en moque un peu de savoir qui à tort ou raison quand on ne sait pas vraiment de quoi on parle. C’est vrai que l’on somme sans cesse nos contemporains d’avoir un avis sur tout, alors que, comme disait Coluche, ils ont surtout un avis. Ce qui vaut aussi et surtout pour moi.

 

 

Donc, du coup, ni une, ni deux, ni rien d’autre d’ailleurs je fonce sur le Net. Comme le dit Cécile Prudhomme, le projet de grand canal a été abandonné en 1997, donc les jeunes nés après, ou disons depuis 1990, doivent aussi se demander ce que c’est que cette histoire de relier le Rhône et le Rhin.

 

 

Et cette fameuse histoire elle ne date pas de maintenant et même d’hier, tenez vous bien, tenez vous mieux si possible, tout ceci commence en 1784 (et on dit que l’administration est lente) et s’achève dans sa première phase en 1832.

 

C’est un canal pour les gabares, les Chalands, les Sisselandes, les Bélandres, les flûtes du Berry, les bateaux-écuries, tous et toutes au gabarit Becquey (Écluses de 30,40 m × 5,20 m, mouillage 1,60 m, hauteur libre 3 m) tirés par des chevaux ou des mulets.

 

Entre 1882 et 1921 il va, comme les autres canaux, passer au gabarit Freycinet (écluses de 39,50 m × 5,20 m, mouillage 2,20 m, hauteur libre 3,70 m). Il avait donc une réalité économique certaine. Mais petit à petit les exigences des transports modernes obligent à nouveau à calibrer le canal pour les nouveaux trains de chalands et les nouveaux bateaux fluviaux. Sur les péniches nous trouvions du charbon de Montceau les mines et de la potasse d’Alsace.

 

Son tracé ? Il relie le Rhône au Rhin en se raccordant à des canaux et des fleuves.

 

Il part de Saint-Symphorien-sur-Saône en Côte-d’Or, où il à son embouchure sur la Saône qui est rendue navigable jusqu’à son confluent avec le Rhône à Lyon.

 

Il aboutit à Niffer (Haut-Rhin) à l’écluse de Kembs-Niffer sur le grand canal d’Alsace. Soit un parcours de 236 km comportant 114 écluses traversant trois régions : Bourgogne, Franche-Comté- et Alsace.

 

Ce n’est pas de la petite bière. Mais l’idée de permettre le passage de bateau de 5000 tonnes tarabuste de plus en plus les technocrates, les planificateurs comme les industriels.

 

Pourquoi 5000 tonnes ? Tout simplement parce que le gabarit existe et est utilisé sur le Rhin, il est dit Européen. Ce sont les Rhénans dits « automoteurs de rivière ». Mais faire passer ces péniches de 135 mètres de long pour une largeur de 8 à 15 mètres et un enfoncement de 3,50 mètres dans des structures au gabarit Freycinet n’est pas possible.

 

Au cours des années 70 dans la partie sud, sur la Saône, de nouvelles écluses de 185 mètres, au gabarit européen de 5000 tonnes, sont construites à Seurre, Écuelles, Ormes, Dracé et Couzon. Dans l’Est le canal, est transformé entre Niffer et Mulhouse tout comme entre Montbéliard et Étupes.
Entre ces deux parties mises au gabarit on ne passe pas puisque rien n’est aux dimensions européennes. Et c’est vrai que l’on passe en tunnel sous la forteresse de Besançon.

 

Pourquoi ? Comment se fait-ce ? Quid et tout le Toutim ?

 

En 1992, sous la pression des mouvements écologistes tout est arrêté. Du coup en 1995 le meilleur économiste de France, Raymond Barre, fait voter une loi qui assure le financement des travaux restant. Las, en 1997, le gouvernement Jospin, comprenant la ministre de l’Environnement Dominique Voynet, alors élue de Franche-Comté, abandonne définitivement le projet. La plaisance remplace le fret, l’huile solaire se substitue à la sueur du marinier.

 

 

En avril 1998 une mission d’information est mise en place. Comme toujours en France, je fais, je ne fais plus, je relance, j’arrête tout, je réfléchis.
Le 15 novembre 1999, l’assemblée nationale se voit remettre un rapport d’information sur les perspectives économiques et sociales de l’aménagement de l’axe européen Rhin-Rhône. Il préconise de relancer la liaison. Et comme la fois précédente rien ne se fait car les oppositions économiques ou écologiques sont toujours nombreuses et puissantes.

 

Peut-on parler d’un deal conjoncturel entre les politiques et les lobbys du transport routier ? Même si de manière pragmatique ces forces ont trouvé le résultat qu’elles attendaient ce serait sans doute pousser un peu trop fort que de parler d’une alliance de circonstance.

 

Insubmersible, le projet de liaison Rhin-Rhône refait surface en 2009. Il y a 12 ans entre l’arrêt et l’idée de relancer ce chantier par le couloir Moselle-Saône. Les oppositions sont toujours aussi présentes et solides.

 

En même temps, pour vous, pour moi, pour tous ceux qui aiment la navigation fluviale et les autres amis du diésel et de la rame, le manque d’informations simples et objectives, la pénurie de prospectives financières, économiques et planificatrices, la radicalisation des positions opposées, l’absence d’un vrai débat politique apaisé sur le fond, empêche de se former une opinion réaliste, sereine, objective. C’est ballot pour qui veut voter intelligemment.

 

Qui à raison, qui a tort, l’une ? L’autre ? Les deux ? Sans doute et inversement. Quels sont les impacts économiques, sociaux, écologiques ? Nous ne savons pas. Nous ne disposons là que d’arguments partisans, pas de données fiables, personne ne peut se faire une opinion raisonnable à partir de ça.

 

Mais au moins nous savons un peu mieux de quoi parlent Cécile Prudhomme et Canalou.

 

En même temps, si cet élément devait devenir prégnant dans la campagne et introduire un axe nouveau de développement économique, les deux camps en présence devraient faire preuve de beaucoup de pédagogie. Sinon le sujet sera vite éclusé et deviendra vite bateau pour des électeurs à la remorque.

 

 

Gilles Desnoix

 

 

 

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